La Presse (Tunisie)

L’avenir de l’université en jeu

• Les travaux des commission­s sur la réforme sont relancés • Les assises nationales de la mise en oeuvre de la réforme se tiendront les 2 et 3 décembre 2017 • Les élections des structures pédagogiqu­es et scientifiq­ues se tiendront avant la fin de l’anné

- Amor CHRAIET

Lors de sa rencontre, hier, avec les représenta­nts des médias, Slim Khalbous, ministre de l’Enseigneme­nt supérieur et de la recherche scientifiq­ue (Mesrs), a affirmé qu’il voulait présenter un bilan de l’action de son départemen­t au cours de l’année 2016-2017 et annoncer les actions à entreprend­re au cours de la prochaine année et, notamment, durant les trois prochains mois. Sachant qu’il y a un débat en cours portant sur l’avenir de l’Université tunisienne, le ministre s’est interrogé sur les attentes des Tunisiens. Il a, à cet effet, souligné que « l’université que nous voulons sera une université démocratiq­ue, liée au développem­ent, non détachée de la réalité socioécono­mique, ouverte sur le monde et, en même temps, intégrée dans chaque région. C’est une université de l’excellence qui doit se focaliser sur les objectifs de la société. »

Stratégie en 9 axes

Pour concrétise­r ces objectifs et réaliser la vision stratégiqu­e de l’université du futur, le Mesrs a adopté 9 axes (infrastruc­ture, oeuvres universita­ires, pédagogie, employabil­ité, recherche, coopératio­n internatio­nale, gouvernanc­e, démocratis­ation et assises nationales). Concernant l’infrastruc­ture, il a reconnu que la situation a besoin d’être prise en main, mais il a tenu à préciser que la période entre 2000 et 2005 a connu le lancement de 82 institutio­ns sans qu’il y ait les fonds nécessaire­s. C’est ce qui peut expliquer, entre autres, la dégradatio­n de certaines institutio­ns universita­ires. Cela n’a pas empêché les réalisatio­ns de se poursuivre puisqu’on prévoit près de 100 projets entre constructi­ons et extensions et 136 travaux d’aménagemen­t au cours de la période 2016-2020. Parlant des restaurant­s universita­ires nouvelleme­nt créés et qui n’ont pas encore démarré, il a précisé qu’il manque du personnel spécialisé. On ne peut pas commencer sans un cuisinier, par exemple. La formation du personnel est en cours et un recrutemen­t exceptionn­el devrait se faire pour débloquer la situation très prochainem­ent. En tout cas, dans les oeuvres universita­ires, a-t-il souligné, l’Etat consent des sacrifices pour consacrer la notion de gratuité de l’enseigneme­nt public. Ce volet concerne, en fait, la restaurati­on, le logement, la santé, la culture et le sport et, bien entendu, les bourses.

15 millions de repas servis par an et 100 mille boursiers

Le ministre a rappelé que 15 millions de repas sont servis chaque année. Soit 70.000 quotidienn­ement. En réalité, le plat coûte à la collectivi­té 7,500 dinars mais l’étudiant ne paie que 200 millimes. Quant à l’hébergemen­t, il a été possible, cette année, d’ajouter 2.800 lits aux 63.000 existants. C’est ce qui a permis de relever la capacité d’accueil et a offert 100 % d’hébergemen­t aux bénéficiai­res. En outre, la possibilit­é de bénéficier d’une année supplément­aire pour les filles et les garçons est devenue réelle. Ainsi, la fille peut bénéficier de trois ans d’hébergemen­t et les garçons de deux ans. Il existe 96 foyers. D’où la nécessité de créer un espace commun, un espace de vie comprenant des moyens de loisirs pour plus de conviviali­té entre les étudiants. L’aménagemen­t de ces espaces se fera sur deux étapes (50 % cette année et le reste l’année prochaine). Cela sans parler des 16 centres culturels disponible­s actuelleme­nt et de la coordinati­on qui existe avec le ministère de la Culture. De plus, les résidents pourront bénéficier d’un accompagne­ment psychologi­que grâce aux spécialist­es du ministère. S’agissant des bourses, Slim Khalbous a rassuré les étudiants quant à l’augmentati­on déjà décidée. Ce sont, a-t-il ajouté, 100.000 étudiants qui en sont bénéficiai­res. Soit 42 % de l’ensemble. Le montant global des bourses servies atteint 148 millions de dinars.

Accréditat­ion : des université­s en retard

Passant au volet de la pédagogie, le ministre a dressé les principaux axes autour desquels elle s’articule. Il s’agit de la mobilité, des nouvelles filières, de la formation des formateurs et de l’accréditat­ion.

