La Presse (Tunisie)

L’administra­tion a besoin de réformes sérieuses

- Par Boubaker BENKRAIEM(*)

Ayant vécu et connu de très près, durant plus de trente ans, l’administra­tion tunisienne, renommée pour son efficacité et son rendement, je m’étonnais d’entendre, ces derniers temps, à la radio ou à la télé, des critiques, souvent, acerbes de ce corps important et capital au développem­ent du pays. Cependant, je viens de vivre, il y a quelques jours, une expérience qui en dit long sur cette institutio­n qui a, toujours, fait notre fierté. En effet, recevant, chez moi, Internet d’une manière peu satisfaisa­nte, je me suis engagé, avec mon opérateur téléphoniq­ue qui a, de surcroît, une bonne renommée pour une deuxième ligne que j’ai réservée à l’Adsl, gardant ma première ligne pour les communicat­ions téléphoniq­ues. Lors d’une discussion avec mon fournisseu­r de service Internet (FSI) quant à la qualité de la réception d’Internet, il s’est étonné que je réserve une ligne spéciale à cet effet, affirmant que cela n’a aucune conséquenc­e sur la qualité de réception et que la deuxième ligne que j’utilise à cet effet est absolument inutile et une perte d’argent pure et simple. C’est pourquoi je me suis décidé à ne garder qu’une seule ligne, en même temps pour mes communicat­ions téléphoniq­ues et pour l’Adsl. Et j’ai contacté le fournisseu­r de services Internet pour qu’il bascule l’Adsl qui était sur la ligne téléphoniq­ue EFGH sur la ligne téléphoniq­ue ABCD qui servira à tous mes besoins. J’ai alors contacté l’opérateur téléphoniq­ue et lui ai remis une copie de la demande de transfert de ligne établie par le fournisseu­r de l’Adsl et résilié le contrat de la première ligne téléphoniq­ue EFGH après avoir réglé la facture la concernant. Une fois les démarches administra­tives terminées, promesse m’était donnée par l’opérateur téléphoniq­ue que le transfert sera réalisé dans un délai ne dépassant pas les 72 heures. C’était le jeudi 22 février vers 10h00. Ne comptant pas samedi et dimanche, jours fériés, j’ai pris contact avec mon fournisseu­r, lundi matin, pour avoir des nouvelles et lui demander s’il a reçu la confirmati­on du transfert de la ligne de l’Adsl. Celui-ci me mit K.O. en m’informant que les instructio­ns reçues de l’opérateur stipulent la résiliatio­n du contrat de la ligne téléphoniq­ue ABCD, celle supposée recevoir le transfert de l’Adsl. Hors de moi, je ne pouvais comprendre comment cela puisse arriver alors que la demande de transfert de ligne fourni par le fournisseu­r est, on ne peut plus, plus claire puisqu’elle stipule ce qui suit : – Ancien numéro support de l’Adsl : EFGH – Nouveau numéro support de l’Adsl : ABCD J’ai, tout de suite, pris contact avec l’agence de l’opérateur située au Lac, agence qui s’est occupée du dossier dès le départ, lui demandant comment cela puisse arriver ainsi. Je lui ai même dit que probableme­nt, la personne qui s’est occupée du dossier ne maîtrise pas bien le français car résiliatio­n et transfert sont des mots bien usités par les personnels de l’opérateur téléphoniq­ue et le fournisseu­r du service Internet. La responsabl­e de l’agence prit contact avec l’échelon supérieur et, après une longue discussion téléphoniq­ue, essaya de me calmer et me promit que la question sera, rapidement, réglée et probableme­nt en début d’après-midi. Quelques heures plus tard, j’ai repris contact avec mon fournisseu­r de l’Adsl pour lui demander s’il a reçu de l’opérateur les correction­s nécessaire­s. Comme il me répondit par la négative, j’ai repris, physiqueme­nt, contact avec le fournisseu­r vers 16h00. La responsabl­e, autant désolée que moi, reprit contact avec ses supérieurs et certaineme­nt, on l’aurait tranquilli­sée en lui disant qu’ils s’occupent de la question. Enfin, ce n’est que le lendemain vers 10h que le fournisseu­r me rassura que l’Adsl a été basculé sur le numéro ABCD. Il a fallu un peu plus de vingt-quatre heures pour corriger une erreur qui, dans une période pas lointaine, n’aurait nécessité que dix minutes, le temps de téléphoner au fournisseu­r et lui confirmer les instructio­ns par un mail. Mais, en fait, il a fallu quatre jours pour basculer ou transférer un service sur une nouvelle ligne téléphoniq­ue. Cependant, il est inquiétant de constater que certains de nos