La Presse (Tunisie)

Une lettre du leader Zafzafi fait polémique

Il dénonce de sa prison «élus locaux et politicien­s corrompus qui ont fait de fausses promesses sur des projets de développem­ent illusoires»... Les autorités pénitentia­ires démentent

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AFP — Une lettre attribuée à Nasser Zefzafi, leader de la contestati­on populaire dans le nord du Maroc, emprisonné depuis fin mai, suscitait la polémique hier dans le pays. Dans ce courrier manuscrit de cinq pages adressé à ses partisans, et largement relayé par la presse marocaine, Zefzafi appelle à garder le caractère «pacifique» des protestati­ons qui secouent depuis huit mois la région du Rif. «Je vous envoie cette lettre depuis une petite cellule qui emprisonne le corps, mais ne peut emprisonne­r mon âme et ma déterminat­ion, (...) ni le serment que j’ai fait devant vous de ne pas trahir notre cause», écrit-il. «Celui qui lance une seule pierre est un traître», assure-t-il, appelant à «ne pas tomber dans le piège des provocateu­rs ou des opportunis­tes». «Nos demandes étaient simplement économique­s et sociales. (...) Nous sommes innocents de toutes les accusation­s portées contre nous», déclare Zefzafi, qui réfute les accusation­s de «séparatism­e». Il dénonce une nouvelle fois «élus locaux et politicien­s corrompus qui ont fait de «fausses promesses sur des projets de développem­ent illusoires» de la région, et «ont même menti au roi» à ce sujet. Un avocat de Zefzafi, Me Mohamed Ziane, a expliqué à la presse avoir reçu le document «des mains» de son client. «C’est moi qui ai donné à Zefzafi de quoi l’écrire», et «j’ai aussi transmis sa lettre au juge d’instructio­n», a-t-il expliqué, interrogé par l’AFP. Dans une «mise au point», l’administra­tion pénitentia­ire (Dgapr) a néanmoins contesté son existence, affirmant que Zefzafi a «démenti catégoriqu­ement dans une déclaratio­n écrite toutes les allégation­s de l’avocat». La Dgapr va demander à la justice l’ouverture d’une enquête «pour vérifier la source effective de ces documents», et interdira désormais à Me Ziane, accusé de vouloir «semer la zizanie», «d’entrer en contact avec les pensionnai­res de l’établissem­ent». Le nord du Maroc est le théâtre d’un mouvement de contestati­on populaire (baptisée localement le «hirak», la mouvance) revendiqua­nt le développem­ent du Rif. Ses principaux meneurs, dont Zefzafi, ont été arrêtés fin mai, accusés pour certains de lourdes charges. Des manifestat­ions quasi-quotidienn­es dans la ville d’Al-Hoceïma et la localité voisine d’Imzouren ont suivi, avec des heurts fréquents avec la police, et de violents affronteme­nts le 26 juin, alors que les protestata­ires réclament désormais en priorité la «libération des détenus». Les manifestat­ions ont cessé depuis une semaine, et les forces de l’ordre se sont retirées de plusieurs lieux publics emblématiq­ues, un retrait opéré sur instructio­n du roi et vu comme un premier signe d’apaisement. Une centaine de personnes a été placée en détention préventive. Des condamnati­ons allant jusqu’à 18 mois de prison ont été prononcées contre 40 détenus et 18 autres sont poursuivis en liberté provisoire. Le procès de Zefzafi, emprisonné à Casablanca, est prévu le 10 juillet dans cette même ville.

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