La reconstruction rime avec vigilance
Tillerson appelle la coalition à rester mobilisée contre l’EI
AFP — Le chef de la diplomatie américaine a appelé hier, à Koweït, la coalition internationale contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI) à ne pas baisser la garde devant la menace jihadiste, malgré les succès militaires en Irak et en Syrie. La réunion de cette coalition antijihadistes menée par les Etats-Unis coïncide avec le deuxième jour d’une conférence internationale sur la reconstruction de l’Irak organisée à Koweït où le secteur privé est très courtisé pour ce chantier titanesque. «Lorsque nous avons lancé notre opération» en 2014, «l’EI prospérait», a rappelé Rex Tillerson. Aujourd’hui, l’organisation extrémiste «est en train de perdre», a ajouté le secrétaire d’Etat américain devant les représentants des 74 pays et institutions internationales membres de la coalition, dont le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Le Premier ministre irakien Haider al-Abadi a annoncé il y a deux mois la «fin» de la guerre contre les jihadistes de l’EI qui s’étaient emparés d’un tiers de l’Irak à partir de 2014, menaçant l’existence même de l’Etat. Mais si «environ 98% du territoire jadis contrôlé par l’EI en Irak et en Syrie a été libéré», le groupe jihadiste «demeure une menace sérieuse», a prévenu M. Tillerson.
«La communauté internationale fait toujours face à une menace directe des groupes terroristes armés», a renchéri le ministre koweïtien des Affaires étrangères, cheikh Sabah Khaled Al-Sabah. Dans cette période post-EI, les nouvelles tensions en Syrie, notamment avec l’opération de la Turquie contre l’enclave kurde d’Afrine, dans le nord-ouest, compliquent la stratégie américaine. La force kurde visée par Ankara a en effet été la principale alliée de la coalition antijihadistes dans la lutte contre l’EI en Syrie. M. Tillerson, qui se rendra demain et après-demain à Ankara pour des entretiens qui s’annoncent très tendus, a redit sa «préoccupation» face à cette opération et a appelé «toutes les parties à rester concentrées sur le combat contre l’EI». Au deuxième jour de ses travaux, la conférence sur la reconstruction de l’Irak a elle vu les responsables irakiens présenter des garanties juridiques aux donateurs et investisseurs, sollicités pour rebâtir les dizaines de milliers d’habitations, d’écoles, d’hôpitaux ou d’infrastructures détruites par des années de combats. «L’Irak est ouvert aux investisseurs», a assuré Sami al-Araji, président de la Commission irakienne de l’investissement, devant près de 2.000 représentants d’entreprises internationales auxquels il a promis un haut degré de protection.
Risques élevés, rendements élevés
Les investisseurs auront ainsi, entre autres avantages, la possibilité de créer des compagnies de droit irakien, de transférer des fonds et de bénéficier d’allègements fiscaux. Ils seront également exonérés de droits de douane et d’impôt sur le revenu pour 10 à 15 ans, a déclaré à l’AFP Nizar Nasser Hussein, le chef du département juridique de la Commission nationale des investissements. «Les risques sont élevés, mais les rendements aussi», a résumé M. Araji. Ravagé depuis les années 1980 par les guerres à répétition et un long embargo, l’Irak a présenté plus de 200 projets visant à reconstruire le pays dans des domaines variés. Ils comprennent notamment la construction de raffineries de pétrole et de centrales électriques, la réhabilitation d’aéroports, de chemins de fer et de routes. Le pays prévoit d’augmenter sa capacité de production de pétrole à sept millions de barils par jour contre environ cinq millions actuellement ainsi que celle de gaz. La veille, à l’ouverture de la conférence, qui réunit des centaines de responsables politiques, d’ONG et d’hommes d’affaires, le ministre irakien de la Planification, Salmane al-Joumeili, a chiffré la note de la reconstruction du pays: 88 milliards de dollars (71 milliards d’euros). Des ONG ont annoncé dès avanthier une levée de fonds pour soutenir les opérations humanitaires de plus de 330 millions de dollars, dont 130 du Comité international de la Croix-Rouge. Mais la reconstruction de l’Irak, où quelque 138.000 maisons sont endommagées et 2,5 millions de personnes déplacées nécessitera plus que de l’argent, ont souligné plusieurs responsables. Le pays a besoin de réconciliation nationale entre chiites et sunnites, comme l’a rappelé M. Le Drian avant-hier à Bagdad. Il doit également trouver une solution au différend qui oppose le pouvoir central à la région autonome du Kurdistan. Les spécialistes soulignent également la nécessité d’un gouvernement stable, alors que des élections générales sont prévues en mai sur fond de divisions au sein de la majorité chiite.