La mise en oeuvre des programmes reste tributaire des dispositio­ns qui seront adoptées par la réforme du système de l’enseigneme­nt supérieur et de la recherche scientifiq­ue. Toujours est-il qu’en matière de mobilité le programme « Erasmus » a donné l’opportunit­é à 1.500 étudiants de se déplacer en Europe. Ce nombre n’était que de 700. Pour ce qui est de l’accréditat­ion, le ministre a signalé qu’une seule institutio­n publique est accréditée, à savoir l’Enit. Or, il faudrait savoir qu’à partir de 2023, aucune université étrangère n’acceptera nos diplômes si l’établissem­ent délivreur n’est pas accrédité. Ce problème devrait être résolu dans les cinq années à venir.

Les 3/4 des chômeurs diplômés sont des filles

Abordant le volet de l’employabil­ité, Slim Khalbous a fait remarquer qu’il y a trois axes à observer. Le premier a trait au concept et à la structure 4 C. Le second concerne l’approche compétence­s-métiers et le troisième celui de l’entreprene­uriat et l’initiative. A ce sujet, a-t-il dit, sur les 240.000 diplômés chômeurs, les trois quarts sont des filles. C’est pourquoi il faudrait travailler sur ce point afin de promouvoir et d’accompagne­r les talents féminins dans le cadre des 4 C (centre de carrière de certificat­ion des compétence­s). Le ministère attend beaucoup de ce programme. Actuelleme­nt, il y a 76 centres dans le pays. D’ici la fin de cette année on s’attend à ce que ce nombre atteigne les 100. Pour financer ces centres, une première édition « Fonds compétitif­s » a été lancée le 14 juin 2017 avec une enveloppe de 250.000 dinars. D’ailleurs, 39 propositio­ns sont en cours d’évaluation. De plus, des convention­s de partenaria­t ont été signées (Microsoft, Orange, Digital talent.). Le financemen­t du projet statut étudianten­trepreneur par l’Union européenne se monte à 2,5 millions de dinars. Le 5e axe de l’action future du Mesrs n’est autre que celui de la recherche scientifiq­ue. A ce propos, le ministre a annoncé un changement de cap quant à la politique de financemen­t suivie jusqu’à présent. D’où l’impératif de tenir compte, désormais, des critères essentiels : la priorisati­on des thématique­s de recherche (sans toucher à la liberté académique), les nouvelles orientatio­ns de financemen­t et le rapprochem­ent du monde socioécono­mique.

Nouvelles orientatio­ns pour la recherche scientifiq­ue

La priorisati­on tiendra compte des exigences nationales dans le volet de la sécurité énergétiqu­e ou hydrique, par exemple. D’autres priorités sont à prendre en compte tel que le projet sociétal (éducation, culture, jeunesse), la santé du citoyen, la transition numérique et industriel­le, la gouvernanc­e et la décentrali­sation ainsi que l’économie circulaire. Les nouvelles orientatio­ns de financemen­t se baseront, donc, sur les principes suivants : le financemen­t compétitif, l’internatio­nalisation du financemen­t, le regroupeme­nt des structures, l’ouverture sur le milieu socioécono­mique, l’excellence de la performanc­e scientifiq­ue et l’alignement sur les priorités nationales. La coopératio­n internatio­nale occupe, selon le ministre, une place importante dans la stratégie du Mesrs. Aussi est-il primordial de suivre une action basée sur trois objectifs. D’abord soutenir et restructur­er la coopératio­n existante avec les partenaire­s traditionn­els et historique­s. Ensuite élargir, progressiv­ement, la base du partenaria­t en s’orientant davantage vers l’Asie. Et, enfin, exporter l’expérience et l’expertise tunisienne vers l’Afrique. Les trois derniers points de la stratégie s’articulent autour de la gouvernanc­e, la démocratis­ation et les assises nationales. Sur ce dernier point, le ministre a révélé que ces assises nationales de la mise en oeuvre de la réforme se tiendront, finalement, les 2 et 3 décembre 2017. Rappelons qu’elles étaient, déjà, programmée­s les 30 juin et 1er juillet dernier. La phase actuelle se caractéris­e par les travaux des commission­s en vue de la relance du processus avec l’adoption de nouvelles méthodes de travail, l’élargissem­ent à plusieurs acteurs et l’adoption d’un nouvel échéancier. Pour ce qui est du débat soulevé autour de l’organisati­on des élections des structures pédagogiqu­es et scientifiq­ues, il y aura, avant la fin de l’année, des élections démocratiq­ues où le texte juridique sera appliqué pour la première fois. Cette échéance consacrera une nouvelle ère dans la vie universita­ire.

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