L’indépendance à l’épreuve
Aujourd’hui, près de sept ans après la révolution, les instances constitutionnelles et les conseils supérieurs créés pour consacrer la démocratie ont bouleversé le paysage politique national de fond en comble
Aujourd’hui, près de sept ans après la révolution, les instances constitutionnelles et les conseils supérieurs créés pour consacrer la démocratie ont bouleversé le paysage politique national de fond en comble
Quand les membres de l’Assemblée nationale constituante ( ANC), élus le 23 octobre 2011 pour rédiger, dans un délai d’un an, la Constitution de la révolution, ils ne savaient pas ou peutêtre le faisaient-ils intentionnellement, qu’en multipliant la création des instances dites constitutionnelles et qu’en répondant positivement aux revendications les plus excessives des corporations professionnelles se disant marginalisées et étouffées par l’ancien régime (en premier lieu les magistrats), ils allaient semer les graines de la discorde permanente et préparer le nid à la consécration du principe de l’Etat dans l’Etat.
Quand les membres de l’Assemblée nationale constituante (ANC), élus le 23 octobre 2011 pour rédiger, dans un délai d’un an, la Constitution de la révolution, ils ne savaient pas ou peut-être le faisaient-ils intentionnellement, qu’en multipliant la création des instances dites constitutionnelles et qu’en répondant positivement aux revendications les plus excessives des corporations professionnelles se disant marginalisées et étouffées par l’ancien régime (en premier lieu les magistrats), ils allaient semer les graines de la discorde permanente et préparer le nid à la consécration du principe de l’Etat dans l’Etat. Aujourd’hui, près de sept ans après la révolution, on s’est retrouvé avec des instances qui fonctionnent selon leur gré dans le sens qu’elles échappent à tout contrôle, notamment de la part des structures gouvernementales qui leur assurent les subsides dont elles ont besoin sans se préoccuper de savoir comment ces financements sont dépensés. Même la Cour des comptes, censée veiller au grain sur les dépenses de l’argent de l’Etat, se contente de relever, dans son rapport annuel, les dysfonctionnements et les erreurs commises dans la gestion des deniers publics par les responsables de ces instances, de remettre son rapport au gouvernement et ses magistrats reviennent à leurs chères éudes en ayant la conscience du devoir accompli. La loi présidant à la Cour des comptes n’autorisant pas à poursuivre en justice ceux que son rapport annuel accuse nommément de mauvaise gestion et de dilapidation de l’argent public (pas exclusivement les nouvelles instances puisque le rapport cite même un receveur des finances fautif dans une petite ville comme Boumerdes ou un chef d’une agence de la STB à Bouhajla), il est normal que les fautifs restent impunis. Le résultat auquel a abouti la multiplication effrénée des instances constitutionnelles et des conseils supérieurs corporatifs est le suivant. Aujourd’hui, les Tunisiens savent que Chafik Sarsar a géré, en toute indépendance en 2014, l’argent de l’Isie et il s’est retiré de l’Instance avec les honneurs d’un grand démocrate qui a senti que l’Isie est en train de dévier de sa mission essentielle sous l’influence de certains de ses membres «qui ont accepté d’appliquer les instructions des partis qui ont facilité leur entrée au conseil de direction de l’Instance». Idem pour l’Instance vérité et dignité où Sihem Ben Sédrine, la présidente, dépense l’argent de l’Instance selon son bon vouloir et expulse les membres du conseil de direction qui osent lui demander des comptes, y compris ceux qui appartiennent au parti qui la soutient bec et ongles contre ceux qui veulent, au moins, savoir comment les crédits consacrés à l’IVD sont dépensés. Un exemple significatif : personne ne sait aujourd’hui combien ont coûté au contribuable les audiences publiques organisées par l’IVD pour que les Tunisiens soient informés de la manière dont Mohamed Ghariani ou Driss Guiga ont trafiqué les élections aux époques Bourguiba et Ben Ali ou comment les yousséfistes ont été torturés à Sabbat Edhlam.
Quand la guerre oppose les associations aux instances
Et ce ne sont pas uniquement les dépenses faramineuses et impossibles à contrôler consenties par ces instances qui préoccupent les Tunisiens, ce sont maintenant les rapports qu’elles entretiennent avec les professions relevant de leurs compétences qui inquiètent sérieusement et profondément. En plus clair, quand l’Association des magistrats tunisiens (AMT) dénonce fermement et quotidiennement le mouvement annuel des magistrats opéré ces dernières semaines par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et considère, à tort ou à raison, qu’il n’a pas obéi aux critères de la transparence, de la compétence et de l’intégrité, on a le droit d’avoir peur pour notre pouvoir judiciaire et d’avoir peur aussi de nos magistrats. Il n’est en aucune manière admissible que l’Association des magistrats sème le doute sur l’intégrité morale et la compétence professionnelle d’un magistrat ou d’une magistrate qui vient d’avoir une promotion pour la simple raison qu’ils ne sont pas en odeur de sainteté avec l’Association ou qu’ils adhèrent au Syndicat des magistrats tunisiens (SMT), qui est en guerre perma- nente avec l’AMT depuis sa création en mars 2011. «Le message que Raoudha Karafi et ses lieutenants veulent véhiculer aux justiciables sans avoir le courage de l’exprimer clairement est bien simple : le Conseil supérieur de la magistrature est revenu aux anciennes pratiques en accordant les promotions injustifiées aux magistrats et magistrates disposés à appliquer les ordres venues d’en haut comme à l’époque de Ben Ali. Quant aux magistrats intègres et attachés réellement à l’indépendance de la magistrature, ils sont marginalisés et laissés pour compte», commente un observateur désirant garder l’anonymat.
Un recours, un anti-recours
Les rapports instances-clients éventuels semblent avoir pris une autre tournure dans la mesure où on ne s’adresse plus à une instance lui demandant un avis ou une ordonnance et on attend qu’elle s’exprime. Maintenant, on recourt à l’instance concernée tout en lui procurant un texte qu’elle aura à avaliser en tant qu’avis qu’elle doit rendre. C’est le cas du recours introduit par 38 députés mécontents de la loi sur la réconciliation administrative adoptée récemment par le parlement. Et Ghazi Chaouachi et ses amis de découvrir que les députés qui ont voté pour la loi en question ont pris l’initiative d’envoyer à l’Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois un texte bien ficelé selon lequel la loi sur la réconciliation administrative est constitutionnelle à 1000%. La démarche entreprise par Mondher Belhaj Ali et ses camarades constitue une première dans les annales de l’action parlementaire. Elle a provoqué la surprise générale, surprise rapidement dissipée puisque les constitutionnalistes interrogés précisent que rien dans la Constitution n’empêche les députés votants de la loi en question de soumettre à l’Instance leur argumentation. Donc, en définitive, les contrôleurs de la constitutionnalités des lois sont devant deux textes et ils n’ont qu’à choisir l’un d’eux sans avoir à se casser la tête.