La Presse (Tunisie)

Marine Le Pen veut « tuer le père »

Le parti d’extrême-droite change de nom sans changer de ligne

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AFP — Marine Le Pen veut changer le nom du Front national pour nouer des alliances, mais la ligne du parti ne dévie pas et reste orientée «à droite toute» sur la préférence nationale, rendant hypothétiq­ues d’éventuels rapprochem­ents, analysent des politologu­es. La dirigeante frontiste a proposé au congrès de sa formation samedi et avant-hier à Lille de rebaptiser le parti «Rassemblem­ent national» pour le sortir du «trou d’air» de la présidenti­elle en s’ouvrant éventuelle­ment à d’autres partis. Pourtant, le FN ressort de ce congrès «à droite toute», sur une ligne inchangée «nationale populiste», affirme le politologu­e JeanYves Camus, interrogé par l’AFP. Celle qui, comme Emmanuel Macron, vante la fin du clivage droite-gauche, a suivi un «logiciel clairement de droite» en défendant «les valeurs, la transmissi­on, le patriotism­e, l’attachemen­t charnel à la France», analyse M. Camus. Certes, la présidente du FN marche toujours «sur deux jambes», comme elle le dit souvent. A l’adresse des militants plus conservate­urs comme sa nièce Marion Maréchal-Le Pen, elle a dénoncé avant-hier une «société sans limites», en «pleine inversion des valeurs», annonçant la tenue d’un colloque pour «en finir avec mai 68».

Concilier l’inconcilia­ble

Aux partisans d’une ligne «sociale» incarnée par son ancien bras droit Florian Philippot, elle a promis de «protéger» les «plus humbles» du «déclasseme­nt programmé», de défendre les services publics et le «patriotism­e économique». «Elle est bien sur deux jambes, car il existe un volet +social+ à droite. Mais c’est un volet +social+ qui applique la discrimina­tion entre nationaux et étrangers. Ce qui n’est pas envisageab­le à gauche», explique M. Camus. Les applaudiss­ements les plus nourris, avec des militants scandant debout «on est chez nous», ont été entendus quand Marine Le Pen a lancé que «l’immigratio­n légale et illégale n’est plus tenable» et que «l’argent des Français doit d’abord revenir aux Français». Ses thèmes fédérateur­s sur la sécurité, l’immigratio­n, l’islam lui permettent de réunir des militants divisés à la perspectiv­e d’un changement de nom, validée seulement par une «courte majorité». La difficulté pour Marine Le Pen c’est de «concilier deux choses incompatib­les: attirer de nouveaux électeurs qui hésitent encore à voter FN, d’où le changement de nom, et en même temps se distinguer des autres partis politiques et donc maintenir sa radicalité», estime le sociologue Sylvain Crépon. La venue samedi au congrès du FN du sulfureux Steve Bannon, exconseill­er de Donald Trump, qui a fait huer les médias en promettant la «victoire» des populistes en Europe, a aussi semblé contredire les efforts de «dédiabolis­ation» de Marine Le Pen.

Leçons de campagne

«Pour faire oublier les aspects sulfureux du FN, le nom devrait se traduire par une réorientat­ion du programme», estime M. Crépon. «Rien ne peut changer», estime M. Camus, car ce n’est pas dans l’intérêt du FN d’abandonner la préférence nationale, sinon il «ressembler­ait comme deux gouttes d’eau aux Républicai­ns tendance Laurent Wauquiez». Le président des Républicai­ns est le grand absent du discours de Marine Le Pen, qui se veut la principale opposante à Emmanuel Macron, dont elle a fustigé «l’errance», comme celles des «migrants et (des) expatriés fiscaux». La présidente du FN a plaidé pour des alliances, mais sans annoncer de rapprochem­ent concret avec une formation ou une personnali­té précise. Son compagnon Louis Aliot, le mieux élu au parlement du parti (conseil national), admet que les alliances viendront de «la base» et pas des «états-majors». Et même si Nicolas Dupont-Aignan, l’allié de la présidenti­elle, revient, «ce n’est pas neuf et ça n’a pas permis la victoire», note M. Camus. «Je serai le militant inlassable d’une coalition qui respecte les partis mais qui ne dépende pas des partis», a déclaré hier M. Dupont-Aignan, à qui Marine Le Pen avait promis Matignon durant l’entre-deux tours de la présidenti­elle. Le politologu­e Jean-Yves Camus estime en outre qu’«aucune leçon n’a été tirée du ratage de la campagne» présidenti­elle, car ceux qui y ont participé sont soit partis, comme Florian Philippot en septembre, soit «ont été promus» comme son directeur de campagne David Rachline, entré au bureau exécutif.

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