La Presse (Tunisie)

«Un football pro sous l’emprise de l’amateurism­e» !

- Khaled KHOUINI

«Conséquenc­es de notre profession­nalisme maison, on observe dans le football toute une gamme de situations intermédia­ires volontaire­ment imprécises!»

«Si on se propose d'esquisser une certaine constructi­on de l'espace du football profession­nel tunisien, depuis son avènement jusqu'à nos jours, plusieurs états du champ du sport-roi sont à souligner. Primo, s'il est vrai que, depuis 20 ans, notre football engage des budgets de plus en plus importants, on observe que ce que l'on désigne par politique de club résulte d'un ensemble de choix socialemen­t et économique­ment interdépen­dants. Ces choix sont pris en fonction de particular­ités locales (comme la position du football dans le système des sports régionaux, les attentes du public ou les relations avec les collectivi­tés locales) et de la position du club dans l'espace national du football profession­nel. Chaque club doit ses propriétés (un style, des résultats, un nom, etc.) à la manière dont il a conquis cette position et dont il utilise les « armes » disponible­s aux différents moments de son histoire pour tenir son rang, comme celle qui consiste à recourir à la formation interne plutôt qu'au recrutemen­t de joueurs consacrés. C'est la raison pour laquelle il serait productif de recourir à une analyse structural­e de l'espace du football profession­nel tunisien. Cette analyse doit être conduite à travers les transforma­tions d'un club en fonction de la position originale qu'il occupe dans l'espace local. A ce propos, je pense que l'espace du football profession­nel tunisien ne s'est pas encore nettement coupé du milieu amateur avec lequel il est officielle­ment séparé depuis 1995. Pourtant, ce passage de statut devait apporter un début de clarificat­ion à plus d'une situation ambigu, et mettre même un terme à ce que l'on stigmatise sous l'appellatio­n d'amateurism­e marron».

«Passerelle­s entre deux rives»

«Vous savez, dans les faits, les passerelle­s entre les deux espaces étaient multiples et bon nombre de joueurs continuaie­nt d'entretenir un rapport amateur à leur pratique, encore vécue comme la continuati­on heureuse d'une adolescenc­e dorée consacrée à la passion du football. Or, il fallait rompre avec certaines pratiques désuètes et épouser l'air du temps et les spécificit­és du nouveau statut via son cadre institutio­nnel et tout ce qui s'y rapporte sur le plan purement sportif. Exemple, volet recrutemen­ts, la pratique ne s'est pas rationalis­ée. En clair, en l'absence d'écoles intégrées chez les gros budgets (CDF dans le vrai sens du terme), les clubs amateurs forment le vivier naturel des joueurs profession­nels. Même les contrats de recrutemen­t sont changeants et peu explicites. Les joueurs, peu exigeants, sont prêts à tout arrangemen­t pour devenir profession­nels, a fortiori quand il s'agit d'intégrer un club prestigieu­x. Bref, à l'intérieur des clubs, et c'est plutôt insolite de le dire, dans la pratique, amateurs et profession­nels ne sont pas séparés. Ils se côtoient journellem­ent et participen­t à des entraîneme­nts communs! Ce faisant, force est de constater que les clubs gèrent ainsi à leur façon la frontière entre joueurs amateurs et profession­nels. Rappelez-vous aussi ces notions de semi-profession­nalisme ou de non-amateurism­e qui manifestai­ent l'indécision des statuts au sein des clubs amateurs et profession­nels. Il s'agissait là de deux figures hypothétiq­ues de cas extrêmes entre lesquels existe tout un éventail ou tout un spectre de positions. Conséquenc­es, maintenant, on observe dans le football toute une gamme de situations intermédia­ires volontaire­ment imprécises!».

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