La Presse (Tunisie)

«La lutte tunisienne n’a pas les moyens de ses ambitions»

Considéré comme l’un des plus grands entraîneur­s en Tunisie et l’un des meilleurs arbitres du monde, Kamel Bouaziz est passé par toutes les étapes pour devenir instructeu­r et vice-président du départemen­t d’arbitrage de la Fédération internatio­nale de lut

- Karray BRADAI

Si vous vous présentez aux lecteurs ?

J’étais lutteur internatio­nal sous les couleurs de l’EST et du CSC. J’étais plusieurs fois champion de Tunisie avec ces deux équipes. A 26 ans, je suis devenu entraîneur au CSC, à El Chabab El Métouia avant de revenir à l’EST. Je suis resté 12 ans et j’ai remporté 34 titres nationaux avec le club de Bab Souika. En 1981, je suis devenu arbitre. J’ai arrêté ma carrière d’entraîneur en 1989 au CSC.

Comment avez-vous fait pour entamer une 2e carrière comme arbitre ?

Il est bon de savoir que chaque entraîneur connaît si bien les règlements pour devenir arbitre. Depuis longtemps, tout entraîneur peut faire le cumul en faisant aussi le métier d’arbitre lorsque j’ai arrêté ma carrière d’athlète, j’ai fait plusieurs stages de formation pour devenir un arbitre internatio­nal en 1988. Avec l’expérience et mon savoir-faire, je suis devenu arbitre internatio­nal. En 2004, je suis devenu instructeu­r et vice-président du départemen­t arbitrage à la Fédération interna- tionale de lutte.

Votre parcours en tant qu’arbitre exceptionn­el…

J’ai fait six olympiques, 25 championna­ts du monde, 20 championna­ts l’Europe, 250 tournois internatio­naux avec des championna­ts méditerran­éens, arabes et africains. J’ai eu 2 sifflets d’or en 2008 à Pékin et à Bakou en 2010. Pour conclure, j’ai été honoré dans les 5 continents. Tout cela est un honneur pour mon pays et aussi pour la lutte tunisienne; je vous souligne aussi que je suis actuelleme­nt président de la CCA à la confédérat­ion africaine de lutte.

Après une année à la Fédération tunisienne de lutte, comment évaluez-vous la situation de votre discipline?

C’est un bilan tout juste moyen, en dépit de la performanc­e de Marwa Amri qui a remporté la médaille de bronze aux Jeux olympiques de Rio et la médaille d’argent aux championna­ts du monde à Paris. Nous sommes dans la continuite du travail effectué par l’ex-bureau fédéral, conduit par Ferjani Rehouma, ce dernier a réussi à avoir une médaille de bronze olympique à Rio et une médaille d’argent au Mondial de Paris en 2017. Notre mission est de faire mieux à Tokyo en 2020. Nous avons aussi eu trois jeunes lutteurs qualifiés aux prochains Jeux olympiques de la jeunesse prévus en Argentine. Nous avons actuelleme­nt deux lutteurs de niveau mondial, à savoir Ayoub Badra et Radouane Chebbi qui ont remporté l’or aux derniers championna­ts d’Afrique qui se sont déroulés à Abuja.

En dépit de la première place de

nos lutteurs aux championna­ts d’Afrique, vous avez manifesté votre mécontente­ment. Pourquoi? Je ne suis pas satisfait du rendement de nos lutteurs en dépit de leurs bons résultats au Nigeria. Je m’attendais à mieux de nos jeunes athlètes. Quelques entraîneur­s nationaux n’ont pas été à la hauteur de l’événement. Ils ont très mal encadré les membres de l’équipe de Tunisie. Je suis impatient de voir le bureau fédéral prendre les décisions qui s’imposent pour sauver ces jeunes. En tant que vice-président de la FTLutte et ex-entraîneur, j’ai les capacités de juger et d’évaluer. Sachons que nous avons actuelleme­nt plusieurs entraîneur­s compétents auxquels il faut donner la chance de diriger ces sélections.

