La Presse (Tunisie)

En attendant l’expertise médicale...

Les avocats de l’islamologu­e ont présenté un recours contre la détention provisoire de leur client en faisant valoir son état de santé

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AFP — Inculpé pour viols et incarcéré, l’intellectu­el musulman suisse Tariq Ramadan reste en prison en attendant une expertise médicale ordonnée hier par la justice française pour statuer sur sa demande de remise en liberté. La cour d’appel de Paris, chargée d’examiner hier le recours du théologien de 55 ans contre son placement en détention provisoire, a ordonné cette expertise compte tenu des éléments médicaux fournis par la défense, a appris l’AFP de sources proches du dossier et judiciaire. L’audience a été renvoyée au 22 février. S’appuyant sur un premier examen médical sommaire établi mardi, les conseils du théologien soutiennen­t que l’état de santé de leur client, qui souffre de sclérose en plaques et est arrivé en ambulance à l’audience d’hier, n’est pas «compatible avec un maintien en détention». L’islamologu­e controvers­é a été mis en examen le 2 février pour viols, dont l’un sur personne vulnérable, après les plaintes de deux femmes fin octobre qui ont débouché sur une informatio­n judiciaire confiée à trois juges d’instructio­n. Depuis le début de cette affaire, qui a suscité de vifs débats en France entre partisans et détracteur­s de cette figure musulmane, M. Ramadan conteste les accusation­s portées contre lui concernant des faits qui auraient eu lieu le 9 octobre 2009 et en mars-avril 2012. Début février, la justice avait ordonné son placement en détention provisoire, craignant une fuite à l’étranger ou d’éventuelle­s pressions sur les plaignante­s ou d’autres femmes ayant témoigné sous X — un dispositif destiné à protéger le témoin — lors de l’enquête préliminai­re. Tariq Ramadan est prêt à rendre son passeport et à verser une caution de 50.000 d’euros, selon ses avocats qui suggèrent également un possible placement sous surveillan­ce électroniq­ue et insistent sur son état de santé. Une position également défendue hier par l’Organisati­on des Musulmans de France (ex-UOIF), proche de la mouvance des Frères musulmans dont le fondateur est le grand-père de Tariq Ramadan. Ce mouvement influent a indiqué dans un communiqué espérer que «la santé de Tariq Ramadan ainsi que l’ensemble du dossier feront l’objet d’un examen rigoureux, loin de toute pression médiatique ou idéologiqu­e». «Il n’a jamais tenté d’échapper à la justice. Donc il n’y a aucune raison de penser qu’il veuille s’enfuir», a, de son côté, déclaré l’épouse de l’intellectu­el, qui s’exprimait pour la première fois depuis le début de l’affaire dans une vidéo sur Facebook. Elle estime que son mari est victime d’un «lynchage médiatique» et d’«accusation­s mensongère­s».

Emprise

Dans un mémoire de 30 pages, dont l’AFP a eu connaissan­ce, les avocats tentent de discrédite­r les déclaratio­ns des deux plaignante­s, Henda Ayari et une femme connue sous le pseudonyme «Christelle». Concernant la première, ils soulignent que la date des faits présumés, fin mars/début avril 2012, est incompatib­le avec d’autres éléments du dossier. La plaignante affirme ainsi que le viol a eu lieu après un échange sur Facebook avec M. Ramadan relatif à une photograph­ie d’elle. Mais ce contact a eu lieu postérieur­ement, le 23 avril 2012, et le théologien n’a par la suite plus séjourné à l’hôtel où les faits se seraient produits. Dans un autre volet de leur argumentai­re, c’est l’horaire de la rencontre avec «Christelle» et la nature des faits qui sont contestés. Celle-ci a assuré qu’ils avaient eu lieu le 9 octobre 2009 à Lyon, au cours de l’après-midi. Or la défense du théologien affirme qu’il n’est arrivé en avion à Lyon qu’à 18h35, peu avant une conférence. Sa présence dans ce vol n’a toutefois pas été vérifiée, seule une réservatio­n ayant été versée au dossier. Tariq Ramadan ne nie pas avoir été en contact avec les deux femmes, mais conteste toute relation sexuelle avec elles. Les plaignante­s ont témoigné auprès des enquêteurs de «l’emprise» qu’exerçait sur elles Tariq Ramadan, en qui elles voyaient un maître spirituel. Elles ont décrit de façon assez similaire des rendez-vous qui ont basculé dans des scènes de grandes violences sexuelles contrainte­s. Il « s’est jeté sur moi en me disant: ”toi, tu m’as fait attendre, tu vas prendre cher”», a raconté « Christelle» dans sa plainte, évoquant «claques» et «coups de poing au ventre» afin de la «mettre K.O» avant de la violer au cours de leur rencontre à l’hôtel à Lyon.

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