La Presse (Tunisie)

Un éternel obstiné…

Conservate­ur, inflexible, peu éclairé, Benzarti aura puisé ses dernières cartouches avec l’échec continenta­l. Il a intérêt à prendre un sérieux recul.

- R.E.H.

Les titres veulent-ils toujours signifier que l'entraîneur est un pur génie ? Les titres veulent-ils dire que celui qui les a gagnés a des annéeslumi­ère sur ses entraîneur­s-concurrent­s ? Parfois, et même dans plusieurs cas, un ou quelques grands joueurs font la différence pour n'importe quel entraîneur, un président et une direction solide permettent même à un entraîneur moyen de gagner des titres. Et parfois même un concours de circonstan­ces favorables peut aider dans les consécrati­ons. Et Faouzi Benzarti reste «un phénomène» digne d'être étudié. C'est l'entraîneur le plus titré, c'est celui pour lequel l'EST, l'ESS et le CA ont déclenché des guerres pour l'enrôler, c'est celui qui crée polémique là où il passe, là où il gagne, là ou il perd, là où il parle même ! C'est un monsieur qui a toujours réussi à gagner sur le plan local avec le CA où son épopée a commencé en 1990 (un titre historique après 10 ans de disette), puis à l'EST en 1993 et 1994, et sans oublier les titres de champion avec l'ESS en 2007 et 2016. Un palmarès local riche avec les grands clubs qui avaient à chaque fois les meilleurs joueurs sur la scène. Sur le plan continenta­l, Benzarti avait moins de réussite. Des finales perdues avec le CA en 1990, 1999 et en 2011 (en 20 ans, il n'a pas trouvé l'astuce!). Un titre gagné avec l'EST en 1994, un autre avec l'ESS en 2015, mais dans ce bilan mitigé en Afrique, l'échec face à Al Ahly samedi dernier reste un point noir dans sa carrière. C'est une défaite qui a été perçue comme un choc énorme au Parc B. Et on n'a pas idée ce que cette défaite à Radès contre Al Ahly a déclenché comme vague de colère et de frustratio­n auprès du public «sang et or» et de sa direction. Après un investisse­ment fou et des joueurs ramenés à coups de milliards, l'équipe de Faouzi Benzarti n'était pas capable de conserver un avantage de 1-0 et de protéger sa qualificat­ion pour une mi-temps.

Mêmes joueurs sollicités

Benzarti, et malgré une large expérience et beaucoup de vécu, n'a pas changé ses idées et ses méthodes. C'est quelqu'un qui a toujours compté sur un groupe réduit de joueurs qu'il «use» et «exploite» au maximum. A l'EST, ce sont 15 joueurs qui ont été utilisés par Benzarti, non seulement à l'EST, mais aussi à l'ESS ou au CA. Et cette méthode, Benzarti ne l'a pas changée même après des revers. C'est une obstinatio­n à laquelle on n'a pas de réponse. Le technicien de l'EST n'a pas voulu compter sur Ben Youssef, Sassi, Rabï, Jemal, Moncer (contraint à sortir). Le onze type, la manière de jouer, c'est toujours les mêmes quels que soient l'adversaire ou l'épreuve. Ceci est clair avec la même «attitude» tactique, les mêmes schémas de transition de la balle, et surtout cet emportemen­t fou pour presser l'adversaire. Durant toute sa carrière, Benzarti, aussi conser- vateur qu'il est, brille au court terme et échoue au moyen terme. Ses résultats, la qualité du jeu, la motivation des joueurs et l'ambiance des vestiaires, tout commence bien avec généraleme­nt un titre après quelques mois, puis commencent les problèmes. Benzarti, avec son obstinatio­n à travailler les méthodes chargées et en sollicitan­t ses joueurs, finit par perdre les repères. Les joueurs de l'EST ont paru émoussés, à la limite de l'arrêt en deuxième mi-temps. Dans tout cela, Benzarti n'a pas réagi faisant confiance aux mêmes choix contre un Ahly qui gagnait en confiance et sérénité. Au lieu de tenporiser, de compter sur des joueurs qui savent tenir la balle et créer le danger sur les actions de contres, comme Badri et Ben Youssef, Benzarti a demandé à ses joueurs de plonger en avant. La suite, vous la connaissez. Aucune prudence, une couverture quasi absente, qu'est-ce qui s'est passé ? Seul Benzarti le sait. Il n'assume pas seul le poids de la défaite certaineme­nt, les joueurs de l'EST, surestimés comme tous les joueurs tunisiens, ont été en deçà des attentes. Mais Benzarti n'a pas bien programmé la gestion de la Ligue des champions. Pourtant, il avait un effectif en or, des moyens fous mis à sa dispositio­n mais comme à chaque fois, il s'acharne à mal doser l'effort de ses joueurs (à quoi a servi le titre arabe qui a usé tous les joueurs en période de préparatio­n ?!), et ne veut pas évoluer. Sa carrière a la même courbe. Il réussit au début, il crée une dynamique autour de lui avec un style autoritair­e qui marche à court terme (le joueur tunisien aime l'entraîneur qui le traite dur), puis c'est la lassitude et les tensions dans les vestiaires. Bien accueilli au début, voire mis sur orbite, Benzarti finit par sortir par la petite porte. Comme au CA et à l'ESS auparavant et aussi trois fois avant à l'EST, Faouzi Benzarti a intérêt à changer, à laisser tomber son obstinatio­n. Alors que tous les grands entraîneur­s ont évolué, et ont changé leur philosophi­e et manuel d'entraîneme­nt, lui est resté otage de son palmarès et d'un passé où les joueurs ne sont pas ceux d'aujourd'hui, où le football a changé d'une façon effrayante.

 ??  ?? Mouine Chaâbani assurera-t-il l’intérim à l’EST ?
Mouine Chaâbani assurera-t-il l’intérim à l’EST ?

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia