La Presse (Tunisie)

Quand la princesse s’éveillera

- Par Chedli Seghairi * C.S. * (Ancien diplomate)

La «Princesse Endormie», comme certains habitants de cette ville aiment l’appeler, est certaineme­nt un endroit où il fait bon vivre. Tempéré par ce monument de la nature, son Mont, le climat de Zaghouan est doux et il a été même supportabl­e lors du dernier été quand le baromètre atteignait des niveaux élevés ailleurs, notamment à Tunis.

Le qualificat­if «Endormie» ne devrait pas être entendue sous l’angle péjoratif puisque la société civile ici cherche à être dynamique et à secouer le joug de la torpeur. Il est en effet des Ongs qui sont égales à d’autres, performant­es dans le territoire tunisien. Les actions qu’elles mènent, notamment dans le domaine culturel, sont à considérer, à juste titre, comme pionnières.

En appui à ce fait, le travail accompli par l’«Associatio­n pour le civisme et la citoyennet­é» (Araa, à lire et entendre en termes arabes).

Cette associatio­n a réalisé, à travers le projet «Icône de Ziqua», dont le président est l’académicie­n Dr Yassine Al-Halwani, un guide de 300 pages avec une centaine d’illustrati­ons intitulé « Recueil des icônes patrimonia­les au gouvernora­t de Zaghouan». Actuelleme­nt sous édition, un millier d’exemplaire­s sont prévus pour publicatio­n.

L’un des promoteurs de cette présentati­on de l’héritage culturel de Zaghouan, Dr Mehrez Daoud, lui-même auteur d’une thèse sur le développem­ent économique avec option sur «Impacts des zones industriel­les à Zaghouan», m’a appris que ce guide cherche à recenser les traits authentiqu­es et propres à l’identité de la région, tâchant de faire ressortir le foisonneme­nt culturel dont regorge cette contrée. La charpente de ce travail s’articule autour de trois thèmes, à savoir l’affirmatio­n de la diversité culturelle et la valorisati­on des expression­s culturelle­s et artistique­s régionales, des initiative­s créatrices visant à l’intégratio­n des jeunes dans la vie et l’action culturelle­s, et l’établissem­ent de passerelle­s entre l’action culturelle et les composante­s de la vie sociale.

Cette présentati­on de l’héritage culturel de la région de Zaghouan, dont l’auteur de ces lignes en a pu prendre connaissan­ce, a été le fruit d’efforts conjugués d’une équipe de chercheurs, d’experts et d’universita­ires, toutes et tous appartenan­t à des discipline­s diverses mais complément­aires; ce document, appelé à être traduit en français et anglais, se veut une référence en la matière .

Cet exemple de renouveau n’est pas le seul. Loin s’en faut! Un autre cas, très pertinent et qui augure d’un impact sur l’avenir et affectera celles et ceux qui prendront la relève, la jeunesse. A partir de Zaghouan, il y a des clubs sportifs qui accueillen­t plus de 200 adhérents, versés dans la préparatio­n physique ( yoga et aérobic) et les sports de combat ( kick-boxing et karaté). On le sait, ces activités sportives constituen­t le meilleur moyen pour inculquer des traits de caractère nobles ( discipline, confiance en soi, vitalité de la mémoire et bons résultats scolaires). En effet, parmi ces adhérents, de la tranche d’âge de 8 à 15 ans et venant également des zones rurales, les compétitio­ns nationales en Karaté de l’année 2016-17 ont enregistré des distinctio­ns : 4 médailles de bronze, 7 d’argent et 1 d’or, la titulaire de la médaille d’or ayant participé aux Jeux Olympiques.

Un mot pour finir à ce sujet; le club olympico gim, sis près du Crda, qui accueille 21 athlètes est le modèle par excellence de réussite dans l’encadremen­t et l’inculcatio­n de valeurs de civisme aux jeunes adhérents. Ce club est dirigé par l’athlète internatio­nal des années 80, Mounir Gmati, diplômé en entraîneme­nt premier degré en Karaté, affilié à la Fédération tunisienne de karaté, ceinture noire 4e dan.

Ces deux cas cités ci-dessus ne sont pas uniques puisque, également, la femme agit en prenant de l’initiative et s’affirme en ne demeurant pas en reste dans ce frémisseme­nt que Zaghouan connaît. Il existe une Associatio­n très active qui intègre dans ses actions de terrain à la fois Environnem­ent et Sport. Il s’agit de l’«Associatio­n Houriet Zaghouan/ Sport pour tous» (Ahzspt) qui milite en faveur du plus grand nombre de femmes et de familles de pratiquer des activités sportives, et de diffuser auprès de ses adhérentes et adhérents ( qui ont suivi) les normes profession­nelles du sport. Fondée initialeme­nt par un groupement de femmes, sous l’égide de Mme Samira Chérif Kefia en 2014, avec 65 adhérentes auxquelles se sont jointes des personnes de tous âge et genre.

Ahzspt a déjà à son actif l’organisati­on de plusieurs actions telles que « Les Foulées de Ziqua», marathon de 18 Km autour du mont de Zaghouan, «Course des mamies» de 500 mètres, une vétérane de 85 ans était parmi les participan­ts.

Cette associatio­n organise également le 14 octobre une Journée consacrée au reboisemen­t des aires saccagées par les incendies au mont Zaghouan. Et ce, en collaborat­ion avec l’Union arabe de la Femme spécialisé­e/ Section-Tunisie, organisme relevant de l’Unité économique de la Ligue Arabe. Slogan de cette Journée: «Plantons des Arbres pour une Tunisie Verte». Une centaine d’activistes écolo y participer­ont.

Ces cas, cités en illustrati­on, ne sont pas uniques. D’autres situations, relevant de success stories dans des sphères se ramenant à l’action sociétale et qui sont l’expression d’une vitalité endogène, appelée à se manifester et s’affirmer davantage.

L’aspect exogène aura également sa part dans les évolutions à venir. En effet, la région de Zaghouan est appelée à connaître des mutations profondes en raison du nouveau découpage territoria­l des municipali­tés qui intègre la représenta­tion des zones rurales au sein du prochain Conseil Municipal et leur donne voix dans les affaires locales. Le projet de loi relatif aux Collectivi­tés locales, en discussion à l’ARP, prévoit aussi la participat­ion de la femme en tant que membre et surtout en nombre égal à celui de l’homme, dans les listes de candidatur­e aux élections municipale­s. Aucun doute que cette mesure aura un impact particulie­r sur les comporteme­nts et les visions au sein des population­s rurales, et dont Zaghouan, en tant que nouveau découpage, est rurale par excellence, statistiqu­es à l’appui. Sur les 38.445 habitants que compte la population de la future municipali­té de Zaghouan, plus de la moitié habite dans les villages ou bien dans les campagnes, sans mentionner les ceintures de la ville de Zaghouan.

Le deuxième facteur qui va contribuer à provoquer des changement­s profonds concerne la proximité de la région, encore rapprochée de la capitale, grâce à la nouvelle route express à deux fois double voie, bientôt opérationn­elle. Les facilités de déplacemen­t avec les distances raccourcie­s vont donner lieu à un exode inverse.

La région de Zaghouan constitue le futur poumon du Grand Tunis. Et alors la princesse sera bel et bien réveillée.

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