Madrid met en garde les séparatistes
Ne faites « rien d’irréversible », prévient le porte-parole du gouvernement espagnol
AFP — Le gouvernement espagnol a lancé un dernier appel au président séparatiste catalan Carles Puigdemont, l’exhortant à ne rien entreprendre d’«irréversible», quelques heures avant un discours devant le Parlement régional où il pourrait unilatéralement proclamer l’indépendance. Depuis plusieurs jours, les Catalans, divisés presque à parts égales à ce sujet, et les Espagnols en général n’ont qu’une question en tête : la Catalogne, une des régions les plus riches d’Espagne, déclarera-t-elle son indépendance, tirant les conséquences du référendum illégal du 1er octobre que les séparatistes affirment avoir très largement remporté ? «Je veux demander à M. Puigdemont qu’il n’entreprenne rien d’irréversible, qu’il n’emprunte aucun chemin sans retour, qu’il ne fasse aucune déclaration unilatérale d’indépendance et qu’il retourne à la légalité», a déclaré à la presse le porte-parole du gouvernement conservateur espagnol, Inigo Mendez de Vigo. Signe des tensions régnant dans l’attente des événements prévus pour la soirée, la police catalane, les Mossos d’Esquadra, a fermé, «pour raisons de sécurité», l’accès au parc qui entoure le parlement catalan à Barcelone et s’est déployée dès l’aube aux alentours du bâtiment pour éviter tout dérapage de manifestants favorables ou hostiles à l’indépendance. Carles Puigdemont, un ancien journaliste de 54 ans, indépendantiste depuis son plus jeune âge, pourrait aussi choisir une voie médiane, une «déclaration d’indépendance en différé», ou se contenter d’une proclamation symbolique, évoquant l’urgence d’un dialogue, et enclenchant un processus par étapes, pour ne pas perdre la face.
«Il ne cèdera pas»
Selon plusieurs médias espagnols, il l’a écrit et réécrit toute la journée d’avant-hier, tiraillé sans doute entre les partisans d’un départ sans ménagements et ceux qui craignent que le remède, l’indépendance, ne soit finalement pire que le mal, la tutelle de Madrid. «Il n’a jamais subi autant de pressions», a déclaré une source indépendantiste à l’AFP, «mais il ne cédera ni a la CUP (Candidature d’unité populaire, parti d’extrême gauche qui fait partie de la majorité indépendantiste au Parlement catalan) ni à la Caixa», du nom de la banque espagnole qui a transféré par précaution son siège social hors de Catalogne. Au total, six des sept entreprises catalanes cotées à l’indice des valeurs vedettes de la Bourse de Madrid ont décidé de transférer leur siège social hors de la région et la compagnie d’assurances Catalana Occidente leur a emboîté le pas hier. Cet exode continuerait en cas de déclaration unilatérale d’indépendance, qui serait «un désastre» pour l’Espagne et pour la Catalogne, a estimé hier le président de la Chambre de commerce espagnole, José Luis Bonet. Mais les séparatistes encouragent M. Puigdemont à persévérer, avec une grande manifestation prévue aux abords du parlement. Sont en jeu l’avenir d’une région grande comme la Belgique, riche de 7,5 millions d’habitants, et, au-delà, le destin de tout un pays,