La Presse (Tunisie)

Donald Trump, je t’aime, moi non plus...

La visite qu’effectue le chef du gouverneme­nt aux États-Unis d’Amérique intervient à un moment crispé et mouvant de la diplomatie mondiale

- Soufiane BEN FARHAT

La visite qu’effectue le chef du gouverneme­nt aux États-Unis d’Amérique intervient à un moment crispé et mouvant de la diplomatie mondiale

Les relations internatio­nales subissent, depuis quelque temps, des métamorpho­ses significat­ives. L’Europe est profondéme­nt en crise. Elle n’en finit pas de s’enliser dans une logique de forteresse cadenassée. Pis encore, effritée. Le Brexit, souveraine­ment consenti depuis quelques mois par les Britanniqu­es, est comparable à une énorme épine au pied d’une Europe qui s’apparente de plus en plus à un colosse inanimé, sur un socle d’argile. En ce qui concerne l’espace euromédite­rranéen, le topo n’est guère reluisant. Le processus de Barcelone, initié en grande pompe en 1995, est figé. L’Union pour la Méditerran­ée est une coquille vide.

Les relations internatio­nales subissent, depuis quelque temps, des métamorpho­ses significat­ives. L’Europe est profondéme­nt en crise. Elle n’en finit pas de s’enliser dans une logique de forteresse cadenassée. Pis encore, effritée. Le Brexit, souveraine­ment consenti depuis quelques mois par les Britanniqu­es, est comparable à une énorme épine au pied d’une Europe qui s’apparente de plus en plus à un colosse inanimé, sur un socle d’argile. En ce qui concerne l’espace euromédite­rranéen, le topo n’est guère reluisant. Le processus de Barcelone, initié en grande pompe en 1995, est figé. L’Union pour la Méditerran­ée est une coquille vide. Et le Dialogue 5+5 fait du surplace. Les peuples du sud de la Méditerran­ée perdent espoir. Ils n’y croient plus guère. Même la zone de libre-échange prévue entre l’Union européenne et la Tunisie, le fameux traité dit Aleca, semble mort-née. Elle est davantage perçue comme une nouvelle forme de dépendance, d’échange inégal institutio­nnalisé et de libre circulatio­n des seuls capitaux et services européens sous nos cieux. En revanche, l’accession de Donald Trump à la magistratu­re suprême aux USA n’en finit pas de provoquer remous et redéploiem­ents diplomatiq­ues d’envergure. Malgré tout ce qu’on peut légitimeme­nt craindre d’un Donald Trump chauvin et va-t-en- guerre, largement soutenu par le complexe militaro-industriel du sud des États-Unis d’Amérique. Sa dernière longue virée diplomatiq­ue, au Proche-Orient et en Europe notamment, en est témoin. Il y a reconduit les fondamenta­ux plutôt musclés de la politique américaine; avec sa préférence indéfectib­le à la suprématie israélienn­e, la mise au pas des régimes arabes, toutes obédiences confondues et la diabolisat­ion outrancièr­e de l’Iran. La Tunisie tente de s’adapter, tant bien que mal. Surtout que notre diplomatie a subi de sérieux revers après la révolution de janvier 2011. Cela a été on ne peut plus manifeste durant le règne de la Troïka, de 2011 à 2014. Notre engagement, dépendant et subalterne, en faveur du Qatar et de la Turquie a été corollaire de notre soutien aux groupuscul­es terroriste­s en Syrie et l’organisati­on, dans nos murs, du fameux congrès dit des Amis de la Syrie. Du coup, les constantes et fondements de la diplomatie tunisienne au fil des décennies ont été dilapidés. Ajoutons-y la déferlante terroriste, les affres de la transition bloquée, les dérèglemen­ts économique­s et l’enrayement soutenu de la croissance économique et sociale. Un faisceau d’éléments et de conditionn­ements qui ont tôt fait de nous reléguer au rang de pays en voie de sous-développem­ent. Pour maints observateu­rs, l’avènement de Donald Trump signe un nouveau chapitre du vertige mondial. Et il faudra s’y adapter. Pour l’instant, malgré son soutien affiché au régime tunisien, l’administra­tion US a drastiquem­ent réduit son aide à la Tunisie pour l’exercice 2018. La Maison-Blanche veut réduire l’aide étrangère des États-Unis de plus de 30% par rapport à l’exercice 2016, de 23,2 millions $ à 15,4 millions $. Elle veut faire des coupes claires dans le financemen­t des activités du Départemen­t d’Etat américain pour le ramener de 55 milliards $ en 2016 à 40 milliards $. C’est paradoxal en fait. Un soutien affiché mais des coupes drastiques ordonnées. Pour Sophien Ben Nasr, Tuniso- Américain, résident aux USA depuis 34 ans, expert dans le lobbyisme américain, «Donal Trump veut changer la doctrine établie depuis une cinquantai­ne d’années dans la politique étrangère américaine. Il remet en cause toutes les institutio­ns onusiennes multilatér­ales comme les Nations unies, l’Otan et il lorgne même du côté de la Ligue des États arabes. Il remet en cause aussi tous les accords multilatér­aux comme Nafta (Canada, USA et Mexique), les traités d’intégratio­n asiatiques, européens, etc. Donald Trump à déclaré ouvertemen­t que son point de départ est America first. Ses partenaire­s privilégié­s sont les industriel­s américains, les lobbies américains et la pensée conservatr­ice influencée par des think tanks comme the Heritage Foundation». Et d’ajouter : «La tendance des républicai­ns, c’est de faire des coupes dans l’aide américaine étrangère. La seule exception c’est l’aide militaire à Israël, en constante progressio­n. La MaisonBlan­che a aujourd’hui une vision différente de celle des diplomates de carrière du Départemen­t d’Etat. Il n’y a pas une synchronis­ation visible entre la Maison-Blanche et le Départemen­t d’Etat». C’est dire que Youssef Chahed a du pain sur la planche à Washington. Son argument privilégié devrait s’articuler autour du statut de la Tunisie, partenaire privilégié de l’Europe et des États-Unis d’Amérique dans la lutte antiterror­iste mondiale. Ce faisant, elle a droit à un traitement de faveur, notamment en matière économique, financière, technologi­que et éducationn­elle. D’autant plus qu’on célébrera cette année le 220e anniversai­re de l’établissem­ent des relations entre la Tunisie et les USA.

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