Pour plus de cohérence et de coordination dans l’action de l’Etat
La Tunisie est passée d’une liste noire à une autre. D’abord classé sur la liste noire des paradis fiscaux — avant de passer à la liste grise après une intervention des autorités publiques — notre pays a été placé, récemment, dans la liste des Etats qui sont exposés au risque de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Un remue-ménage a été constaté dans la sphère économique et financière avec comme point culminant la démission du gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT). M. Hakim Ben Hammouda, ancien ministre des Finances, nous donne son point de vue à propos de ces classements et les moyens de sortir de cette situation peu reluisante.
La Tunisie est passée d’une liste noire à une autre. D’abord classé sur la liste noire des paradis fiscaux — avant de passer à la liste grise après une intervention des autorités publiques — notre pays a été placé, récemment, dans la liste des Etats qui sont exposés au risque de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Un remue-ménage a été constaté dans la sphère économique et financière avec comme point culminant la démission du gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT). M. Hakim Ben Hammouda, ancien ministre des Finances, nous donne son point de vue à propos de ces classements et les moyens de sortir de cette situation peu reluisante.
Le classement de la Tunisie dans la liste noire des paradis fiscaux puis dans celle des pays les plus exposés au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme a suscité un sursaut de l’opinion publique. A quoi est dû un tel résultat ?
Je pense qu’il y a un manque de coordination et de cohérence au niveau des différents intervenants de l’Etat dans le domaine de la politique économique et financière. Les intervenants en question sont le gouvernement ( le chef du gouvernement), l’équipe de ses conseillers, les ministres en charge des finances, de la coopération internationale et le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT). Il y a aussi le conseil d’analyses économiques et la commission tunisienne d’analyses financières. On constate un dysfonctionnement au niveau de tous ces intervenants ainsi qu’une absence de coordination dans le travail. J’ai soulevé ce problème il y a plusieurs mois. La politique monétaire de la Tunisie est restrictive alors que la politique budgétaire est expansionniste. Je souligne l’importance de la coordination dans l’action de l’Etat pour éviter d’être classé dans ces listes noires. Il va sans dire que la volonté politique de se conformer aux standards internationaux est indispensable. Il faut s’attaquer au problème structurel qui dépasse les personnes mais qui concerne l’Etat.
Comment éviter à l’avenir à notre pays d’être classé dans de pareilles listes noires ?
Je pense que notre pays doit impérativement définir une sorte de structures ou un mécanisme de coordi- nation. Le gouverneur de la BCT a déclaré avoir envoyé plusieurs messages au gouvernement sans avoir de réponses, ce qui n’est pas normal. D’où la nécessité d’avoir plus de coordination entre les structures de l’Etat. Le classement de la Tunisie dans la blacklist va avoir des effets sur notre pays. Le premier effet concerne la réputation du pays alors que le deuxième concernera l’attitude des investisseurs qui ne seront pas intéressés d’investir. Quant au troisième effet, il a trait à des complications que peuvent rencontrer les individus et les entreprises. Nous devons faire preuve efficacement de célérité et d’efficacité dans notre démarche visant à conformer nos législations aux standards internationaux et tirer la leçon positive de cette expérience pour aller de l’avant dans le cadre de la cohérence de l’Etat.
Nous voulons profiter de cette occasion pour vous demander en tant qu’ancien ministre des Finances, les dispositions à prendre en vue de relancer l’économie nationale ?
Je pense que deux grandes priorités doivent mettre mises en exergue, à savoir la consolidation budgétaire et la réduction des difficultés liées au déficit. L’autre priorité concerne la relance de l’investissement national et étranger pour stimuler la croissance. Le cadre juridique de l’investissement aussi important soit- il, n’est pas suffisant à lui seul pour attirer les investisseurs. Il faut relancer les grands projets d’investissement restructurant en impliquant les investisseurs. La loi de finances 2018 n’a pas choisi la bonne voie dans la mesure où elle a opté essentiellement pour les taxes supplémentaires pour améliorer les recettes. On aurait dû intervenir au niveau de l’évasion fiscale, par exemple, pour avoir plus de fonds propres de l’Etat.
Une sourde polémique gronde et monte, ces derniers jours, contestant le bien-fondé de la tenue des élections municipales, le 6 mais 2018, alors que la loi sur les collectivités locales n’est pas encore clôturée et que l’opinion publique ne serait pas suffisamment sensibilisée et mobilisée à l’intérêt majeur de cette importante échéance L’évidence est, pourtant, que les élections municipales constituent la matérialisation de l’implication directe et effective du «citoyen de base» dans la gestion concrète des affaires de la cité qui est la sienne, concrétisant ainsi la démocratie de proximité qui matérialise le mieux l’idéal théorique de l’authentique «démocratie directe» professée par les penseurs et les philosophes et restée, en pratique, par trop théorique.
En attendant la «transition économique »
La persistance, voire la complication, de la profonde crise que traverse le pays, fait dire aux experts, analystes et observateurs qu’une transition économique s’impose aujourd’hui. Or, chaque jour apporte de nouveaux éléments nous éloignant de cet événement libérateur, à commencer par la chute vertigineuse du dinar, puis les blacklistes européennes... De sorte que «la main à la pâte» que matérialisera l’élection démocratique pluraliste de véritables conseils municipaux réellement représentatifs, souverains et efficaces peut sonner le déclenchement, à la base, d’un démarrage local de la transition économique, par le biais de la transition municipale, celle correspondant à la prise en main de l’initiative citoyenne par le citoyen.
Certaines insuffisances inévitables
Il s’agit, cependant, de noter objectivement que les citoyens n’accordent pas vraiment, à ce jour, toute l’attention que mérite le scrutin local, et que le cadre juridique de l’exercice de la représentation municipale, soit ne sera nullement finalisé à la date du 6 mai, soit ne pourra avoir eu le temps d’être vulgarisé dans l’esprit des citoyens ni même de leurs élus de trop fraîche date. Or, il s’agit là d’évidentes insuffisances qu’il ne viendrait à l’esprit de personne de nier ou de minimiser. Mais ces insuffisances sont nettement contrebalancées par la large extension des multiples nouvelles prérogatives que la nouvelle loi organisant les collectivités locales compte octroyer aux conseils municipaux élus. Ce alors que, depuis la révolution, ceux-ci sont désignés et fonctionnent à l’ancienne.
Un manque à gagner appréciable
De toute évidence, il serait utile de comparer le comparable, avant de crier au scandale à propos des conditions de tenue des prochaines municipales. De «délégations spéciales» désignées par on ne sait trop qui, ni selon quels critères, nous passons à des conseils municipaux pluralistes librement élus. Le saut qualitatif est flagrant. Même si les nouvelles prérogatives ne seront pas bien comprises ou assimilées, même si la mobilisation populaire fera quelque peu défaut, même si les deux premiers partis risquent de trop dominer la scène, nous passerons de comités hasardeux désignés à des élus municipaux responsables dûment mandatés à des conseils choisis par les citoyens de la commune pour exercer les pouvoirs dévolus à la démocratie directe.