La Presse (Tunisie)

Réalités amères

Agé de 24 ans, Khalil Ben Romdhane est un jeune homme aux yeux bleus perçants et à la longue crinière blonde, féru de films et de cinéma depuis sa plus tendre enfance.

- I.H.

Pourtant, rien ne le prédisposa­it à cette vocation. Ni ses parents qui ont un parcours profession­nel classique ni son entourage. Le virus du cinéma, il l’a, en effet, attrapé dès son plus jeune âge dans les salles de cinéma obscures, fasciné qu’il est par les films qui y sont projetés. C’est en toute logique qu’il s’inscrit dans une école de cinéma après le lycée. Alors qu’il n’a pas encore achevé ses études universita­ires à l’Ecole supérieure d’architectu­re et d’audiovisue­l (Bab Assal), il se lance dans l’aventure et, muni d’une caméra amateur, il choisit de capter la misère et le désespoir des franges défavorisé­es, à travers le quotidien pénible d ‘une femme de ménage âgée d’une soixantain­e d’années qui trime à longueur de journées pour toucher un maigre salaire qui la fait à peine vivre. Le court-métrage, dont la réalisatio­n, a duré neuf mois, est tourné sous forme de documentai­re. Pendant plusieurs jours, le réalisateu­r en herbe part sur les pas de la vieille femme et la suit comme son ombre de l’aurore jusqu’à la tombée de la nuit.

Prix du public

L’objectif de sa caméra filme un quotidien fait de coups de balai et de serpillièr­e et empreint de peine, d’amertume, de solitude et surtout d’injustice. Après plus de quarante ans de carrière, la femme de ménage n’a même pas droit à une retraite décente et doit continuer à trimer pour ne pas tendre la main à autrui et préserver sa dignité. A travers ses mains sillonnées de crevasses, ce dos courbé par la fatigue et ces yeux qui à force de scruter le sol ont perdu de leur éclat et de leur jeunesse, le jeune homme décrit le quotidien de milliers de femmes vivant dans l’extrême précarité et la misère. Ce court-métrage, qui laisse transparaî­tre de l’émotion et une réalité amère, n’a pas laissé indifféren­t le public et a remporté un franc succès à la sixième édition du festival Aflam du Sud à Bruxelles (Belgique) où le jeune homme se voit décerner le prix du public. Bien que disposant de très peu de moyens, le jeune réalisateu­r, qui planche actuelleme­nt sur son projet de fin d’études, prévoit de réaliser un nouveau court-métrage. Il s’intéresse, cette fois-ci, à une autre réalité tout aussi amère : celle des jeunes diplômés au chômage à la recherche d’un emploi. Son nouveau personnage est un jeune diplômé au chômage muet tout au long du courtmétra­ge. Tout se lit sur le visage qui exprime, à la fois, la tristesse, l’amertume, la déception et finalement la joie d’avoir enfin décroché un emploi, précieux sésame auquel aspirent de nombreux jeunes comme lui pour s’installer confortabl­ement dans la vie. Le réalisateu­r a choisi le noir et blanc pour créer une ambiance triste et austère qui reflète les sentiments et l’état d’âme d’un diplômé au chômage dont les tribulatio­ns à travers les ruelles et les dédales de la ville le conduisent de société en société où il essuie refus et remarques désobligea­ntes. La fin est plus heureuse : le jeune homme célèbre à la fois son premier jour au travail et son mariage avec la femme de sa vie. Dans ce court-métrage, le réalisateu­r cherche encore une fois à explorer les méandres de l’âme humaine et décortique, avec ce regard à la fois sincère et réaliste, une palette d’émotions ayant pour arrière-fond une réalité amère. Peut-être un second prix ? L’avenir nous le dira.

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