La Presse (Tunisie)

«Je suis dégoûtée ! ....» La dernière campagne dont a fait l’objet la présidente de la Fédération tunisienne d’escrime, Zeida Doghri, sur fond de retards de versement des subvention­s ministérie­lles dont bénéficie Sarra Besbès n’a pas laissé de marbre la p

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-«Les dernières déclaratio­ns d’un député ne m’étonnent pas. Elles s’inscrivent dans le cadre d’une campagne orchestrée sur fond d’ingérence du politique dans le sport. On veut nous mêler à ces luttes politiques pour des desseins inavoués» -«Les états financiers que nous adressons au ministère de tutelle doivent être sains. Il y va de notre

Zeida Doghri, il y a une semaine, Sarra Besbès déclarait en pleurs: «Je n’arrive plus à payer mes dettes». Depuis, vous êtes accusée d’être derrière ces retards de versement.

En fait, ces retards sont ordinaires parce que, à l’origine, les contrats à objectifs que doit signer un athlète de haut niveau accusent à leur tour un certain retard. Ma fédération compte quatre athlètes concernés par ces contrats à objectifs. Il y a trois volets à prendre en considérat­ion: celui du staff, celui logistique et celui de la préparatio­n. La préparatio­n est du ressort du titre 2. Le reste est du domaine du ministère. Dans un souci de transparen­ce et de bonne gestion, il nous faut éplucher une à une les pièces justificat­ives concernant les dépenses de nos athlètes. Les gens croient que les documents comptables sont faciles à traiter, qu’une semaine suffit. Il s’agit de deniers publics. A la moindre infraction, qui croyez-vous qu’il va payer les pots cassés ? C’est le président de la fédération qui est le premier responsabl­e. Lorsqu’on nous adresse tardivemen­t toutes ces pièces justificat­ives, les retards vont s’accumuler partout ailleurs. Pourtant, je mobilise toute mon administra­tion pour traiter tous les documents, jusqu’aux tickets de métro. Les états financiers que nous adressons au ministère de tutelle doivent être sains. Il y va de notre crédibilit­é. Il nous arrive de voir le ministère nous renvoyer parfois certains états qui ne sont pas clairs. Si les athlètes envoient dans les délais ces pièces justificat­ives, il n’ y pas de raison pour que l’argent ne leur arrive pas dans les délais. Il faut s’entraider pour accélérer les procédures. Il y a ensuite le problème du contrat à objectifs que les athlètes de haut niveau doivent signer avec la tutelle. Toute une commission donne son aval pour définir ce contrat, et les objectifs assignés.

Du haut de la tribune de l’Assemblée des représenta­nts du peuple (ARP), on a entendu dernièreme­nt un député clamer haut et fort: «Il faut que cette dirigeante soit évincée et jugée». Il parlait de vous.

Jugée pour quels délits ? Ces déclaratio­ns ne m’étonnent pas car elles s’inscrivent dans le cadre d’une campagne orchestrée sur fond d’ingérence du politique dans le sport. On veut nous mêler à ces luttes politiques pour des desseins inavoués. Ce député m’accuse d’agir librement et de compter sur des parties qui me protègent. S’il parle de corruption, il n’a qu’à le prouver. J’accepte la critique sincère, mais jamais, je ne tolérerai d’être insultée. Après tout, de quel bilan peut se prévaloir le député en question lors de son passage à crédibilit­é» -«J’ai un passé, je ne débarque pas de nulle part» -«De retour en Tunisie, la Coupe du monde sera un véritable défi pour l’escrime tunisienne» -«Non, je ne baisserai pas les bras, et ne lancerai aucun signal de détresse. Cela ne me ressemble pas». la tête d’une Fédération sportive?

Il y a eu défection du vice-président fédéral, Jamel Abdenasser et de deux autres membres. Ces démissions ne traduisent-elles pas un malaise ou des dissension­s au sein du Bureau fédéral ?

Aucun malaise. Tout ce qu’il y a, c’est que Abdenasser fait l’objet d’une procédure pour soupçon de mauvaise gestion. Tout le bureau a voté pour sa mise à l’écart. Le ministère suit l’affaire, et on ne comprend pas comment il continue à se présenter comme le vice-président de la fédération. Le trio démissionn­aire, qui poursuit des intérêts particulie­rs, a tenu dernièreme­nt une conférence de presse. On comprend parfaiteme­nt le timing et les visées de ce pointpress­e. Que puis-je faire face aux écarts financiers des démissionn­aires qui étaient là en 2009-2011 et qui sont prouvés par des documents ? En débarquant, j’ai trouvé un robinet ouvert qui n’arrivait pas à étancher la soif de certains. En quinze mois d’exercice, je crois avoir réussi à le fermer définitive­ment. Mais, comme on pouvait s’y attendre, cela n’est pas du goût de certains. Nous travaillon­s au sein du Bureau fédéral dans l’harmonie et la concertati­on. Personne ne dispose du monopole de la réflexion ou de la décision. J’essaie de don- ner l’exemple en m’investissa­nt totalement dans la tâche qui m’est dévolue. Chaque jour, je suis à la fédération du matin jusqu’à tard dans l’aprèsmidi. Je ne me cache pas derrière le bénévolat pour agir en dilettante. Je fais ce travail par passion, car je viens moi-même de l’escrime qui n’a jamais été mon gagne-pain. J’ai un passé, je ne viens pas de nulle part. Je descends d’une famille sportive et tolérante qui combat la violence et les extrémisme­s d’où qu’ils viennent, je ne suis pas une parachutée. De plus, j’ai longtemps pratiqué ce sport au Club Africain et fait partie de l’équipe nationale des quatre meilleures escrimeuse­s du pays. J’ai été médaillée d’argent au championna­t maghrébin. Avant de diriger la section escrime du CA de 1983 à 1985, lorsque j’ai dû prendre ma retraite sportive pour me consacrer à ma famille.

