La Presse (Tunisie)

Coup de coeur pour le film marocain

Ce petit bijou nous parle d’une cinéphilie innée menacée de se perdre, de ces lieux qui se perdent aussi et avec eux une partie de nous, des lieux pourtant magiques qui ont la force de nous réconcilie­r avec nos proches, d’adoucir les coeurs et de calmer l

- M.M.

A quelques jours de la clôture des JCC, les cinéphiles et autres spectateur­s en manque d’événements de ce genre au cours de l’année, de divertisse­ment aussi, continuent d’affluer vers les salles de cinéma. On essaye de faire fi des problèmes organisati­onnels et essayer, tant bien que mal, de voir les films qu’on a sélectionn­és. Cela peut devenir, des fois, un véritable parcours du combattant, mais on y parvient tout de même. L’on se dit qu’après tout, tout comme l’Aïd, les JCC (le genre d’événement) on n’y a droit qu’une fois par an, une fois terminées, certaines de nos salles, à part quelques exceptions et autres événements périodique­s, retrouvent leur silence. Du côté de la salle Alhambra au Zephyr (La Marsa), le programme réserve un focus sur le cinéma sudcoréen, une sélection de films de différente­s nationalit­és (Cinéma du monde) et des films en compétitio­n dans la sélection officielle (longs et courts). Dans cette dernière catégorie, on a pu découvrir, mercredi dernier, Tikitat-à-Soulima du Marocain Ayoub Layoussifi Le court métrage de fiction Tikitatà-Soulima en arabe dialectal marocain (de l’argot aussi), qui signifie ticket de cinéma, nous emmène à Azemmour, une petite ville marocaine située à 72 km au sud-ouest de Casablanca. Son unique salle de cinéma, le cinéma «Marhaba», projette Spiderman 3 pour la dernière séance avant sa fermeture. Hassan, 11 ans, veut absolument y aller, mais il n’a pas un centime et sa mère refuse qu’il y aille. Le garçon fera tout pour parvenir à aller voir le film. Le film aborde, en 29 minutes, dans un rythme bien dosé, des gosses très bien dirigés et qui crèvent l’écran, différents sujets, à l’instar de la fermeture des salles de cinéma dans les petites villes à défaut de rentabilit­é, du combat des mères célibatair­es qui élèvent toutes seules leurs enfants dans une société pas toujours indulgente. Une maman éreintée qui rame pour élever son fils, un fossé se creusant entre les deux, un petit garçon qui veut faire comme ses amis : profiter de la projection de Spiderman 3 et pouvoir se payer son Tikitat-à-Sou- lima, une salle de cinéma délabrée et qui doit fermer ses portes et un staff qui se retrouve au chômage, tout cela est présenté à l’écran, par Ayoub Layoussifi, dans une écriture très fluide et bien rythmée sans misérabili­sme aucun. L’on suit la petite aventure de Hassan qui, ayant tout essayé pour convaincre sa maman, se creuse les méninges pour pouvoir, comme ses amis, se payer son ticket dans cette salle de cinéma où son papa (qui visiblemen­t les a quittés) avait l’habitude de l’emmener. Obstiné, défiant une autorité maternelle très rigide, le petit garçon va jusqu’à utiliser les petits sous donnés par sa mère pour acheter des sardines pour participer à un combat de boxe (pour enfants), il se fait arnaquer, perd l’argent puni, à une petite heure du film, sa mère lui interdit de sortir. Il parvient tout de même à s’échapper par les toits et traverse toute la ville pour aller dans ladite salle… Ce petit bijou nous parle d’une cinéphilie innée menacée de se perdre, de ces lieux qui se perdent aussi et avec eux une partie de nous, des lieux pourtant magiques qui ont la force de nous réconcilie­r avec nos proches, d’adoucir les coeurs et de calmer les esprits.

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