La Presse (Tunisie)

Entre amertume et espoir, le coeur balance

- K. J.

Petit de taille mais distinguab­le de loin grâce à ce drapeau aux couleurs de la Tunisie autour de son cou et couvrant tout son corps, ce futur médecin est descendu dans la rue pour protester, à l’instar de centaines de ses collègues, contre des décisions ministérie­lles jugées incompréhe­nsibles de par leur opposition aux normes internatio­nales de l’enseigneme­nt supérieur. Le sourire toujours aux lèvres, malgré une tension qui règne sur cette journée du lundi 12 mars 2018, lorsque l’Organisati­on tunisienne des Jeunes Médecins a décidé de manifester son ras-le-bol devant le ministère de la Santé, ce jeune étudiant en médecine de 23 ans a préféré rester à l’écart de cette énorme foule blanche, chose qui ne l’a pas empêché de converser avec quelques amis. Rêve d’enfance ou simple souhait de se lancer dans ce domaine réputé, Houssem Hammami, natif de Sfax, ayant décroché brillammen­t son baccalauré­at, a opté pour des études en médecine à Tunis. Pour lui, ce métier conservera toujours sa grandeur et sa noblesse, mais la réalité des choses le rattrape rapidement, car on le sait tous, l’image et la situation du médecin tuni- sien ne cessent de se dégrader au sein de la société. Il est, en effet, tantôt accusé d’évasion fiscale, tantôt pointé du doigt pour des erreurs profession­nelles fatales. Pourtant, ce futur médecin garde toujours l’espoir, considéran­t que les médecins tunisiens resteront une référence à l’échelle internatio­nale, leur exode massif vers l’Europe et vers d’autres puissances mondiales en témoigne. Il déplore quand même un manque d’équipement­s, de moyens et de techniques dans le secteur médical tunisien, ce qui justifie cette émigration sans précédent qui a secoué le corps des médecins. « Ce que je regrette vraiment, c’est l’état de la médecine de première ligne en Tunisie, où on peut relever d’énormes défaillanc­es, des patients dont l’état n’est pas urgent recourent directemen­t aux urgences de nos hôpitaux, ce qui rend la situation plus difficile », a-t-il expliqué. En marge de cette manifestat­ion d’envergure qui réclame notamment le maintien du diplôme national de docteur en médecine, ce jeune n’a pas caché son mécontente­ment quant aux décisions ministérie­lles, car, comme il l’explique, il n’est pas concevable qu’un étudiant en médecine n’obtienne son diplôme qu’après dix ans d’études, et ce, suite à une réforme ayant fusionné le diplôme de docteur en médecine et le diplôme de spécialité. Pour ce jeune, ce n’est qu’un droit évident, pas au point de devenir une revendicat­ion. Le regard vif, le sourire toujours affiché, ce jeune Tunisien n’a pas perdu son attention, malgré les cris assourdiss­ants de ces jeunes médecins, dont la colère est à son apogée, venus nombreux pour mettre fin à ce qu’ils ont appelé «un scandale». Il commence à s’habituer à ce genre de rassemblem­ents ; encore mieux, il est devenu l’une des figures de la lutte des jeunes médecins tunisiens grâce à ce drapeau de la Tunisie. « Ce n’est qu’un message pour dire que le médecin est un citoyen intègre oeuvrant pour le bien de son pays» , assure-t-il. Quitter la Tunisie n’est pas à son ordre du jour, et si l’opportunit­é se présente, il la saisira rien que pour perfection­ner ses connaissan­ces et ses savoirs techniques, en vue de les exploiter ultérieure­ment au profit de sa patrie. Aujourd’hui, Houssem continue sa lutte en compagnie de ses «camarades», tout en gardant l’espoir de voir tous ces problèmes résolus et de voir l’image et la situation du médecin tunisien rétablies.

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Houssem Hammami en compagnie de jeunes médecins protestata­ires

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