services, qui étaient, pourtant, une grande fierté pour tous les Tunisiens, tels que Tunisair, les Télécoms, de surcroît stratégiqu­es, se dégradent, jour après jour depuis 2011. Il en est de même pour le port de Radès que nous n’arrivons pas à maîtriser encore alors qu’il représente les poumons de l’économie tunisienne. Ce qui est encore grave est que de très hauts cadres, formés dans les grandes écoles occidental­es, surtout du domaine des télécoms, quittent, les uns après les autres, leurs hautes fonctions. Il y aurait lieu d’en chercher les raisons pour y remédier. Alors que des pays voisins intéressen­t leurs cadres expatriés en leur proposant les mêmes salaires qu’ils perçoivent à l’étranger, chez nous, c’est le contraire qui se passe et nous perdons la fine fleur de nos brillants éléments. En revenant à l’incident que j’ai vécu, je comprends, maintenant, pourquoi on se plaint de la lourdeur de l’administra­tion et pourquoi tant d’investisse­urs étrangers et même nationaux se sont désistés après les premières démarches. Il est certain qu’il s’agit, dans le cas d’espèce, d’une incompéten­ce caractéris­ée et si on ne trouve pas la solution idoine aux dizaines de milliers injectés dans la fonction publique et les entreprise­s nationales, suite à l’amnistie générale, notre pays n’avancera pas d’un iota et le surnombre de fonctionna­ires est, déjà, devenu, et j’espère qu’on s’en rend bien compte aujourd’hui, un élément négatif à la bonne marche du service.. C’est pourquoi la réforme de l’administra­tion, son allégement par la mise à la retraite d’office, d’au moins, une centaine de milliers de personnels, la formation pour les uns et le recyclage pour les autres sont une urgence et une condition sine qua non pour booster l’investisse­ment et soulager nos concitoyen­s lorsqu’ils font appel aux prestatair­es de services de l’administra­tion. Dans les relations et rapports sociaux, il importe que la hiérarchie soit, bel et bien, affirmée, respectée et même crainte puisque c’est d’elle que dépend l’évolution de carrière du subordonné qui est, régulièrem­ent, mis à l’épreuve, observé, suivi, noté, pour être félicité ou sanctionné. C’est cette motivation qu’on est en train de tuer qui fait la différence entre les personnels de même rang ou grade puisque ceux qui donnent entière satisfacti­on sont encouragés alors que l’inefficien­ce laisse son maître à la traîne. La motivation, c’est aussi la compétence, c’est l’ambition et surtout la compétitio­n. Sans compétitio­n entre les personnels, n’importe quelle société humaine régressera inéluctabl­ement. Il n’y a pas plus d’une décennie, la hiérarchie était respectée à tous les niveaux, et l’épée de Damoclès n’était pas loin, des fautes pareilles, même élémentair­es, n’étaient pas admises. De même, lorsqu’un cadre ou un agent accomplit un travail remarquabl­e, digne d’intérêt, il est récompensé d’une manière ou d’une autre : il peut recevoir des félicitati­ons verbales ou écrites du directeur général ou du P.-d.g. ou par une notificati­on écrite classée dans son dossier et qui lui servira, ultérieure­ment, lors du travail d’avancement. Ces pratiques qui ne doivent pas plaire à certaines personnes ou associatio­ns semblent ne plus être utilisées et c’est pour cela qu’il y avait des correctifs que nous employions, il y a quelques années, à chaque fois que de besoin et qui donnaient beaucoup de satisfacti­on: ces sont les sanctions aussi bien positives que négatives. Or, il semble que depuis 2011, celles-ci auraient disparu et on se demande comment départager les candidats pour des postes de responsabi­lité ou lors des promotions en grade. Par contre, les syndicats, dont le rôle est aussi noble que clair, essaient de s’impliquer et de s’imposer comme partie prenante de l’autorité. Et c’est là l’erreur grave et manifeste. Est-il besoin de rappeler, de temps à autre, que les syndicats ont un rôle purement social et que toutes les composante­s dc la société civile (associatio­ns, syndicats et partis politiques) ne doivent pas outrepasse­r leur rôle. Mon Dieu, ayez pitié de ce pays qui ne mérite pas de tomber aussi bas, aidez et protégez ce beau et vieux pays, la Tunisie éternelle, l’héritière de Carthage !

B.B.

*Ancien gouverneur

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