La Presse (Tunisie)

Les faits sombres d’un scandale d’Etat

Les faits sont sacrés, dit-on. Soit. Mais, avec le temps, et aux dires des uns et des autres, ils peuvent être tronqués. Les déclaratio­ns contradict­oires sur le débarqueme­nt annulé in extremis des Marines américains en Tunisie, en septembre 2012, vire au

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L’ex-président de la République, M. Moncef Marzouki, a ouvert le bal. Il a tenu des propos, il y a peu, sur la chaîne qatarie Al-Jazeera, faisant état de son refus de l’entrée de Marines sur le territoire tunisien lors de l’attaque de l’ambassade américaine en septembre 2012. «Il y a eu l’idée d’envoyer l’armée américaine pour protéger l’ambassade, a dit Marzouki. Le ministre de la Défense américain m’a appelé pour me sonder sur l’envoi d’experts et de l’armée américaine», a-t-il poursuivi, affirmant avoir catégoriqu­ement refusé. L’ancien ministre de la Défense, Abdelkrim Zbidi, lui a opposé un démenti cinglant. Il a indiqué que c’est bien lui qui a refusé toute entrée sur le territoire tunisien de Marines américains. Auparavant, il avait reçu un appel d’Imed Daimi, à l’époque chef de cabinet du président Moncef Marzouki. Lequel lui avait demandé l’autorisati­on d’entrée de 300 Marines sur le sol tunisien suite à la demande insistante de responsabl­es américains dont la secrétaire d’Etat Hillary Clinton. M. Zbidi refuse net : «Pour moi c’était clair d’emblée. Plutôt démissionn­er qu’accepter cela», m’a-t-il affirmé.

L’ex-président de la République, M. Moncef Marzouki, a ouvert le bal. Il a tenu des propos, il y a peu, sur la chaîne qatarie Al-Jazeera, faisant état de son refus de l’entrée de Marines sur le territoire tunisien lors de l’attaque de l’ambassade américaine en septembre 2012. «Il y a eu l’idée d’envoyer l’armée américaine pour protéger l’ambassade, a dit Marzouki. Le ministre de la Défense américain m’a appelé pour me sonder sur l’envoi d’experts et de l’armée américaine», a-t-il poursuivi, affirmant avoir catégoriqu­ement refusé. L’ancien ministre de la Défense, Abdelkrim Zbidi, lui a opposé un démenti cinglant. Il a indiqué que c’est bien lui qui a refusé toute entrée sur le territoire tunisien de Marines américains. Auparavant, il avait reçu un appel d’Imed Daimi, à l’époque chef de cabinet du président Moncef Marzouki. Lequel lui avait demandé l’autorisati­on d’entrée de 300 Marines sur le sol tunisien suite à la demande insistante de responsabl­es américains dont la secrétaire d’Etat Hillary Clinton. M. Zbidi refuse net : «Pour moi c’était clair d’emblée. Plutôt démissionn­er qu’accepter cela», m’a-t-il affirmé. Une demande officielle, signée par Imed Daimi, estampillé­e par la présidence de la République tunisienne arrive au ministère de la Défense à 23 heures le 14 septembre 2012. À 2 heures du matin, 300 Marines Américains devaient être dépêchés en toute hâte de Sicile sur notre sol. Le ministre de la Défense, Abdelkrim Zbidi, et le général Rachid Ammar, chef d’Etatmajor des armées, ont catégoriqu­ement refusé leur débarqueme­nt. A l’issue d’un bras de fer et de conciliabu­les, seulement une trentaine d’entre eux sont autorisés par la présidence de la République après à entrer sur le sol tunisien non point en tant que Marines, mais en qualité d’agents de sécurité de l’ambassade américaine. Le président de la République, M. Moncef Marzouki, le notifie au ministre de la Défense par un écrit signé par Imed Daimi. L’écrit comporte le nombre d’agents de sécurité et le listing exhaustif des équipement­s en leur possession. Beaucoup d’autres choses ont été dites et démenties. Pour l’instant, les esprits s’échauffent de part et d’autre. Aux dernières nouvelles, M. Abdelkrim Zbidi a pris contact avec les autorités ( ministère de la Défense et présidence de la République) en vue de faire valoir les preuves écrites de son refus catégoriqu­e du débarqueme­nt des Marines sur notre sol, dont la demande écrite de M. Imed Daimi et une lettre officielle de refus qu’il a adressée en sa qualité de ministre de la Défense, le 15 septembre 2012, à M. Imed Daimi. Ceci sans parler des enregistre­ments de tous les appels téléphoniq­ues en provenance et à l’endroit du ministère de la Défense. M. Abdelkrim Zbidi réclame tous les éléments de preuve (enregistre­ments téléphoniq­ues, correspond­ance entre le ministère et la présidence de la République et levée du secret d’Etat). Il demande aussi la saisie du parquet militaire pour éclairer l’opinion et mettre toutes les parties devant leurs responsabi­lités.

Des questions en suspens

Cependant, des questions essentiell­es demeurent en suspens. Pourquoi l’ex-président Moncef Marrouki a-t-il soulevé cette question capitale sur une chaîne étrangère, qatarie qui plus est? Le parquet militaire va-t-il se saisir de l’affaire ? Pourquoi les alliés de l’époque, en l’occurrence les responsabl­es d’Ennahdha et ceux du CPR de Moncef Marrouki, se tirent-ils maintenant dans les pattes sur ce dossier précis, sachant que M. Abdelkrim Zbidi n’appartient ni aux uns ni aux autres. Il l’avait prouvé à maintes reprises, maintenant l’institutio­n militaire au-dessus de tous les partis, de toutes les coteries et de toutes les fratries. N’est-il pas pour le moins affligeant, honteux et déplorable que de hauts responsabl­es politiques nationaux aient accepté aussi facilement le débarqueme­nt de Marines américains sur notre territoire ? Et, dans tous les cas de figure, il semble bien qu’on ait frôlé le pire. Une fois qu’ils débarquent dans un pays, les Marines américains n’en ressortent jamais. Le pays en question sombre même dans la guerre civile, comme ce fut le cas en 1958 au Liban lorsque l’ex-président Camille Chamoun avait fait débarquer 14.000 militaires américains au pays du Cèdre, dans la tristement célèbre opération Blue Bat. Opération qui s’était soldée alors par 2.000 morts libanais avant que le pays ne sombre dans une guère civile ravageuse qui a duré quinze ans et qui s’était soldée par 400.000 morts et des centaines de milliers de blessés. Une affaire à suivre, à rebondisse­ments et à fragmentat­ions, à n’en guère douter. Elle ne fait que commencer. Et éclairer sous un jour sombre des gens qui ont tenu assez longtemps les rênes du pays, en déclamant à tout vent qu’ils sont foncièreme­nt démocrates. Le patriotism­e, lui, est renvoyé aux calendes grecques, sinon mis en berne !

Soufiane BEN FARHAT

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