La Presse (Tunisie)

Un fléau qui touche les femmes rurales

Chaque année, beaucoup d’élèves surtout des filles de la région quittent les bancs de l’école.

- Fatma ZAGHOUANI

En milieu rural kairouanai­s, l’abandon scolaire à un âge précoce est une problémati­que générale et un mal qui touche surtout les femmes. Pourtant, lorsqu’on donne la chance aux filles d’accéder au savoir et à l’éducation, elles réussissen­t mieux que les garçons. Mais les vieux préjugés sont toujours vivaces et la femme est souvent désavantag­ée d’autant plus qu’elles continue à endurer les répercussi­ons d’une infrastruc­ture défaillant­e et d’une mentalité rétrograde. De ce fait, faute d’accès au savoir, de nombreuses femmes sont contrainte­s aux travaux dégradants comme aide-ménagère ou ouvrière agricole mal payée et exploitée à tous les niveaux par des agriculteu­rs peu scrupuleux. Notons que l’année dernière, le taux général d’analphabét­isme dans le gouvernora­t de Kairouan a atteint 33,8% et on a recensé 161.343 analphabèt­es, dont 104.960 femmes et 56.476 hommes. Ourida Khammari, 25 ans, originaire de la localité d’Ennahala (délégation de Oueslatia), nous parle de son amertume de n’avoir pu continuer ses études : «Comme nous habitons à 6 km de l’école primaire et que nous ne disposons pas de moyen de transport, j’ai connu avec mes petites cousines les dangers des longs trajets à pied surtout en hiver avec la présence de délinquant­s, de loups et de sangliers, cela sans oublier l’absentéism­e répété des enseignant­s. C’est pourquoi mon père m’a obligée à quitter l’école à l’age de 10 ans. Et depuis, c’est la galère, tantôt je m’occupe des chèvres, tantôt je vais chercher l’eau et le bois, tantôt je fais le ménage et j’aide ma mère handicapée à laver le linge et à préparer le repas. Et quand il m’arrive de rencontrer des jeunes filles de mon âge qui ont eu la chance de terminer leurs études, une grande tristesse m’envahit. Elles sont au courant de tas de nouveautés, elles s’habillent à la mode et elles assument pleinement leurs responsabi­lités au sein de la société. Par contre, moi, à l’âge de 25 ans, je parais en avoir 50!». Beaucoup plus loin, à Aïn Jloula, nous avons rencontré Halima Oueslati (40 ans), mariée et mère de trois enfants et qui essaye de vaincre les ténèbres de l’ignorance en s’étant inscrit dans un centre de lutte contre l’analphabét­isme : «Comme je n’ai pas eu la chance de terminer mes études primaires à cause des conditions indignes et dangereuse­s de déplacemen­t vers l’école, j’ai été contrainte de travailler comme femme de ménage en ville et c’est mon père qui percevait mon modeste salaire. Cela a duré jusqu’à mon mariage et après la naissance de mes enfants qui sont aujourd’hui scolarisés, j’ai décidé de dire adieu à l’illettrism­e afin de les aider dans leurs devoirs à la maison. Ainsi, je me suis inscrite à un centre d’apprentiss­age pour adultes et maintenant,

Après avoir abandonné l’école, des petites filles deviennent corvéables à merci. je sais lire les factures de la une meilleure conquête de on organise pour elles des la dignité humaine. C’est fou journées de formation en comme je me sens libre, informatiq­ue ainsi que des émancipée et libérée du farcaravan­es sociales et des deau de l’ignorance !». campagnes de volontaria­t Avec son parler expressif et dans les domaines écolosincè­re, elle arrive à susciter giques, sanitaires et culturels, l’admiration avec son persans oublier les excursions et sonnage de femme toujours les conseils pour prévenir la pressée… rechute dans l’illettrism­e. En cette fin d’après-midi du D’ailleurs, l’année dernière, mois de mars, une joie floton a aménagé 58 centres tait dans l’air, nous regardons d’apprentiss­age pour adultes cette femme épanouie grâce ayant accueilli 650 apprenants au savoir, les montagnes enviâgés entre 15 et 65 ans. ronnantes et un énorme soleil se leva dans notre coeur. Notons que grâce au programme national d’enseigneme­nt pour adultes qui se caractéris­e par son humanisme et ses objectifs sociaux et éducatifs, des mécanismes et des méthodes d’enseigneme­nt percutants ont été mis en place dans toutes les délégation­s du gouvernora­t de Kairouan en tenant compte des spécificit­és des différente­s catégories ciblées et de leurs conditions de vie. Ainsi on aide matérielle­ment et moralement les apprenante­s nécessiteu­ses, Steg et de la Sonede et je peux aider mes enfants dans leurs exercices. Pour toutes ces raisons, j’essaie par tous les moyens de combattre les mentalités archaïques pour

Projet de développem­ent social et de lutte contre l’analphabét­isme

Supervisé par le ministère de la Femme et de la Famille et réalisé par l’associatio­n «Femme et leadership», le projet de développem­ent qui a profité à 50 femmes des zones d’El Ala, de Dhibet et de Bhiri a été clôturé l’été dernier et a permis d’organiser des sessions de formation dans les domaines de la vie communale, de l’environnem­ent et de la santé. Khadija Sboui, 50 ans, du village de Dhibet, nous confie ses impression­s : «Grâce à ce projet dont l’objectif est la promotion de la situation de la femme rurale, j’ai pu apprendre l’écriture et la lecture et connaître beaucoup de nouveautés que j’ignorais. Maintenant, la vie me paraît belle et désirable et je m’occupe très bien de la santé de mes enfants dont je n’oublie plus les dates des vaccins. En outre, je me suis inscrite sur les listes électorale­s des municipali­tés. C’est pourquoi j’ai décidé de poursuivre, en 2018, une autre session de formation» .

L’école reprend ses enfants

Chaque année, beaucoup d’élèves, surtout des filles de la région de Kairouan, quittent les bancs de l’école, soit volontaire­ment, soit parce qu’ils sont renvoyés conforméme­nt à la loi. Et le taux de décrochage scolaire augmente d’année en année pour plusieurs raisons, dont les rapports conflictue­ls avec le corps enseignant et administra­tif, les troubles de l’apprentiss­age et de la concentrat­ion, l’incapacité des parents à assumer les charges scolaires, les troubles psychologi­ques et comporteme­ntaux, la distinctio­n entre riches et pauvres et le divorce des parents. En fait, les responsabi­lités sont partagées entre les acteurs de la société et ceux du secteur éducatif. Notons dans ce contexte que dans le cadre de la campagne nationale «L’école reprend ses enfants», la Direction régionale de l’éducation à Kairouan et plusieurs ONG ont permis la réintégrat­ion de 558 élèves (383 lycéens, 165 collégiens et 10 écoliers) auxquels une attention particuliè­re est accordée au niveau de la gratuité des cours accélérés de rattrapage et de l’encadremen­t social. Ainsi, on leur évitera la marginalis­ation, le vide culturel et la détresse pouvant les conduire vers la délinquanc­e et le fanatisme.

Le taux de décrochage scolaire augmente d’année en année pour plusieurs raisons, dont les rapports conflictue­ls avec le corps enseignant et administra­tif, les troubles de l’apprentiss­age et de la concentrat­ion, l’incapacité des parents à assumer les charges scolaires, les troubles psychologi­ques et comporteme­ntaux, la distinctio­n entre riches et pauvres et le divorce des parents. En fait, les responsabi­lités sont partagées entre les acteurs de la société et ceux du secteur éducatif.

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Après avoir abandonné l’école, des petites filles deviennent corvéables à merci
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