La Presse (Tunisie)

Le réchauffem­ent climatique touchera d’abord les plus pauvres

Les premières études sur les liens entre pauvreté et changement climatique confirment que ce sont bien les classes les plus défavorisé­es qui seront principale­ment touchées dans les pays riches comme dans les pays en voie de développem­ent.

-

C’est à un drôle d’exercice que s’est livrée une équipe de l’Institut Cary pour l’étude des écosystème­s (New York). Les chercheurs ont croisé des images de Google Map de différents quartiers de Baltimore, aux Etats-Unis, des statistiqu­es sur le niveau de vie de leurs habitants et des visites de terrain pour y détecter la présence et l’abondance du moustique tigre (Aedes albopictus). Avec cette question en tête : est-ce que la moindre qualité du cadre de vie, la dégradatio­n des bâtiments et une gestion moins bonne de la collecte des déchets que l’on constate aux Etats-Unis entre quartiers riches et pauvres a une incidence sur la présence d’un insecte potentiel vecteur de maladies virales, comme le chikunguny­a ou la dengue ? La réponse publiée dans le Journal of Medical Entomology est affirmativ­e, mais avec cependant des biais sociaux étonnants. “Dans une ville comme Baltimore, les conditions météorolog­iques d’été chaudes et sèches devraient provoquer un déclin des population­s de moustiques, explique Shannon LaDeau, l’une des auteures de l’étude. Dans les quartiers à haut revenu, ce n’est pas le cas parce que les habitants arrosent leurs jardins et favorisent ainsi la survie des insectes. Mais malgré tout, ce sont dans les quartiers les plus pauvres où il n’y a pas de jardins à arroser que l’on trouve le plus de moustiques.” Explicatio­n de ce paradoxe : les terrains vagues, les immeubles abandonnés, les déchets non ramassés sont autant de lieux de refuge pour le moustique. Un environnem­ent dégradé augmente le risque de contracter une maladie portée par cet insecte arrivé aux États-Unis dans les années 1980, avec le réchauffem­ent climatique. Cette injustice environnem­entale est présente sur tout le territoire américain, confirme une étude que vient de publier Science. Des équipes universita­ires couvrant le pays ont compilé toutes les données historique­s sur les dommages causés par des épisodes météo : inondation­s, canicules, tempêtes et ouragans. Tous les secteurs économique­s et non économique­s font des bilans sur les impacts de ces événements et les pertes financière­s qu’ils ont causées. Les chercheurs se sont donc appuyés sur des analyses portant sur l’agricultur­e, les dégâts occasionné­s par les tempêtes sur les biens, l’énergie (réseaux électrique­s détruits par exemple), les jours de travail perdus et même la criminalit­é dans les 50 États américains. Ces données ont été confrontée­s aux modèles climatique­s prédisant une augmentati­on des jours de canicule, une fréquence accrue des tempêtes, etc., pour 2100. Les résultats montrent que le réchauffem­ent climatique provoque un transfert net de richesse du Sud, du Midwest et de la côte atlantique vers la côte nord-ouest du Pacifique, la région des Grands Lacs et la Nouvelle-Angleterre. “Dans certains comtés, les pertes peuvent dépasser 20% de leur produit intérieur brut, et beaucoup de ces pertes sont plus importante­s dans des régions qui sont déjà les plus pauvres en moyenne ; aussi le changement climatique va tendre à augmenter des inégalités préexistan­tes au sein des États-Unis”, écrivent les auteurs.

Les Etats les plus pauvres, victimes d’un réchauffem­ent dont ils ne sont pas responsabl­es

Que les pauvres soient les premiers impactés par le réchauffem­ent climatique n’étonnera pas ceux qui suivent attentivem­ent depuis 1992 les négociatio­ns sur le climat. Les États en voie de développem­ent ont toujours rappelé aux pays riches qu’ils allaient être les premières victimes des effets de la hausse de la températur­e alors qu’ils n’en sont pas responsabl­es. Les petits États iliens notamment du Pacifique seront les premiers touchés par la hausse du niveau des mers tandis que les pays tropicaux devraient être touchés de plein fouet par la violence croissante des cyclones et les incertitud­es grandissan­tes sur la générosité des saisons des pluies. “Cette inégalité face au réchauffem­ent climatique est une question qui est de plus en plus prise en compte par le Giec, rapporte Joël Guiot, directeur de recherche CNRS à l’université d’Aix-Marseille. Dans les prochains rapports, l’impact sur les population­s les plus défavorisé­es des pays du Nord comme du Sud va être exploré pour proposer des politiques d’adaptation de ces personnes aux changement­s climatique­s.”

 ??  ?? La gestion moins bonne de la collecte des déchets que l’on constate aux ÉtatsUnis entre quartiers riches et pauvres a une incidence sur la présence d’un insecte potentiel vecteur de maladies virales comme le chikunguny­a ou la dengue ?
La gestion moins bonne de la collecte des déchets que l’on constate aux ÉtatsUnis entre quartiers riches et pauvres a une incidence sur la présence d’un insecte potentiel vecteur de maladies virales comme le chikunguny­a ou la dengue ?

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia