Les briques rouges, un art qu’on garde jalousement
Thuzuros dans l’antiquité carthaginoise, la ville aux deux printemps, comme on la surnomme dans les blogosphères. Ce lot de terre entre sucré et salé, comme l’a décrit un jour un aérostier de sa montgolfière, ne peut laisser insensible non seulement à travers ses richesses touristiques qui font d’elle une destination qui bouscule les sites les plus huppés à l’autre rive de la Méditerranée, mais aussi grâce à son architecture à base de briques d’argile et qui fait sa singularité. Les importants gisements d’argile dont regorge la région ont fait la raison du choix des Tozeurois qui sauvegardent jalousement cet emblème face aux nouvelles technologies du béton. Connu pour leur porosité qui absorbe facilement les eaux pluviales et garder une note de fraîcheur, les briques rouges sont devenues un aspect architectural imposé pour bâtir. C’était en 1994, lorsque le maire de la ville, Abderrazek Chraïet, revenu de France a rendu aux briques leur titre de noblesse dans le cadre d’une campagne visant à conférer aux demeures des Tozeurois une unicité qui démarque la ville et qui saute aux yeux des visiteurs. Parmi ces nouvelles règles, le bâti ne doit pas dépasser les deux étages pour laisser voir les palmiers qui surplombent la ville et contempler le coucher du soleil. En 1995, les commerçants ont été appelés à orner leurs façades avec les fameuses briques pour une uniformité qui fait désormais le charme de l’artère prin- cipale, mais aussi de toutes les ruelles qui serpentent cette ville oasienne avec ses différentes délégations, citons la petite koufa (Nafta), célèbre avec ses coupoles blanches. Son altesse, l’argile de Tozeur, commence à faire des envieux qui ne sont pas restés insensibles à la beauté des tableaux qu’il offre et la coopération avec les Nippons a permis de mettre sur place un laboratoire d’exploration dans le cadre d’une coopération entre l’Office de développement du Sud et l’Agence nippone de développement internationale, et qui a permis d’introduire récemment une nouvelle technique de fabrication des «briques sans cuisson», offrant ainsi une valeureuse économie d’énergie. L’opportunité d’un créneau pour l’exportation est à explorer. Transmise de père en fils, la fabrication des briques est une composante indétrônable du patrimoine culturel de la région, mais, de nos jours, elle risque de perdre sa notoriété, à cause du désistement des jeunes tournés vers d’autres cieux. Les chiffres font état d’une industrie qui navigue à vue. Contrée par les innova- tions du domaine, mais tout de même à l’abri de cette vague dévastatrice grâce à la place prépondérante qu’elle occupe sur le tissu économique. Avec une production mensuelle de 560.000 pièces et 6.000 briques ordinaires par an ; mais ne répondant qu’à la moitié de la demande sans cesse grandissante d’un marché juteux qui commence à s’étendre en dehors de ces contrées, ce commerce mobilise 65 artisans exerçant dans 25 ateliers éparpillés dans les quatre coins de la ville, avec 60 fours aménagés pour la cuisson. Aujourd’hui, les briques rouges sont à la croisée des chemins à cause de cette menace de «machinaliser» la fabrication avec ces voix qui s’élèvent au nom de l’économie de l’énergie. L’ASM de Tozeur affûte déjà ses armes pour pointer en sentinelle de ces briques qui ont ensorcelé nos hôtes débarqués du Vieux continent et qui commencent à s’arracher les vieilles demeures de la Médina pour en faire un lieu de retraite paisible et que nos amis marocains commencent à nous envier.