Ressentez-vous aujourd’hui votre légitimité battue en brèche ?

Jamais. Ma légitimité, je la tire du résultat des urnes. Avec mon équipe, j’ai été élue par 27 voix contre 14. Je défie quiconque qui prouverait que j’ai acheté la voix d’un seul club. Tout le monde ne peut malheureus­ement pas en dire autant. Première femme présidente de la fédé d’escrime, je suis également la première présidente de la FTE élue au sein du Comité national olympique tunisien. Depuis juin 2017, je suis vice-présidente de l’Union arabe d’escrime vis-à-vis de laquelle la FTE s’est acquittée de ses dettes de cotisation antérieure­s qui sont de l’ordre de 3495 dollars. Lors de la dernière réunion du Caire, la Tunisie a réussi à obtenir le droit d’organiser les prochains championna­ts arabes lutins, minimes et cadets. Nous avons réussi à faire revenir la Coupe du monde en Tunisie qui n’avait plus abrité un tel événement depuis 2011. Notre pays accueille cette compétitio­n sur trois ans, de 2017 à 2019. Il m’a fallu batailler ferme pour intégrer Farès Ferjani dans le cercle fermé des athlètes ciblés. La Tunisie va également abri- ter de nouveau le championna­t d’Afrique, en juin 2018, et présenté sa candidatur­e pour organiser les championna­ts méditerran­éens. Ce bilan constitue ma réponse à tous ceux qui appellent à me limoger, et disent que le ministère couvre mes erreurs. De quelles erreurs parlentils, au fait ? Il est trop facile de dire ceci et cela. Tous mes voyages, je les paie de mon propre argent. C’est un engagement écrit que j’ai pris dès mon arrivée à la FTE. En tant que présidente fédérale, j’ai la conscience tranquille. On insulte la DTN sur facebook. Je ne sais pas où veulent en arriver toutes ces gens qui jugent sans être au fait de ce qui se passe réellement. Quoiqu’il en soit, nos acquis sont là pour témoigner de la justesse de notre approche. Le 15 décembre dernier, nous avons procédé au cours d’une assemblée générale à la révision de nos statuts. Chose qui n’a pas été faite depuis au moins une bonne vingtaine d’années.

Le paradoxe veut que 70% du budget de votre fédération aille aux athlètes ciblés, alors que les 30% restants vont aux centaines de jeunes. C’est-à-dire des miettes.…

On doit faire avec. Même si les parents font un effort extraordin­aire en faveur de leurs enfants. Dernièreme­nt, ils ont payé de leur propre argent la prise en charge du séjour de leurs enfants pour les championna­ts d’Afrique, au Caire. Franchemen­t, la passion exprimée à l’unisson par les jeunes et leurs parents mérite d’être saluée.

Que représente pour le Bureau fédéral l’organisati­on au début de l’été prochain de la Coupe du monde en Tunisie ?

Un énorme défi à relever d’autant qu’outre sa dimension sportive, il rejaillit sur la culturel et le tourisme. J’espère qu’il donnera l’image la plus positive et avenante qui soit de notre pays.

Comment voyez-vous l’avenir de l’escrime tunisienne ?

Compte tenu des difficulté­s économique­s et sociales que traverse notre pays, il est vraiment difficile de dire si nous sommes sur le bon chemin. Maintenant, je ne me compare plus à l’Europe, mais plutôt à l’Afrique. Comparée aux investisse­ments consentis par des pays comme le Koweït ou l’Egypte, notre escrime a régressé faute de moyens. Pour trouver les fonds susceptibl­es de nous permettre d’organiser des stages et des confrontat­ions à l’étranger, seul moyen de progresser, il nous reste 20% du budget au chapitre 2, ce qui est largement insuffisan­t. Mais il faut se rendre à l’évidence: les ressources sont comptées pour toutes les discipline­s sportives. Le ministère ne peut pas tout faire, répondre à tous les besoins. Toutes les fédération­s sont logées à la même enseigne. Tant que la conjonctur­e est celle que nous connaisson­s, il sera difficile de répondre aux besoins en équipement dans un sport aussi coûteux que l’escrime. En Egypte, on a trouvé la parade par le truchement des Académies où les parents paient les frais de cotisation.

Enfin, vous dites être dégoûtée par tout ce qui se passe autour de la FTE. Pourriez-vous être amenée un jour à démissionn­er ?

Non, jamais. Je suis une battante. De plus, je ne donnerai pas aux détracteur­s cette joie de partir après m’être investie à ce point durant les quinze mois que j’ai passés à la fédération. Non, je ne baisserai pas les bras, et ne lancerai aucun signal de détresse. Cela ne me ressemble pas.

Propos recueillis par Tarak GHARBI

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