Le temps de la moralisation
L’on sait que les joueurs étrangers ne sont pas rémunérés en monnaie locale. Une partie est payée en dinars, donc déclarée, mais une autre l’est en devises, et donc au noir !...
La question ne cesse d’agiter le monde du sport : le désarroi de la Banque centrale face aux sommes faramineuses en devises qui migrent à l’étranger devrait-il conduire à une restriction dans les salaires des entraîneurs et des joueurs étrangers ?
Il faut reconnaître, mais aussi comprendre, que si la Banque centrale tient à une pareille abstention, c’est essentiellement par souci d’assurer l’équilibre budgétaire et monétaire. L’Etat cherche en effet à limiter les effets de la crise financière. D’ailleurs, la BCT a déjà énuméré une série de mesures d’urgence à prendre face à deux problèmes majeurs qui touchent l’économie du pays : la détérioration du dinar et les transferts en devises. La Banque centrale souhaite que le gouvernement impose aux clubs professionnels de payer les joueurs étrangers uniquement avec la monnaie nationale.
L’on sait que les joueurs étrangers ne sont pas rémunérés en monnaie locale. Une partie est payée en dinars, donc déclarée, mais une autre l’est en devises, et donc au noir.
Les clubs devraient s’attendre à recevoir une notification officielle et seraient ainsi obligés de payer les étrangers uniquement en dinars, ce qui n’est pas systématiquement le cas actuellement. La même réforme stipule que les demandes de transfert soient accompagnées d’une autorisation préalable du ministère de tutelle avant de faire venir un entraîneur ou un joueur étrangers. Les transferts doivent se faire conformément à la réglementation mise en place et les étrangers, qu’ils soient entraîneurs ou joueurs, seront appelés à payer leurs impôts. Au niveau financier, il faut que les salaires ne dépassent pas le taux de 5 % du budget alloué à la section de football.
On aurait aimé cependant que pareille proposition soit lancée en concertation avec les présidents des clubs, qui se trouvent évidemment embarrassés. En même temps, on ne peut s’empêcher de penser à l’idée de faire porter aux sportifs étrangers la responsabilité de la conjoncture économique actuelle du pays. Cela ressemble à du protectionnisme. Il est évident que cette proposition a été lancée sans vraie réflexion et sans concertation.
Sur le plan juridique, une législation en la matière devrait être érigée pour en définir les règles.
Sur le plan sportif, un championnat de football ne peut pas se développer s’il se referme sur lui-même. Plus encore : si on ferme la porte aux étrangers, on ne peut pas exporter nos joueurs.
Si elles seront bien appliquées, de telles réformes pourraient sans doute participer à une meilleure organisation du football tunisien. Mais il ne faudrait pas que cela devienne trop contraignant pour les clubs. Le football doit justement rester un marché ouvert, libre et capable de s’autoréguler.
Il n’empêche que les clubs dépensant des sommes extrêmement importantes pour des indemnités de transfert devraient investir aussi et de façon proportionnelle dans la formation de jeunes joueurs. Outre l’aspect économique, les nouvelles mesures peuvent servir à combattre les investissements irrationnels croissants, la faiblesse du système de formation et le manque de financement des stades et des infrastructures.