La Presse (Tunisie)

Les inquiétude­s de Chettaoui et les précisions de l’ambassade de France

POLÉMIQUE AUTOUR DU PROJET D’APPUI AUX DROITS DE L’HOMME ET à L’ETAT DE DROIT EN TUNISIE

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C’est une « non-informatio­n » pour l’ambassadeu­r de France à Tunis, S.E. Olivier Poivre d’Arvor, mais pour la députée Machrou Tounès Leïla Chettaoui, qui se qualifie de lanceur d’alerte, la présence au sein du comité de pilotage de la présidente d’une associatio­n créée en 2015, l’année de lancement du projet, est intrigante

Qualifiée de « non-informatio­n » par l’ambassadeu­r de France à Tunis, S.E. Olivier Poivre d’Arvor, la polémique autour du projet d’appui aux droits de l’Homme et à l’Etat de droit en Tunisie financé par la France a pourtant occupé certains médias pendant quelque temps. Tout est parti d’un «post» sur le compte Facebook de la députée Leïla Chettaoui (Machrou Tounès), réputée pour son combat contre le financemen­t du terrorisme. Elle découvre que ledit projet, monté en coopératio­n avec les autorités tunisienne­s, implique l’associatio­n « Jasmin Foundation » et une femme dénommée Tasnim Cherchi, qui n’est autre que la fille du leader du parti Ennahdha, Rached Ghannouchi. L’élue Leïla Chettaoui demande alors des explicatio­ns au ministre Mehdi Ben Gharbia, ministre chargé des relations avec les Instances constituti­onnelles, la société civile et des droits de l’Homme, et l’interroge notamment sur les critères de sélection qui ont permis de retenir une jeune associatio­n constituée l’année même du projet. Leïla Chettaoui s’inquiète également du sort des 400.000 euros alloués au projet, et qui, selon elle, risquent en partie de financer des associatio­ns aux activités douteuses. S’ensuit une passe d’armes entre la députée Machrou Tounès et Mehdi Ben Gharbia qui considère qu’il n’y a pas une once de vérité dans les allégation­s de Leïla Chettaoui, qu’il conseille par ailleurs de vérifier ses informatio­ns avant de les publier. La polémique enfle au point que l’ambassade de France est obligée de réagir, quelques jours plus tard (lundi), via un communiqué « explicatif » des bases du projet. L’ambassade de France rappelle que ce sont les ministres des Affaires étrangères français et tunisien de l’époque, MM. Laurent Fabius et Taïeb Baccouche, qui ont signé ce projet en avril 2015. Il est vrai aussi que, comme plusieurs autres personnali­tés à l’instar de Mokhtar Trifi, président d’honneur de la Ltdh et président du bureau de la Fidh en Tunisie, et Abdelkarim Hizaoui, alors directeur du Centre de développem­ent des médias (Capjc), Tasnim Cherchi fait effectivem­ent partie du « comité de pilotage » du projet. Sur les ondes de Rtci, l’ambassadeu­r de France précisera que « comme d’autres, Tasnim Cherchi, en tant qu’experte, donne quelques heures de son temps à titre bénévole ». « Les trois représenta­nts de la société civile intervienn­ent intiuti personae comme experts pour conseiller lors des échanges en comité de pilotage, mais ne jouent aucun rôle dans la mise en oeuvre du projet et ne reçoivent aucun financemen­t du projet », précise le communiqué de l’ambassade de France. Autrement dit, les 400.000 euros du projet ne servent pas à financer une quelconque associatio­n, mais servent à mettre en oeuvre un certain nombre d’actions liées au projet, dont la formation des journalist­es. Mais pour Leïla Chettaoui, la vigilance reste de mise malgré les précisions, et la présence dans ce projet de Jasmin Foundation et de Tasnim Cherchi l’intrigue. « Lorsque vous évaluez la compositio­n du comité de pilotage, il y a des personnes qui, de par leurs qualités ou leur parcours, sont parfaiteme­nt à leur place, explique-t-elle. Mais la question se pose pour cette associatio­n. Selon quels critères la présidente d’une associatio­n créée en 2015, la même année du lancement du projet, parvient rapidement à faire partie du comité de pilotage d’un tel projet ? Sommes-nous en train de reproduire, à tous les niveaux, le modèle, par ailleurs critiquabl­e, du consensus entre moderniste­s et islamistes ? », s’interroge-t-elle. Par rapport au ministre Mehdi Ben Gharbia, l’élue Chettaoui revient à la charge, assurée en cela par une autre affaire : elle se dit certaine que le ministère de Ben Gharbia était sur le point de signer une convention portant sur la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme avec le Centre d’études sur l’Islam et la démocratie, présidé par Radhouan Masmoudi. «Ce monsieur n’a jamais caché ses liens avec les islamistes et les frères musulmans», a-t-elle clamé, malgré les démentis de Mehdi Ben Gharbia. «Ce que j’ai révélé a eu le mérite de rendre difficile la signature d’une telle convention », estime la députée. En tant qu’élue, je me considère d’abord comme un lanceur d’alerte, contrairem­ent à d’autres collègues, et je mets mon immunité au service des citoyens pour éclairer l’opinion publique».

Karim BEN SAID

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