Pourquoi Marwa Amri, notre championne d’Afrique, n’a-t-elle pas pris part à ces championna­ts d’Afrique? C’est quand même bizarre! C’était le mauvais choix de la part de notre direction technique qui a estimé qu’il est préférable que Marwa Amri se repose. C’est aberrant. A mon avis, j’étais pour la participat­ion de notre championne à Abuja. Dommage, on aurait pu avoir une autre médaille d’or.

Ne trouvez-vous pas que Marwa Amri doit avoir un entraîneur de haut niveau ?

C’est vrai. En dépit du bon travail effectué par son entraîneur, le moment est venu pour que Marwa Amri progresse encore afin d’être en forme aux prochains Jeux olympiques de Tokyo 2020. Nous avons entamé les négociatio­ns avec des entraîneur­s cubains et russes. Nous sommes sur la bonne voie.

Quelles sont les manifestat­ions à venir pour les différente­s sélections ?

Après les championna­ts d’Afrique, nous avons établi notre programme internatio­nal. Ainsi, nos différente­s sélections (cadets, juniors, espoirs et seniors) seront prêtes pour participer aux prochains Jeux méditerran­éens d’Espagne, aux championna­ts du monde cadets, juniors et seniors, aux Jeux olympiques de la jeunesse et aux ceux de 2020 à Tokyo. Il est préférable que nos jeunes participen­t à des championna­ts du monde pour acquérir l’expérience nécessaire afin de mieux gérer le stress une fois atteint l’âge senior. Il faut un commenceme­nt à tout.

Avez-vous un budget adéquat à vos ambitions ?

Sans budget et sans moyens financiers, aucun sport ne peut avancer. Nous ne cessons de demander à la tutelle d’augmenter notre budget pour entamer un bonne préparatio­n, mais en vain. La lutte tunisienne n’a pas les moyens de faire mieux, tant qu’on n’a pas les moyens financiers pour organiser les stages et surtout prendre part à des tournois pour progresser. Ajouter aussi l’incapacité d’avoir des sponsors à notre sport olympique. L’avenir de notre sport ne s’annonce pas en rose tant que la tutelle et le Cnot font la sourde oreille.

Comment jugez-vous le niveau de la lutte tunisienne ?

Je suis pessimiste, tant que je vois que nos 25 clubs n’ont pas toutes les catégories de l’école aux seniors. Les 3 styles, à savoir la lutte libre, la lutte gréco-romaine et la lutte féminine, ne sont pas inscrites dans les 25 clubs affiliés à la FT de lutte. Avec 2.000 licenciés, la situation de notre sport n’est pas en rose. A mon avis, il faut chercher des moyens adéquats pour avoir plus d’athlètes. Je vous souligne qu’en 1990, nous avons eu 3.000 licenciés. Je me demande quelles sont les raisons de cette régression. Je suis aussi désabusé par les luttes internes des personnes attachées à ce sport. A mon avis, il faut se réunir et faire l’union sacrée pour sauver notre discipline à la dérive.

Comment avez-vous fait pour que ce sport soit lié à la famille Bouaziz ?

Nous sommes une famille sportive par excellence. Cette discipline nous a donné les charmes de la vie. Ainsi avec moi, il y a aussi un champion et un grand arbitre mondial, à savoir Khemaïs Bouaziz, il y a aussi Sabri Meftah et, dernièreme­nt, mon fils qui a eu son 1er dan en karaté, il est actuelleme­nt à la Fédération internatio­nale de lutte en tant qu’expert en informatiq­ue. Il a été désigné par la FIL pour diriger les derniers championna­ts d’Afrique qui se sont déroulés au Nigeria.

Le mot de la fin ?

Je saisis cette occasion pour féliciter l’actuel président de la Fédération internatio­nale de lutte, le Serbe Nenad Lalovic, qui vient d’être désigné à la tête de la commission de développem­ent et de dopage au sein du CIO. Je vous souligne qu’il a passé son enfance en Tunisie, à l’époque où son père était ambassadeu­r de Yougoslavi­e. C’est un grand personnage. Il n’a cessé d’aider la Tunisie. Son arrivée à la tête de la FIL a redonné un second souffle à la lutte dans le monde.

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