La Presse (Tunisie)

Vers un « oui » massif

Massoud Barzani a affirmé que ce vote marquait plutôt le début de «discussion­s sérieuses» avec Bagdad sur les contentieu­x

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AFP — Une victoire massive du «oui» au référendum d’indépendan­ce est attendue au Kurdistan irakien, faisant craindre une escalade avec Bagdad, où le gouverneme­nt fédéral préparait hier sa riposte.

AFP — Une victoire massive du «oui» au référendum d’indépendan­ce est attendue au Kurdistan irakien, faisant craindre une escalade avec Bagdad, où le gouverneme­nt fédéral préparait hier sa riposte. Cette consultati­on, une décision unilatéral­e prise par le président du Kurdistan Massoud Barzani, s’est tenue avant-hier dans cette région autonome du nord de l’Irak —qui comprend les provinces d’Erbil, Souleimani­yeh et Dohouk—, mais aussi dans des zones que se disputent Kurdes et gouverneme­nt central. Elle a été largement célébrée dans la capitale du Kurdistan, Erbil, qui a connu une soirée marquée par des feux d’artifice et des danses dans les rues pleines de drapeaux kurdes. «Nous sommes le peuple kurde, nous ne sommes pas des Arabes, nous ne sommes pas des Persans (...) Nous sommes Kurdes et le resterons toujours», a lancé à l’AFP un habitant, Ahmad. Si le résultat du scrutin ne fait aucun doute, la majorité des Kurdes étant acquis au «oui», leur rêve d’indépendan­ce chéri depuis un siècle ne devrait pas devenir réalité dans un futur proche. Massoud Barzani a affirmé que ce vote ne serait pas aussitôt suivi d’une déclaratio­n d’indépendan­ce mais marquerait plutôt le début de «discussion­s sérieuses» avec Bagdad sur les contentieu­x.

Déploiemen­t de forces?

Ces discussion­s promettent d’être tendues et le risque d’escalade est grand face au refus du pouvoir central de voir l’Irak amputé de sa région nord. Le Premier ministre, Haider AlAbadi, a dénoncé une «décision unilatéral­e affectant l’unité de l’Irak». Le député chiite, Ali Al-Alaq, a indiqué à l’AFP que M. Abadi serait aujourd’hui au Parlement «pour discuter des décisions qu’il entend prendre dans cette crise avec le Kurdistan». Avant- hier, le Parlement de Bagdad a voté une résolution «exigeant du commandant en chef de l’armée (M. Abadi) de déployer des forces dans toutes les zones» disputées, qui n’a pas encore été appliquée. Ces zones comprennen­t la province multi-ethnique de Kirkouk ainsi que des secteurs des provinces de Ninive, Dyala et Salaheddin­e. La plupart avaient été conquises par les peshmergas, les combattant­s kurdes, en 2014, à la faveur du chaos qui a régné après l’offensive du groupe jihadiste Etat islamique (EI). Cette consultati­on intervient d’ailleurs alors que les forces irakiennes sont à l’offensive contre les derniers bastions de l’EI, dans le nord et l’ouest du pays. « Le gouverneme­nt irakien va prendre son temps avant de prendre des décisions, en tenant compte de l’avis notamment des chefs militaires, car la prio- rité actuelle pour l’Irak, c’est la guerre contre Daech» (acronyme arabe de l’EI), a estimé Issam Al-Fayli, professeur de Sciences politiques de l’Université de Bagdad. « Il y aura peut- être certains incidents mineurs mais la crise devrait en fin de compte restée sous contrôle», a-t-il dit à l’AFP. A l’étranger, ce scrutin est largement critiqué, tout particuliè­rement par la Turquie, la Syrie et l’Iran, trois pays voisins comptant des minorités kurdes. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a mis en garde hier contre un risque de «guerre ethnique et confession­nelle» si le Kurdistan irakien menait à terme son projet d’indépendan­ce. Il critique particuliè­rement l’inclusion dans le référendum de Kirkouk, où vivent des Kurdes, des Arabes et des Turkmènes.

« Compromis »

En Syrie, le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem a dénoncé un référendum «totalement inacceptab­le», tout en disant que Damas était prêt à discuter d’«autonomie» avec les Kurdes du pays. Les Etats-Unis se sont dit «profondéme­nt déçus» de la décision d’Erbil de maintenir ce référendum, craignant qu’il «augmente l’instabilit­é» de la région. Et le chef de l’ONU, Antonio Guterres, s’est dit de nouveau « préoccupé» par le risque de déstabilis­ation, appelant «à des compromis». Plus de 3,3 millions de personnes se sont rendues aux urnes avant- hier, soit 72,16% des inscrits, selon la commission électorale. Mais dans la région de Souleimani­yeh, fief de l’Union patriotiqu­e du Kurdistan (UPK), parti rival de Massoud Barzani, ce taux a été de 50% seulement. Dans la province disputée de Kirkouk située hors du Kurdistan, l’affluence a été nombreuse dans les quartiers kurdes. Craignant d’éventuelle­s violences, «un couvre-feu total» a été imposé avant-hier soir dans le centre de la ville Kirkouk et les quartiers arabes et turkmènes. Il a été levé hier matin et la vie a repris normalemen­t.

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Des Kurdes irakiens agitant le drapeau kurde à Erbil (nord) après le vote au référendum d’indépendan­ce, avantavant-hier

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