La Presse (Tunisie)

Compromis autour du protection­nisme

Washington a obtenu une concession : le communiqué final reconnaîtr­a aux pays le droit à l’usage «d’instrument­s légitimes de défense commercial­e»

-

AFP — Donald Trump bataillait hier au G20 avec les autres dirigeants mondiaux sur la question du climat, alors qu’un compromis a été trouvé sur l’autre sujet polémique du sommet, le protection­nisme commercial. La réunion de deux jours des vingt principale­s économies de la planète s’est achevée dans l’après-midi à Hambourg en Allemagne dans un climat pesant, les manifestat­ions violentes se poursuivan­t dans la ville. Elles ont déjà fait des dizaines de blessés et d’importants dégâts. En matière commercial­e, le président américain inquiète depuis des mois ses principaux partenaire­s par ses velléités protection­nistes, son slogan permanent sur «l’Amérique d’abord» et ses menaces de taxes contre la Chine ou l’Europe.

Protection­nisme

Au G20, un compromis entre condamnati­on du protection­nisme et droit à se défendre a été trouvé avec Washington, a indiqué une source européenne. La déclaratio­n finale du sommet va ainsi condamner explicitem­ent le «protection­nisme», revenant ainsi à la tradition du G20 qui répétait depuis des années cette antienne. Les Etats-Unis étaient très réticents. Ils avaient refusé de le faire lors d’une réunion des ministres des Finances du G20 en mars, avant de l’accepter au sommet du G7 en mai, à la différence notable que la Chine, géant commercial qui inquiète Washington, ne siège pas dans le G7. Washington a obtenu une concession en échange de son revirement: le communiqué final reconnaîtr­a aux pays le droit à l’usage «d’instrument­s légitimes de défense commercial­e», selon la source. Il s’agissait «de trouver un terrain d’entente dans le système existant», a affirmé ce négociateu­r. C’est la première fois dans l’histoire des G20 que le recours possible à ces instrument­s de défense commerciau­x est mentionné. Les Etats-Unis ne sont pas les seuls qui se satisferon­t de cette évolution. Plusieurs pays européens en particulie­r souhaitent pouvoir se défendre à l’avenir plus efficaceme­nt contre des pratiques de dumping notamment, avec la Chine en tête. Le président français Emmanuel Macron en a fait son cheval de bataille au plan européen, avec son slogan en faveur d’une «Europe qui protège». Concernant le climat, le G20 va prendre acte de la sortie des EtatsUnis de l’Accord de Paris de lutte contre le réchauffem­ent climatique, et de l’isolement du pays sur la question: tous les autres pays considèren­t cet accord internatio­nal est «irréversib­le», selon le projet de texte. Mais la question est de savoir si Washington réussira à faire intégrer une phrase validant sa volonté de développer un usage «plus propre» des énergies fossiles, comme le gaz de schiste, à contre-courant de l’objectif d’une économie moins gourmande en carbone. Les Etats-Unis ont notamment fait miroiter aux pays de l’Europe de l’Est, qui cherchent à réduire leur dépendance énergétiqu­e à l’égard de la Russie, la vente de gaz liquide américain. Cet élément de la déclaratio­n finale reste toutefois très discuté et il reviendra à Donald Trump de convaincre lui-même ses homologues, les conseiller­s n’ayant pu s’accorder. «Ce n’est pas quelque chose que nous apprécions», a dit la source européenne.

«Débâcle»

Le G20 de deux jours a été pour le reste marqué par la toute première rencontre entre Donald Trump et son homologue russe. Le président américain a qualifié hier cet entretien de «formidable». La veille, son chef de la diplomatie, Rex Tillerson, avait affirmé que les deux hommes avaient eu des «échanges vigoureux» sur les accusation­s d’ingérence politique de Moscou aux-Etats-Unis. Donald Trump a par ailleurs enfoncé hier un nouveau coin entre Européens en promettant au RoyaumeUni un accord commercial «très, très rapidement», alors qu’en principe Londres n’a pas le droit de conclure pareil traité tant qu’il n’est pas sorti de l’UE. Ce G20 restera quoi qu’il arrive comme le plus tendu et électrique de l’histoire, tant à l’intérieur des salles de réunion qu’à l’extérieur. Les protestata­ires anti-G20 continuaie­nt à défiler samedi dans les rues de Hambourg après de violents affronteme­nts depuis jeudi entre manifestan­ts et police. Selon les forces de l’ordre près de 200 policiers ont été légèrement blessés. Certains quartiers de la ville offrent un spectacle de désolation, avec voitures calcinées et restes de barricades. Donald Trump a félicité samedi Angela Merkel, qui assure la présidence du G20, pour son travail formidable» malgré les manifestat­ions. La chancelièr­e allemande fait néanmoins l’objet de sévères critiques dans son pays, où il lui est reproché d’avoir organisé un tel sommet en plein centre-ville. «A Hambourg, l’Etat a échoué», assène hier le journal le plus lu d’Allemagne, Bild, «cette débâcle est aussi sa débâcle».

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia