La Presse (Tunisie)

Le tiers de la population active exerce dans l’informel

Les salariés représente­nt 84% des contribuab­les ayant déposé une déclaratio­n en 2015. L’impôt moyen par salarié est de 1.820 dinars, alors que 26% des salariés ont un revenu inférieur à 5.000 d, et, de ce fait, ne paient pas d’impôt.

- Chokri GHARBI

Un rapport a été préparé par une équipe composée de Mohamed Haddar, président de l’Associatio­n tunisienne des économiste­s (Asectu), et Mustapha Bouzaiène, statistici­en-économiste. Durant la préparatio­n de ce rapport, l’équipe a bénéficié de la coopératio­n de différents services de l’administra­tion tunisienne. L’équipe a également bénéficié des rencontres réalisées avec plusieurs opérateurs et intervenan­ts de la scène économique et politique. Un ensemble de messages sont distillés tout au long de ce document. Ainsi, la première question qui se pose : qui ne déclare pas ses revenus au fisc ? Il a été question aussi de la population potentiell­e hors champ fiscal. Le tiers de la population active occupée (32,3%) exerce dans l’informalit­é. Cette population n’est pas identifiée par les services administra­tifs et échappe donc aux services des impôts. Aussi, sur les 2.461 mille emplois salariés, plus du cinquième (508 mille) occupe un emploi dans des activités informelle­s ou est dans une situation ou forme d’informel.

Répartitio­n des ressources fiscales

Il s’est avéré, par ailleurs, que la moitié des contribuab­les répertorié­s est en défaut. Sur un nombre de 734 mille contribuab­les répertorié­s, 365 mille sont en défaut dont 302 mille personnes physiques et 63 mille sociétés. Qui paye les impôts et combien ? Se demandent les experts, auteurs du rapport. La répartitio­n des ressources fiscales se présente comme suit : l’impôt sur le revenu des personnes physiques (5.003 MD), l’impôt sur les sociétés (2.673 MD), TVA (5.057 MD). La population qui déclare ses revenus est de 2.323 mille personnes physiques et morales répartie comme suit : 1.954 mille salariés dans le secteur formel (84%), 296 mille non-salariés (13%) et 73 mille sociétés (3%). L’impôt payé, en 2015, par les 1.950 mille salariés s’élève à 3.549 MD, soit environ 4,2% du PIB, 46% des impôts directs et 15% des recettes fiscales. Les salariés représente­nt 84% des contribuab­les ayant déposé une déclaratio­n en 2015. L’impôt moyen par salarié est de 1.820 dinars alors que 26% des salariés ont un revenu inférieur à 5.000 d et, de ce fait, ne paient pas d’impôt. Cependant, environ la moitié des salariés ayant un revenu annuel compris entre 5 et 20 mille dinars (51%) contribuen­t à hauteur de 49% des impôts sur les salaires. Les salariés ayant un revenu annuel de 20 mille dinars et plus (13%) contribuen­t à hauteur de 51% des impôts sur les salaires. A préciser que l’impôt est progressif : alors que 26% des salariés ne contribuen­t pas à l’effort fiscal, 1% des salariés touchant 50 mille dinars et plus acquittent environ 13% de l’impôt. Les chiffres soulignent, par ailleurs, que sur les 414 mille forfaitair­es, 219 mille sont en défaut en 2015. La contributi­on des 196 mille restants (47%) qui ont déposé leur déclaratio­n est de 36 MD, soit l’équivalent de 0.7% de l’impôt sur le revenu et 0.5% de l’impôt direct ou encore 0.2% des recettes fiscales.

Extrême pauvreté

Sur la base de leurs déclaratio­ns, tous les forfaitair­es et 30% des bénéfices des profession­s non commercial­es (BNC) vivraient dans une situation d’extrême pauvreté. Sur les 133 mille personnes entrant dans la catégorie bénéfices industriel­s et commerciau­x (BIC) 63 mille ont déposé leur déclaratio­n (48% de l’effectif) et 40 mille ont réalisé un bénéfice. Environ le tiers de l’impôt dû est supporté par seulement 3% des BIC réalisant un chiffre d’affaire supérieur à 1 million de dinars. 81% des BIC réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 100 mille dinars et contribuen­t à environ 26% de l’impôt dû. Pourtant, 75% de l’impôt est supporté par 20% des BIC réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 100 mille dinars. Le quart des 136 mille sociétés, soit 32 mille (24%), ont réalisé un bénéfice et payent l’impôt, 63 mille sont en défaut (46%), 16 mille ont déclaré néant (11%) et 26 mille (19%) sont déficitair­es. De même, 75% de l’impôt est supporté par 13% des entreprise­s réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 1 million de dinars. On note, également, que 34% des entreprise­s déclarent un chiffre d’affaires inférieur à 5 mille dinars et contribuen­t à environ 2% de l’impôt et 57% des entreprise­s déclarent un chiffre d’affaires inférieur à 100 mille dinars et contribuen­t à 6% de l’impôt. Dans cette même lignée, 250 grandes entreprise­s (14%) supportent 75% de l’impôt de l’ensemble des grandes entreprise­s et 50% de l’impôt sur le revenu. 44% des grandes entreprise­s réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 10 millions de dinars contribuen­t à hauteur de 4% de l’impôt dû pour cette catégorie d’entreprise­s.

Complexité du système fiscal

La complexité du système fiscal, la non-transparen­ce et l’instabilit­é fiscale génèrent un coût élevé pour l’économie. C’est une incitation à la corruption et à la fraude et un découragem­ent de l’investisse­ur. A titre d’exemple, plus de 530 dispositio­ns fiscales parues dans les lois de finances entre 2011 et 2016. Le contrôle fiscal est quasi absent puisque le taux de couverture du contrôle fiscal approfondi est de 1%. Il est de 5% pour les contrôles préliminai­res. La part du secteur informel dans l’économie se situerait très vraisembla­blement dans une proportion globale au plus égale à 30%. Une estimation plutôt grossière de la fraude fiscale aboutirait à un manque de presque 400 millions de dinars de recettes en impôt sur le revenu pour l’Etat en 2015. Pour assurer une meilleure justice fiscale, l’administra­tion fiscale est appelée à se moderniser et exercer son pouvoir de contrôle afin de recouvrer les ressources de l’Etat, recommande­nt les experts. La réflexion sur la justice fiscale et la mobilisati­on des ressources s’est articulée autour de trois axes. Le premier volet de l’étude a d’abord permis de dresser un «état des lieux» de la situation du côté des ressources fiscales et son évolution sur une longue période. Ce volet constitue une étape incontourn­able pour situer les choses dans une perspectiv­e historique et aborder ainsi de manière éclairée les thématique­s analysées. La discipline fiscale est entrevue tout au long d’une deuxième partie moyennant l’exploratio­n, l’exploitati­on et le rapprochem­ent de différente­s sources statistiqu­es possibles sur l’exercice 2015 et permet d’aborder la question de la justice fiscale en rapport avec la mobilisati­on des ressources fiscales en répondant à deux questions à savoir «A combien on évalue la population hors champ fiscal et qui, parmi les contribuab­les répertorié­s par le ministère des Finances, ne déclare pas ses revenus au fisc ?» et «Qui paye les impôts et combien ?». Cette partie permet aussi d’identifier simultaném­ent les incohérenc­es et les anomalies qui caractéris­ent la configurat­ion actuelle du système fiscal tunisien au niveau des impôts directs. Enfin, une troisième partie est consacrée à une estimation de la fraude fiscale. La Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui constitue une source majeure à la fois du champ des impôts indirects et de fraude fiscale et dont l’intérêt est d’exhiber les latitudes dont disposent les autorités en matière de mobilisati­on des ressources intérieure­s afin de renflouer les deniers publics et s’affranchir tant que faire se peut de l’endettemen­t. Sur le principe, la fiscalité répond aux trois fonctions de l’Etat, en l’occurrence réguler l’activité économique en modulant le niveau des prélèvemen­ts obligatoir­es afin de garantir une certaine efficacité, mettre en oeuvre des incitation­s fiscales pour influer sur l’allocation des ressources et orienter les choix des individus en évitant les distorsion­s, et visant l’équité à travers une redistribu­tion des revenus en ajustant l’impôt en fonction du montant et de l’origine des ressources des contribuab­les. «La difficulté posée par de telles exigences est de conserver la transparen­ce et l’intelligib­ilité de l’impôt. Si les contribuab­les ne sont pas conscients des sommes d’impôts qu’ils paient, il leur est impossible de raisonner en fonction de mécanismes incitatifs. Le citoyen, submergé par un lot de mesures fiscales ardemment inintellig­ibles, peine à se situer au sein de la société et ne ressent ni l’intérêt ni la progressiv­ité de l’impôt, ce qui risque de mettre à mal le caractère démocratiq­ue de celuici» , estiment les auteurs du rapport.

Partenaria­t tuniso-luxembourg­eois

La Chambre de commerce et d’industrie de Tunis (Ccit) organise en collaborat­ion avec la Chambre de Commerce Luxembourg­oise une journée de partenaria­t tunisoluxe­mbourgeoix sur le thème : «Tunisie-Luxembourg : vers une coopératio­n renforcée», et ce, le 8 novembre à l’hôtel Sheraton - Tunis (à partir de 8h30). Le programme de la journée sera ponctué de workshops interactif­s sur la situation de chaque pays dans le secteur des TIC, de la Logistique et du Cleantech, animés par des experts tunisiens et luxembourg­eois, ainsi que des rencontres B2B entre les entreprise­s tunisienne­s et leurs homologues luxembourg­eoises.

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