La Presse (Tunisie)

Les infortunes de Mustafa

Le long métrage «Mustafa Z», scénarisé par Soufia Haouas et réalisé par Nidhal Chatta, est né d’une idée du comédien Abdelmonem Chouyet qui y interprète également le rôle principal.

- Meysem M.

Voilà ce que nous annonce le synopsis : le film retrace 24 heures de la vie d’un Tunisien ordinaire, Mustafa, en prise avec l’absurdité du système. Nous sommes à la veille des premières élections présidenti­elles libres, une échéance cruciale pour la jeune démocratie tunisienne. Mustapha entretient une relation tumultueus­e avec son fils adolescent et son épouse qui lui reprochent son manque d’ambition et son caractère effacé. Mustafa, animateur dans une radio, marié et père d’un jeune adolescent, incarne par excellence la figure de l’antihéros, du «looser», paumé, passif, dépassé par le cours de sa vie et en prise avec tout le monde. Les lois de Murphy semblent s’être acharnées sur lui, rien ne lui réussit et il voit s’effondrer, devant lui, sa carrière profession­nelle et sa vie conjugale. On est à la veille des premières élections présidenti­elles, le silence électoral est de mise mais pas dans la vie de Mustafa, loin de là. Ses infortunes sont annoncées d’emblée, échanges conflictue­ls avec son épouse, une hôtesse de l’air autonome qui gagne plus d’argent que lui et qui ne cesse de lui reprocher son inertie. Un mal-être qui s’exprime par des maux physiques, une rage de dent qu’il finit par perdre dans sa salle de bains, des urines rosâtres, des symptômes auxquels son médecin ne donne aucune explicatio­n, aucun remède efficace. Mustafa est confronté aussi au mépris de son fils qui lui reproche sa passivité mais surtout son manque d’intérêt pour lui. Un trait de caractère qui lui fait perdre son boulot et il finit par être licencié pour manque d’initiative­s et d’ambitions. Entre-temps, les rues à Tunis (où il vit) continuent de vibrer au rythme des manifestat­ions. Il se retrouve comme emporté par toutes ces agitations dans la rue, chez lui, dans sa vie… Des situations toutes aussi absurdes les unes que les autres qui finissent par réveiller chez lui une colère jusque-là tue. Son malheur ne s’arrête pas là, il tombe en panne sèche, parvient tout de même à stationner mais l’horodateur ne fonctionne pas, il se rend vite dans une station-service pour se procurer un peu d’essence, on le lui refuse ; depuis la révolution c’est interdit, il se débrouille quand même chez un mécanicien. En retournant à sa voiture, il se heurte aux agents de la municipali­té qui s’apprêtent à l’amener à la fourrière. Ne trouvant pas d’accord avec eux, l’homme se précipite dans sa voiture et décide de ne plus la quitter. Il est transporté avec à la fourrière, qui deviendra son QG, son lieu de révolte… Mustafa finit par réagir et déclenche, sous le coup de la colère, une petite révolution. Sa petite retraite dans le véhicule lui permet de revoir les choses. Il se filme et diffuse son coup de gueule, contre un système corrompu et absurde, sur les réseaux sociaux. Les autorités, alarmées, tentent, tant bien que mal, de le calmer (gentiment ! un peu trop même) en envoyant une femme lieutenant et même un ministre, mais personne ne parvient à le sortir de sa voiture… Le propos est riche en matière, très favorable à la mise en scène. Mais l’on reproche ce côté retenu dans quelques séquences, les dialogues aussi (des fois fades) et un rythme ondulatoir­e qui perd des fois de sa courbe. L’on aurait pu aller jusqu’au bout, creuser encore plus dans cette esthétique de l’absurde, lâcher encore plus du lest et pas que dans le vocabulair­e.

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