Pseudo-hommage à deux grands professionnels de l’image
Deux expositions de photos organisées pendant les JCC veulent restituer le parcours et l’oeuvre de Kalthoum Bornaz, Abdelaziz Frikha et Samir Farid. Or, les trois professionnels du cinéma méritent mieux.
Abdelaziz Frikha
Kalthoum Bornaz, Abdelaziz Frikha et Samir Farid ont tous les trois décédé en 2017. Ils ont tous les trois des liens très étroits avec le cinéma et l’image. Que les JCC, dans leur édition actuelle, leur rendent hommage à travers des expositions de photos restituant un parcours particulier, une oeuvre construite au fil des années, une passion commune, est de prime abord un geste louable. Or, après plus de cinquante ans d’existence, on ne sait toujours pas du côté des JCC qu’organiser une exposition de photos ne signifie pas suspendre des images sur des cimaises et puis circuler car il n’y a plus rien à faire ! Résultat des courses : le public, qui, pourtant, est très présent en ces journées de fête du cinéma, déserte des salles où il ne trouve rien à voir, les photos persistant à rester énigmatiques, sibyllines, incompréhensibles plusieurs jours après l’ouverture des JCC.
Sur l’avenue Bourguiba, Samir Farid passe incognito
A la galerie de l’Information, sur l’avenue Bourguiba, le critique Kalthoum Bornaz
et écrivain égyptien Samir Farid (1943-2017), auteur prolifique d’ouvrages sur les cinémas égyptien, maghrébin et européen et fervent ami des Journées cinématographiques de Carthage, a droit à une salle remplie uniquement de la fumée des cigarettes des gardiens… Tout le reste n’est que vacuité ! Aucun texte de présentation du sujet de «l’hommage». Aucune mise en perspective de son oeuvre par rapport à l’histoire du cinéma tunisien et arabo-africain, ni de son rôle en tant qu’observateur des évolutions des écoles, des styles et des idées. Aucune légende sous les photos en noir et blanc où on suit à l’aveuglette les rencontres de Samir Farid avec des intellectuels tunisiens, probablement au cours des années 60, peine-t-on à deviner, ou ses interventions devant le micro d’une radio anonyme. Sur l’artère principale de Tunis, l’avenue Bourguiba, Samir Farid passe incognito…
Triste sort pour Frikha, un homme des lumières
A quelques pas de là, la Maison Samir Farid
de la Culture Ibn-Rachiq partage son hall, que des milliers de cinéphiles traversent pour accéder à la salle de cinéma, en un pseudohommage à deux grands professionnels de l’image. D’une part, la scénariste, réalisatrice et productrice de cinéma Kalthoum Bornaz (1945-2016) et le photographe et directeur de la photo à la télévision tunisienne Abdelaziz Frikha (décédé en 2017), d’autre part. Le sort que l’on réserve ici à ces deux personnalités n’a rien à envier à celui de Samir Farid. Mais le plus sombre est celui de Abdelaziz Frikha. Si les photos de Kalthoum Bornaz en action sur les tournages occupent la plateforme d’accueil de la aison de la Culture, Abdelaziz Frikha, célèbre pour son livre sur le pèlerinage, premier reportage dans le monde à être réalisé sur ce thème, n’a eu droit qu’aux escaliers menant à l’étage. Un espace non éclairé. Paradoxal pour un homme qui a travaillé toute sa vie sur la lumière à la télévision et en tant qu’artiste au rayonnant talent !