Immigration clandestine: l’affaire de tous
La Tunisie ne devrait pas être laissée seule face à un problème dont la gravité a pris une ampleur particulière à la faveur d’une sorte de fracture de l’histoire qui la dépasse largement et dont elle a d’ailleurs payé le prix fort en termes de désordres a
SI l’on en croit un rapport présenté avant-hier par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, on assiste depuis trois mois à une hausse substantielle des arrestations en lien avec les tentatives d’immigration clandestine. Cette information comporte une double signification, à savoir premièrement que la vigilance pour contrecarrer le phénomène est plus grande sur nos côtes et, deuxièmement, que la poussée migratoire n’a pas faibli, au contraire.
L’analyse de ces données peut, il est vrai, faire valoir que la fermeture des grands axes de l’immigration passant au nord par la Turquie et, au sud, par la Libye — ce qui est le cas depuis le mois d’août dernier pour ce dernier pays — a pour effet une pression accrue sur des routes moins importantes, comme celle qui relie la Tunisie à l’Italie. Mais, selon les auteurs du rapport, une telle explication serait trompeuse et occulterait les raisons persistantes qui continuent d’inciter au départ la jeunesse au coeur de nos régions.
De fait, les conditions du marasme sont toujours là et les arguments par quoi les jeunes entretiennent le désespoir et l’envie de changer d’horizon n’ont pas été affaiblis. Ce qui, soit dit en passant, confère tout son mérite à ceux qui, malgré un tel contexte, non seulement n’ont pas cédé au pessimisme mais ont su, par leur courage et leur persévérance, tourner en leur faveur l’adversité de la situation.
Il reste bien sûr, et au risque de se répéter, à rappeler que la Tunisie n’a toujours pas apporté de réponse déterminante à ce qui est pourtant une revendication fondamentale de l’insurrection de décembre 2010 : la dignité... La dignité sociale et économique par l’emploi, donc par la création d’un environnement propice au développement du marché du travail. Il manque à cette réponse des gouvernements qui se succèdent une politique de développement régional plus énergique et, surtout, une capacité de mener à leur terme les réformes qui sont de nature à réellement bouleverser les conditions d’attractivité de l’investissement.
On ne manquera pourtant pas de souligner aussi que la Tunisie ne devrait pas être laissée seule face à un problème dont la gravité a pris une ampleur particulière à la faveur d’une sorte de fracture de l’histoire qui la dépasse largement et dont elle a d’ailleurs payé le prix fort en termes de désordres autant que d’efforts d’adaptation. Car, on le sait tous, le pays vit, depuis l’étincelle de décembre 2010, un remue-ménage politicostratégique à l’échelle d’une très vaste région. Elle en subit les conséquences au quotidien. En outre, la Tunisie ne cherche pas à se dérober à ce vent de l’histoire : elle s’investit pour lui donner une tournure positive à travers son engagement dans la cause de la stabilisation de la région, sur fond de développement de l’option démocratique et du dialogue politique.
Bref, la Tunisie est en droit de réclamer que soit mise en oeuvre en sa faveur une politique de solidarité internationale en général, et sans doute méditerranéenne en particulier. Un droit qui prend d’autant plus son sens, d’ailleurs, dès lors que les autorités tunisiennes s’engagent de leur côté à protéger les côtes sud-européennes de l’afflux d’immigrés clandestins qui ne viennent pas uniquement de nos régions déshéritées: qui viennent aussi, et de façon importante, des grands espaces de misère que recèle le continent africain.