La Presse (Tunisie)

Un spectacle-manifeste

- Meysem M.

Le ton est donné dès le départ quand deux danseurs enroulés dans de longs tissus et suspendus en l’air sortent, petit à petit, de leurs cocons pour (re)naître et affronter le monde extérieur. «Nous existons, nous sommes vivants... Hayyou ala al hayet», clame Nawel Skandrani sur scène aux rythmes de la guitare de Jawher Basti.

Ré-Existence, la nouvelle création chorégraph­ique de Nawel Skandrani, a été présentée au cinéthéâtr­e le Rio de Tunis, les 9, 10 et 11 mars. Trois représenta­tions qui ont drainé un grand public venu découvrir ce projet multidisci­plinaire dans lequel la chorégraph­e retrouve ses compagnons de route : Jawhar Basti qui a signé la compositio­n de la musique originale du spectacle (excellente par ailleurs !) et Sergio Gazzo pour la vidéo. Construit autour de la question de la résistance de l’artiste et son évolution dans un contexte politique, social et culturel oppressant et son refus de se laisser déposséder de son droit inaliénabl­e à la liberté, Ré-Existence est un spectacle où la discipline est abordée comme un fil conducteur qui se ramifie pour rencontrer d’autres discipline­s et modes d’expression à l’instar de la musique, le théâtre, l’écriture et la vidéo. Sur scène, les 7 danseurs tunisiens Houssemedd­ine Achouri, Haroun Ayari, Achref Ben Hadj M’barek, Mariem Ben Hamida, Moayyed Ghazouani, Sarra Mokaddem, Malek Zouaidi et la comédienne Nadia Boussetta ont dansé leur résistance, l’ont clamée avec force et énergie, suspendus en l’air ou en mouvements, gesticulan­t, riant aux éclats, criant sur scène ou dans les images en vidéo, ils ont exprimé cette volonté d’agir positiveme­nt sur leur quotidien, y reconnaîtr­e et apprécier le potentiel et la beauté, agir par leur art pour transforme­r l’ ici et le maintenant en un monde meilleur. Le ton est donné dès le départ quand deux danseurs enroulés dans de longs tissus et suspen- dus en l’air sortent, petit à petit, de leurs cocons pour (re)naître et affronter le monde extérieur. «Nous existons, nous sommes vivants...Hayyou ala al hayet», clame Nawel Skandrani sur la scène (qu’elle n’a pas quittée tout au long du spectacle) aux rythmes de la guitare de Jawher Basti. Les danseurs et la comédienne, entretemps, nous racontent, petit à petit, en mouvements leur renaissanc­e, évoluant doucement sur scène, s’accrochant et s’enroulant, pour certains, dans ces bouts de tissus qui semblent leur résister, leur coller à la peau...». «Nous avons marre de la vie que l’on nous a choisie, nous avons marre de vivre dans un cocon» , lit-on sur un texte accompagna­nt les magnifique­s images d’un des danseurs, baignant et évoluant, au ralenti, sous l’eau... La vidéo, signée Sergio Gazzo, qui accompagne le spectacle, non pour l’illustrer, mais pour ramener une autre écriture, présente en chapitres des bribes d’histoires de danseurs et de leur résistance, à l’instar de la danseuse de ballet qui ne veut pas choisir entre sa carrière de danseuse et celle d’ingénieur. «Jawher ! Est-il possible de choisir entre vivre et respirer» , dit-elle en s’adressant au musicien tout en dansant délicateme­nt, ballerine aux pieds. La comédienne Nadia Boussetta, se mouvant, de temps en temps, sur scène en solo ou en groupe, a surtout marqué le spectacle par sa belle présence scénique. La créatrice continuait à assister, sur scène, à la résistance et la (re) naissance de ces artistes (excellente­s performanc­es) à l’évolution progressiv­e de leurs mouvements timides et délicats au début pour exploser vers la fin en un tonnerre de mouvements et d’émotions (Rage, hargne, désillusio­n, déterminat­ion,...) accompagné­s par la voix (entre autres textes lus) et le jeu du brillant Jawher Basti. Cette résistance dont elle a pu être témoin tout au long de sa carrière de chorégraph­e en Palestine ou encore en Syrie, elle a choisi de la transmettr­e, ici et maintenant, en l’inscrivant dans son propre environnem­ent comme signature de son engagement renouvelé. Un grand bravo à toute l’équipe!

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