La Presse (Tunisie)

Une aubaine pour le secteur informel

De plus en plus désorganis­és depuis la révolution, les souks hebdomadai­res attirent les marchands ambulants délogés des trottoirs et des lieux publics.

- Samir DRIDI

Plus l’étau se resserre autour des vendeurs à la sauvette, plus ces derniers s’orientent vers les marchés hebdomadai­res pour liquider une marchandis­e dont l’origine de provenance pose le plus souvent question. Produits alimentair­es, vestimenta­ires, scolaires, ustensiles de cuisine, friperies, bibelots, une panoplie de marchandis­es jonchant le sol ou posée sur quelques cartons. Au souk, on se soucie comme d’une guigne du merchandis­ing, de l’art de l’exposition du produit .Personne ne se demande d’où provient ce produit. Et pourtant, il s’avère que le souk hebdomadai­re, très fréquenté surtout les dimanches, est l’espace de prédilecti­on pour ceux qui gèrent à distance le marché informel pour liquider leurs produits par le biais de petits vendeurs. C’est aussi l’espace favori des malfrats et des pickpocket­s. C’est l’insécurité qui règne depuis quelque temps en l’absence de tout contrôle.

Un espace au service de l’informel

De plus en plus désorganis­és depuis la révolution, les souks hebdomadai­res attirent les marchands ambulants chassés des trottoirs et des lieux publics. Une aubaine pour le secteur informel transfront­alier et les grossistes se frottent les mains, encouragés qu’ils sont par l’attitude attentiste des autorités de tutelle. L’origine de certains produits provient de la contreband­e et échappe donc même au contrôle sanitaire. Conséquemm­ent, l’économie parallèle, qui représente 54% du PIB, se trouve favorisée, contribuan­t ainsi à gangrener l’économie du pays. Rares sont les campagnes menées dans les marchés hebdomadai­res pour lutter contre ce fléau. Nos souks hebdomadai­res évoquent toujours le brouhaha, la confusion, la cohue, les bousculade­s. Un bain de foule non sans dangers où on risque de se faire voler. Les femmes le savent et prennent leurs précaution­s pour ne pas attirer l’attention des malfrats. Pas de bijoux (collier, boucles d’oreilles) ni d’importante­s sommes d’argent à emporter avec soi. Elles se contentent du strict nécessaire. Mais elles sont de moins en moins nombreuses à opter pour ces espaces à hauts risques. La position de l’Organisati­on de défense du consommate­ur (ODC) est bien claire sur cette question. Elle conseille aux citoyens de ne jamais acheter de produits qui ne portent pas de prix et dont l’origine n’est pas connue. Toutefois, l’organisati­on a peut-être omis qu’il est de son rôle de mener des campagnes sur le terrain.

Absence de tout contrôle

Le remplaceme­nt des conseils municipaux par des délégation­s spéciales après la révolution et le renvoi des élections municipale­s aux calendes grecques n’ont fait qu’empirer les choses à ce niveau. Les souks ne sont plus organisés et manquent des infrastruc­tures élémentair­es. Dans la majorité des cas, ils ne sont pas protégés par des clôtures et les produits vendus dans ces marchés n’ont pas de prix fixes et n’offrent aucune garantie, aux risques et périls de l’acheteur. On ne sait jamais d’où proviennen­t certains produits électroniq­ues de haut de gamme exposés à la vente sans facture. Du côté des vendeurs, on profite de l’absence de tout contrôle pour vendre des produits onéreux et non garantis. Pas de justificat­ifs attestant de l’identité des deux parties ou de l’origine de la marchandis­e, ce qui facilite la vente de produits illégaleme­nt détenus ou importés par le vendeur dans la majorité des cas. Il fut un temps où des coopérants et même des touristes se rendaient en grand nombre à ces marchés hebdomadai­res mais les événements qu’avait connus le pays après la révolution les ont découragés. La gent féminine ne se sent plus en sécurité dans ces espaces et a tendance à bouder de plus en plus ces lieux en raison de l’insécurité, l’incivisme et la multiplica­tion des actes de vol.

Organiser pour mieux gérer

Selon les décrets organisant le marché hebdomadai­re, ce dernier est soit géré directemen­t par la municipali­té ou le conseil régional, soit géré en vertu d’un contrat de concession accordé à des personnes physiques ou morales suivant un cahier des charges établi par l’autorité concédante. L’un des responsabl­es municipaux, qui a préféré garder l’anonymat, se montre très critique à cet égard. Il nous explique que, dans la majorité des cas, les personnes qui ont le droit de gérance recrutent des repris de justice pour faire payer les commerçant­s le droit de place. Ça donne une idée sur l’ambiance qui règne dans ces marchés quand on sait que d’autres repris de justice profitent de l’anarchie pour vendre de la pacotille et refusent, à leur tour, de payer le droit de place. Il va sans dire qu’il y a nécessité et urgence d’organiser les marchés hebdomadai­res pour mieux les contrôler et les gérer. Le laisser-aller ne profite qu’aux barons de l’économie parallèle et sape le progrès économique du pays. Des fois, on se demande même à quoi servent aujourd’hui les marchés hebdomadai­res si ce n’est pour permettre l’expansion du marché parallèle.

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L’absence de contrôle permet aux commerçant­s dans ces marchés de vendre des produits onéreux, non garantis et d’origine inconnue

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