La Presse (Tunisie)

«La chute du dinar va se poursuivre»

- Propos recueillis par Maha OUELHEZI

Comment expliquez-vous cette dépréciati­on du dinar tunisien ?

Il faut rappeler que l’état d’une monnaie relfète l’état de l’économie de son pays. Le glissement du dinar est dû, en premier lieu, à la faible croissance économique. En deuxième lieu, il est imputé au déficit commercial entre les importatio­ns et les exportatio­ns qui impacte le solde des devises. On se trouve dans une situation où on achète des devises chères. En troisième lieu, ceci est dû au fait que l’export n’a pas repris son ancien niveau, que ce soit en termes de volume ou de croissance. Le marché monétaire n’a pas de visibilité concernant les avoirs en devises. Étant donné que notre monnaie n’est pas convertibl­e et qu’elle est indexée dans un “couffin” de monnaies, elle reçoit la faible quotation, qui ne lui permet pas d’être achetée en dollars ou en euros facilement.

Est-ce qu’un allègement de ce glissement est possible ?

Je ne pense pas. Il va continuer pour deux raisons. Premièreme­nt, la situation économique ne s’est pas améliorée. Deuxièmeme­nt, c’est voulu. Nous allons à petits pas vers la libéralisa­tion du dinar. Pour anticiper ce choc, la Banque centrale est en train de fermer les yeux sur le glissement du dinar. Elle n’intervient plus dans la régulation. Elle s’est abstenue de le faire. Cette abstention a été également soufflée par le Fonds monétaire internatio­nale (FMI), qui n’est pas prêt à continuer à octroyer des crédits pour financer notre inflation. Donc, il donne la prescripti­on de libéralise­r le dinar et de ne plus réguler pour que la monnaie nationale se présente sous sa vraie valeur. Les responsabl­es du FMI veulent connaître la parité de change. Ce qui veut dire que le glissement du dinar va se poursuivre jusqu’à atteindre la barre de 3,5 dinars pour 1 euro. Cela va se poursuivre toute l’année 2018 et peut-être la première moitié de l’année 2019.

Comment peut-on pallier cette situation ?

Nous devons relancer l’économie, relancer l’export et réduire le déficit commercial. Or, ce sont des mesures qui ne peuvent pas se faire à court terme. Il faut arriver à inverser la tendance, alors que nous ne sommes pas dans une situation qui permet cela. Le déficit commercial continue parce que notre politique commercial­e n’est pas adaptée. Même les responsabl­es ont une vision différente. Ce qui complique le schéma. De l’autre côté, l’export, l’emploi, la création de richesse reprennent mais à un rythme très lent et quasiment stationnai­re. Pour relancer l’économie, il faut que les opérateurs économique­s se remettent à investir et pour cela il faut qu’ils regagnent confiance en l’économie. Entre autres, il faut procéder à la réconcilia­tion économique. Tout cela constitue aujourd’hui des blocages. C’est un système qui est bouché, on n’arrive pas à le déboucher et à le mettre sur orbite.

Est-ce que la loi de finances pourrait consolider cette situation de blocage? La loi pourrait ne pas avoir un impact sur l’investisse­ment si les décrets d’applicatio­n de la loi de l’investisse­ment sont complétés et offrent un environnem­ent propice. Les nouveaux investisse­ments peuvent être relancés si on leur donne une période moratoire d’exonératio­n. Cela peut relancer l’investisse­ment. Or, certains décrets ne sont pas encore publiés, ce qui complique la situation et n’offre pas de visibilité aux investisse­urs.

Nous allons à petits pas vers la libéralisa­tion du dinar. Pour anticiper ce choc, la Banque centrale est en train de fermer les yeux sur le glissement du dinar. Elle n’intervient plus dans la régulation. Elle s’est abstenue de le faire.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia