Des prérogatives limitées pour la future Instance de lutte contre la corruption ?
La réponse est hélas oui et nous le regrettons profondément
En réponse à l’article en date du 22 juillet 2017 paru dans vos colonnes, relatif à la loi portant création de l’Instance constitutionnelle de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, intitulé ‘’Des prérogatives limitées’’, nous tenons à apporter les précisions suivantes pour corriger certaines informations. 1- L’article en question évoque une loi adoptée ‘’avec une très large majorité’’ : or, l’auteur omet de préciser que le nombre des députés présents était dans la limite du quorum légal, ce qui est un élément important à ne pas dissimuler. 2- Ensuite, il est fait allusion à de prétendues assurances que nous aurions reçues pour devenir éventuellement le président de la future Instance de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption : je tiens à préciser que cette affirmation n’est ni fondée, ni étayée par le moindre commencement de preuve et qu’elle tend à réduire le sujet à une simple affaire de poste de responsabilité. Je le démens avec la dernière fermeté puisque nous n’avons eu de cesse de recentrer le débat sur les prérogatives de la future instance et les aspects purement institutionnels s’y référant. 3- Enfin,nous réitérons ce que nous avons toujours déclaré publiquement, à savoir que notre candidature n’a jamais et ne sera jamais à l’ordre du jour; toute notre attention se porte sur un seul objectif, à savoir poursuivre notre mission pleinement en ne baissant pas la garde dans notre guerre contre la corruption avant de remettre les clés de la « maison » à celles et ceux que l’Assemblée des représentants du peuple désignera pour cette lourde tâche. Sur ce point, nous n’avions exprimé à aucun moment notre intention de présenter notre candidature pour une quelconque responsabilité. Tous les efforts que nous avions déployés s’inscrivaient en faveur d’une instance de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption indépendante, autonome et en accord avec l’esprit de la Constitution. N’agissant que pour servir l’intérêt général, notre seul souci était la mise en place d’une instance agissant efficacement contre la corruption, chose, hélas, qui n’a pu se réaliser avec le « découpage» méthodique d’un projet de loi lui-même problématique qui, au final, a produit une instance aux compétences inférieures à celles conférées par le décret-loi 2011-120 du 14 novembre 2011 à l’Inlucc. 4- L’acharnement de l’auteur de l’article ne s’arrête pas là : dans un élan pour le moins surprenant, il nous fait un procès d’intention injustifié, affirmant que nous nous apprêtions, une fois élu, à confisquer les biens de n’importe qui sans avoir à rendre comptes à la justice, d’agir dans l’arbitraire en procédant à des arrestations et en emprisonnant les citoyens (sic) ?!. Bref, pour reprendre les termes de l’article en question de créer «un pouvoir tentaculaire qu’on ne pourra plus contrôler, et pire encore, un Etat dans l’Etat». Ceci témoigne bien évidement d’une méconnaissance totale de nos combats passés et des valeurs pour lesquelles nous nous sommes engagés qui n’avaient pour autre objectif que de faire prévaloir la loi. La vision que nous avons présentée de cette instance s’inscrit parfaitement dans cette perspective; l’instance ne forme qu’une partie de l’édifice institutionnel constituant l’Etat de droit avec des blocs de compétences bien définis et des pouvoirs qui s’équilibrent par un jeu de mécanismes de contrôle mutuel. Sur un autre plan, cet article de presse ne prend pas en considération un impératif qui nous lie tous, à savoir nous conformer à notre charte fondamentale et son esprit. En effet, tout ce que nous avons entrepris trouve son fondement dans l’article 130 de la Constitution qui donne à l’instance constitutionnelle de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption une autonomie et des prérogatives conformes aux exigences de sa mission particulièrement complexe. Elle est vitale pour l’intérêt du pays. Mais je dois le dire à regret, la loi adoptée rend peu probables les effets que nous appelions de nos voeux. 5- L’auteur de l’article semble s’intéresser au débat juridique et même jouer aux juristes éminents en nous livrant des avis «pertinents» sur la teneur de certaines dispositions discutées dans l’hémicycle du Bardo : aussi convient-il de lui préciser, qu’après consultation de nos juristes les plus autorisés, universitaires, magistrats et avocats, un constat unanime a été fait pour dire que l’article 19 ancien du projet de loi devenu l’article 20 dans la nouvelle loi pourrait être « censuré» pour cause de non-conformité à la Constitution, principalement avec son article 130. Nous ajouterons qu’il n’a jamais été dans notre intention de nous substituer au pouvoir judiciaire, encore moins de lui disputer ses compétences. Sur ce point, il n’y a qu’à se référer à nos multiples déclarations auprès des différents organes de presse ainsi qu’à nos publications sur notre site officiel et autres supports internet. Si l’auteur de l’article en question nous fait le procès « d’excès d’attachement » à la Constitution, des principes et des valeurs qu’elle consacre, qu’il en soit ainsi ! Cela ne pourrait constituer qu’un honneur de plus pour nous dont nous serions très fiers. 6-Enfin, l’auteur de l’article intitule son article «des prérogatives limitées » sans préciser de quelle institution ou instance il est question : nous nous faisons un plaisir de compléter son intitulé et en déclarant « oui monsieur ce sont bien des prérogatives fort limitées »…. et nous le regrettons profondément.
Bâtonnier Chawki TABIB Président de l’Instance nationale de lutte contre la corruption