La Presse (Tunisie)

Ouverture du procès Abdeslam

20 ans requis contre les deux prévenus

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AFP — Une même peine de 20 ans de prison assortie d’une période de sûreté des deux tiers a été requise hier à Bruxelles à l’encontre de Salah Abdeslam et du complice de sa fuite, Sofiane Ayari, accusé comme lui d’avoir tiré sur des policiers en mars 2016. Il s’agit de la peine maximale prévue devant le tribunal correction­nel pour tentative d’assassinat contre des policiers, a précisé la représenta­nte du parquet fédéral Kathleen Grosjean. «C’est une véritable scène de guerre à laquelle les policiers ont été confrontés. C’est un miracle qu’il n’y ait pas eu de mort» parmi eux, a-t-elle dit.

«Je n’ai pas peur de vous»

Encadré par deux colosses de la police belge, Salah Abdeslam est apparu pour la première fois en public hier au tribunal de Bruxelles. Voix fluette, barbe touffue et cheveux gominés, il a décliné les questions et lancé une tirade de défi au nom d’Allah. Le suspect-clé des attentats de novembre 2015 à Paris a l’oeil noir et les sourcils froncés quand il pénètre dans la salle, sans un regard pour l’assistance. Démenotté, il se recoiffe vers l’arrière d’un geste des deux mains et s’assoit. L’assemblée, elle, reste debout, les yeux rivés sur le prévenu, ex-ennemi public numéro un, jugé non pas pour les attentats du 13 novembre 2015 à Paris mais pour une fusillade avec des policiers à la fin de sa cavale en mars 2016. L’homme de 28 ans qui était à l’époque le plus recherché d’Europe, dont le visage s’est imprimé sur les télévision­s du monde entier, semble désormais occupé à fixer le vide. Il porte une veste gris clair, une chemise blanche, un pantalon noir et des chaussures de ville marron, un effort vestimenta­ire qui contraste avec le survêtemen­t de son coprévenu, Sofiane Ayari. Ses cheveux, rabattus vers l’arrière et couverts de gel, ont poussé depuis 2015. Sa barbe aussi. La présidente Marie-France Keutgen l’invite à se lever. Il refuse. «Je ne souhaite pas répondre», bredouille­t-il d’une voix faible. «Au moins les questions sur votre identité ?», tente-t-elle. «Je ne souhaite pas répondre aux questions», répète-t-il à nouveau, avant de se murer dans le silence. Il écoute, imperturba­ble, sans aucune réaction, les longues minutes de témoignage de son complice. Il se mouche parfois ou se retourne, plus rarement, pour échanger avec son avocat. Mais jamais il ne donne l’impression d’écouter les débats. Vient le moment de son audition. La présidente du tribunal retente sa chance. «Je n’ai pas envie de répondre, je suis fatigué !», lui lancet-il, toujours assis, la voix cette fois teintée d’agressivit­é.

Confiance en Allah

«Vous avez souhaité être présent aujourd’hui: est-ce que vous accepterez de répondre à des questions ?», insiste-t-elle. «Je le répète: Je ne souhaite répondre à aucune question». Pourquoi, dès lors, avoir souhaité être là ? La question le fait sortir de ses gonds. «On m’a demandé de venir, je suis venu, tout simplement», répond-t-il. «Mon silence ne fait pas de moi un criminel ni un coupable». Puis il se lance dans une tirade qui semble préparée, mais émaillées de propos confus: «Il y a des preuves dans cette affaire, des preuves tangibles, scientifiq­ues, j’aimerais que ce soit sur ça qu’on se base et qu’on ne se base pas, qu’on n’agisse pas pour satisfaire l’opinion publique». «Ce que je constate, c’est que les musulmans sont jugés, traités de la pire des manières, impitoyabl­ement, il n’y a pas de présomptio­n d’innocence», affirme Abdeslam. Ses paroles se teintent alors de religiosit­é: «Maintenant, jugez-moi, faites ce que vous voulez de moi, moi c’est en mon Seigneur que je place ma confiance». Et défiantes: «Je n’ai pas peur de vous, je n’ai pas peur de vos alliés, de vos associés, je place ma confiance en Allah et c’est tout». Il récite aussi la chahada, la profession de foi musulmane, devant l’assemblée stupéfaite. «Le tribunal prend acte de votre réponse», conclut la présidente, avant de suspendre l’audience. Salah Abdeslam a parlé. Menotté, il repart en cellule, toujours escorté par les deux hommes de la police fédérale, armés et cagoulés, qui ne l’ont jamais lâché des yeux.

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