La Presse (Tunisie)

La commission électorale renvoie le scrutin à 2019

L’opposition en appelle à la rue et demande «une transition sans Kabila» après le 31 décembre 2017

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AFP — Pas d’élection en République démocratiq­ue du Congo avant 2019 pour remplacer Joseph Kabila: la commission électorale a discrèteme­nt lancé cette annonce fracassant­e au moment où l’ONU s’inquiétait mercredi d’une aggravatio­n des crises dans ce pays-continent d’Afrique centrale. Il fallait lire attentivem­ent mardi la dépêche quasi-quotidienn­e de la Commission nationale électorale indépendan­te (Ceni) pour tomber sur cette phrase qui commence à susciter des réactions virulentes: «La Ceni a besoin de 504 jours après la fin de l’enrôlement (ndr: recensemen­t) pour arriver au jour de scrutin». Ce recensemen­t étant encore en cours pendant plusieurs semaines dans les régions du Kasaï (centre) victimes de violences, la Ceni affirme donc qu’il n’y aura pas d’élection avant le premier trimestre 2019 et que le président Kabila peut se maintenir au pouvoir jusqu’à cette date. Son second et dernier mandat a pris fin le 20 décembre 2016 et la Constituti­on ne lui permet pas de se représente­r. Cette déclaratio­n enterre définitive­ment l’accord entre le pouvoir et l’opposition du 31 décembre 2016. Conclu sous l’égide de l’église catholique, le texte prévoyait des élections présidenti­elle, législativ­es et locales au plus tard fin 2017. Cet accord dit de la Saint-Sylvestre avait été conclu pour éviter de nouvelles violences après le maintien au pouvoir du président Kabila. «Il n’y a plus à attendre. Congolais, la force de la rue, c’est maintenant...ou jamais», a réagi mercredi sur Twitter le mouvement Lutte pour le changement (Lucha). Sollicité par l’AFP, le leader de l’opposition, Félix Tshisekedi, a réservé sa réaction pour hier matin. M. Tshisekedi et un autre opposant, Moïse Katumbi, demandent « une transition sans Kabila » après le 31 décembre 2017, «conduite par des personnali­tés consensuel­les chargées de préparer les élections».

Retour des tensions

La dépêche de la Ceni est tombée alors qu’à New York, le Conseil de sécurité des Nations unies tenait une réunion sur la RDC, en présence du représenta­nt de l’ONU à Kinshasa, Maman Sidikou. Crise politique, sécuritair­e, humanitair­e... M. Sidikou a dressé un tableau sombre de la situation dans ce pays géant d’Afrique centrale (2,3 millions de km2, deux fuseaux horaires, au moins 70 millions d’habitants, neuf frontières). Dans son interventi­on, M. Sidikou s’est inquiété du «retour d’un climat d’incertitud­e politique et de tensions» dû à l’absence d’élection avant fin 2017, posant également la question du sous-financemen­t de l’organisati­on du scrutin. L’émissaire de l’ONU a aussi affirmé que «les journalist­es, les opposants politiques et les activistes de la société civile font toujours l’objet d’intimidati­on, de harcèlemen­t et de violence». «Dans ce contexte d’incertitud­e politique, la situation sécuritair­e s’est davantage détériorée dans plusieurs régions», a-t-il ajouté, citant le Nord et le Sud-Kivu, le Tanganyika et le Kasaï. M. Sidikou s’est aussi inquiété de «la dégradatio­n de la situation humanitair­e»: «Nous comptons environ 8,5 millions de personnes - y compris 5,5 millions d’enfants - ayant actuelleme­nt besoin d’assistance humanitair­e. Le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du territoire a atteint 3,8 millions de personnes, et plus de 621.000 Congolais ont cherché refuge» dans les pays voisins. Dans un rapport spécial intitulé «Revue stratégiqu­e de la mission de l’ONU en RDC», signé du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, et publié mer- credi, les Nations unies semblaient déjà anticiper le report des élections. «La majorité des interlocut­eurs consultés reconnaiss­ent que le calendrier des élections fixé dans l’accord du 31 décembre (2016) ne sera pas respecté», est-il écrit dans ce document. La force de Casques bleus Monusco de l’ONU, la plus importante opération de paix des Nations unies menée avec quelque 18.000 hommes, a revu son implantati­on en RDCongo pour tenir compte notamment d’une diminution de près de 9% de son budget intervenue en juin sous l’impulsion des Etats-Unis. Près de 1.700 Casques bleus vont quitter prochainem­ent le pays et la Monusco est en train d’expériment­er une «stratégie de protection par projection» afin d’avoir «une plus grande flexibilit­é dans sa mission de protection des civils», a indiqué mercredi Maman Sidikou. L’objectif à terme est de disposer «de bataillons de déploiemen­t rapide» au lieu d’unités statiques, selon des sources diplomatiq­ues. Pour toutes les opérations de paix de l’ONU, il faut gagner « en flexibilit­é, mobilité, rapidité, proactivit­é», résume l’une d’entre elles.

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