Une place pour la Tunisie
De notre envoyé spécial à Karachi, Kamel Ferchichi
La capitale économique pakistanaise, Karachi, vibre, ces joursci, au rythme de sa grande foire annuelle, « Expo-Pakistan », qui a été officiellement ouverte, jeudi dernier, sous haute protection sécuritaire. Mais, il s’agit, semblet-il, de précautions ordinaires prises à titre préventif. D’envergure internationale, ce rendezvous est, aujourd’hui, à sa 10e édition, placée, cette année, sous le signe des « opportunités illimitées ». En prélude, des banderoles surplombent la ville, la mobilisation médiatique locale étant aussi de mise. Soit un coup de maître médiatique. Trop de monde investit les hôtels de la place, issu de tous les horizons : plus de 750 délégations représentant environ 80 pays, africains, maghrébins et européens. La Tunisie a brillé par son absence, bien qu’elle ait, sérieusement, la volonté de mettre le cap sur le Pakistan. Un marché géant de plus de 200 millions de consommateurs. Voire une nouvelle destination à découvrir. N’empêche, des investisseurs tunisiens, dont le nombre se compte sur les doigts d’une main, se sont donné la peine de se déplacer. Rien que pour dénicher des partenariats potentiellement stratégiques et nouer des contacts d’affaires qui soient mutuellement bénéfiques. Quatre jours durant, « Expo-Pakistan », organisée du 9 au 12 de ce mois, sous les auspices du ministère du Commerce, s’est voulue, visiblement, une vitrine du produit local. Un large éventail de marchandises et de services, mais aussi d’expériences et de savoirfaire dont la Tunisie et le Pakistan pourraient, réciproquement, tirer profit. Six halls regroupent plusieurs secteurs, où l’offre reflète une diversité industrielle : du textile-habillement aux composants automobiles, en passant par l’agroalimentaire, les produits du terroir, l’art et de décor, l’orfèvrerie, l’artisanat, les équipements sportifs, produits pharmaceutiques, le Pakistan s’approprie une place à l’international. Ce qui fait de ce pays sud asiatique la 25e puissance économique mondiale. Un tel marché aux « mille opportunités », comme on l’a qualifié, vaut bien la messe. Si volonté il y a, la Tunisie y aura une place de choix. Nos dattes, huile d’olive et agrumes s’exportent bien là-bas. «De même nos produits textiles », réagit M. Adel Mili, entrepreneur dans le domaine, sa firme de confection étant basée à Béja.
Un marché prometteur
L’homme s’est dit optimiste pour l’avenir des relations de coopération bilatérale. Il y voit un signe avant-coureur d’un véritable partenariat gagnant-gagnant. Pour le textile, un secteur en difficulté, la matière première en constitue la cheville ouvrière, sinon le maillon manquant. Autant dire, estime-t-il, que le Pakistan pourrait être, à ce niveau, un fournisseur de taille, à la seule condition que soient initiées d’autres mesures incitatives. « Formalités d’import et d’export assouplies, taxes douanières révisées, à titre d’exemple », mentionne-t-il. Et la volonté politique doit suivre, à même de faciliter l’échange et d’aller un peu loin dans la prospection de nouvelles opportunités économiques. Car, accessoires et intrants textiles sont toujours importés de la Turquie ou de la Chine, deux fournisseurs concurrents. « Diversifier les marchés d’approvisionnement, et par conséquent les partenaires, est de nature à minimiser les coûts et améliorer la palette des choix.. », relève-t-il. D’après lui, il est temps de penser produit fini. Aussi faut-il bouger les lignes pour libérer le marché local. Cela étant, dans la perspective de passer de la sous-traitance à la cotraitance. Du reste, plus de 200 millions de consommateurs que compte le Pakistan pèsent beaucoup dans la balance commerciale. « C’est pourquoi il importe de se tourner vers pareils marchés », résumet-il, en conclusion. Visitant, pour la première fois, l’Expo-Pakistan, M. Mili a fini par y trouver son compte : des contacts d’affaires ont déjà été établis.
La volonté qui manque
Maher Abdallah, lui aussi investisseur tunisien dans le domaine de textile, nous a déclaré avoir accompli sa mission au Pakistan. Directeur d’une société spécialisée implantée à Ksar Helal, et dont les activités sous-traitées couvrent presque le territoire national, ce jeune promoteur ne laisse passer aucune occasion sans tenter sa chance. Sa fabrique de textile gère près de 6 mille postes d’emploi au total. D’un marché à l’autre, il est passé maître dénicheur des opportunités. Comme toutes les délégations participantes, un nombre si réduit de Tunisiens a été invité à explorer les privilèges économiques d’un pays émergent. « J’ai passé la matinée à visiter les stands, les après-midi sont consacrées à chercher de nouveaux fournisseurs de matières premières », témoigne-t-il, faisant valoir ses anciennes relations de partenariat dans ce pays. Toutefois, il y a un hic, soulève-t-il : « Il n’y a pas motivation ni volonté de la part de l’Etat tunisien ». Et encore moins des facilités douanières dans ce sens, afin de rendre beaucoup plus accessibles les échanges, en termes d’importation ou d’exportation. « Créer une ligne maritime Tunisie-Pakistan semblerait de grande portée », propose-t-il, déplorant la mise en attente des produits importés du Pakistan. Il faut mettre le cap sur le libreéchange, a-t-il, enfin, souligné. Le cuir et chaussure, un secteur actuellement en crise, cherche, lui aussi, sa part de marché au Pakistan. Un jeune investisseur tunisien y est venu tisser des liens censés donner à l’industrie des chaussures de sécurité une nouvelle impulsion. Cette présence tunisienne à la 10e édition « Expo-Pakistan » a été le fruit d’une diplomatie économique à haut niveau. Notre ambassade à Islamabad, capitale politique du pays, n’a ménagé aucun effort pour y mettre du sien. De son côté, l’ambassade du Pakistan à Tunis avait accordé à l’événement tout l’intérêt qu’il mérite. Jeudi soir, le gouvernement pakistanais a lancé, en grande pompe, une initiative « Emerging Pakistan » à laquelle ont été conviées toutes les délégations des pays participants dont la Tunisie. La cérémonie a pris l’air d’une vaste campagne de promotion sans précédent, l’ultime objectif étant de faire du Pakistan une destination de choix. L’on s’attend à ce que la Tunisie fasse de même. Nous y reviendrons.