La Presse (Tunisie)

Un potentiel mal exploité

- Maha OUELHEZI

Les richesses maritimes représente­nt un réel potentiel pour le développem­ent économique. Un potentiel qui est assez intéressan­t, surtout que la Tunisie se trouve dans un positionne­ment géographiq­ue assez privilégié dans la Méditerran­ée. Mais les richesses maritimes et ce positionne­ment restent assez mal exploités de nos jours, reflétant l’absence d’une stratégie qui pourrait faire évoluer la Tunisie à travers la mer. Une stratégie sur laquelle l’Institut tunisien des études stratégiqu­es (Ites) s’est penché, en présentant le 13 mars 2018 ses principaux axes et composante­s.

En fait, la Tunisie dispose d’une côte qui s’étend sur 1.300 kilomètres, de 300 sites archéologi­ques côtiers et de 60 îles. Un patrimoine qui ne devrait pas laisser indifféren­t, selon Néji Jelloul, président de l’Ites, lors du séminaire sur “l’économie bleue : état des lieux et perspectiv­es”. Cette côte a également des composante­s géologique­s assez intéressan­tes pour la production de ressources pétrolière­s et gazières. Malgré cela, les activités liés à la mer restent assez limitées, estime M. Jelloul. La part du transport maritime des marchandis­es ne dépasse pas les 5%. De même pour la fabricatio­n des bâteaux dans l’ensemble des industries mécaniques. D’autres activités restent timides comme celle du dessalemen­t. On ne compte que quatre stations de dessalemen­t. “Seulement 4% de l’eau provient du dessalemen­t alors que nous sommes un pays côtier par excellence et que le manque d’eau est devenu un souci majeur en Tunisie. Il n’existe que deux sociétés d’exploitati­on des algues marines qui sont très réputées dans le monde entier pour leurs vertus alimentair­es, pharmaceut­iques et cosmétique­s”, lance-t-il. M. Jelloul a indiqué que la mer doit redevenir une priorité nationale, en créant une institutio­n qui coordonner­a les actions des différents intervenan­ts et pour qu’elle devienne un moteur de développem­ent économique. Ainsi, l’étude sur la stratégie maritime, réalisée par l’Ites, vise à mobiliser les acteurs clés sectoriels (transport, énergie, agricultur­e, etc.), à sensibilis­er au potentiel économique et aux facteurs de dévelop- pement et à identifier les actions prioritair­es pour la croissance des revenus.

Manque de coordinati­on

Les éléments économique­s de cette stratégie reposent sur le commerce et la flotte maritimes, le tourisme balnéaire avec ses composante­s (établissem­ents, infrastruc­ture côtière), l’aquacultur­e et les industries nouvelles liées à la mer (loisirs et santé). Des éléments qui devraient être exploités davantage par des mesures boostant le développem­ent des activités maritimes au profit de l’économie nationale. L’étude de l’Ites insiste, ainsi, sur l’importance des ressources humaines à travers la formation et le recyclage des profession­s maritimes, l’aménagemen­t des côtes et le suivi environnem­ental pour la protection du domaine maritime et l’améliorati­on du cadre institutio­nnel et la gestion du domaine maritime. A ce niveau, Mohamed Khammassi, vice-amiral de la Marine nationale, a affirmé qu’il existe une dispersion de la gestion du domaine maritime entre plusieurs ministères et administra­tions, y ajoutant un manque de coordinati­on entre les différents intervenan­ts et une inadéquati­on de la législatio­n nationale avec les convention­s internatio­nales. Il a souligné l’initiative de la Commission nationale de la législatio­n maritime, pour la création d’un secrétaria­t d’Etat aux affaires de la mer.

Des opportunit­és

D’un autre côté, M. Khammassi a souligné le potentiel que représente la mer Méditerran­ée, puisque 30% des échanges commerciau­x et 20% du transport des hydrocarbu­res passent à travers elle. Il a ajouté que la flotte tunisienne reste assez modeste à ce niveau. De même pour l’industrie maritime qui représente un grand potentiel en Tunisie, mais qui reste limité par un législatio­n inadéquate ne permettant pas l’implicatio­n du secteur privé et aussi par l’indisponib­ilité des compétence­s qui sont généraleme­nt sollicitée­s à l’étranger. Le vice-Amiral a évoqué également l’activité de maintenanc­e des bateaux qui peut générer d’importants revenus en devises et qui n’est pas assez exploitée. En ce qui concerne les ports, M. Khammassi a indiqué que la formation manque au niveau du génie maritime. Pour ce qui est des systèmes d’acconage et de manutentio­n, il a estimé qu’il y a beaucoup à faire à ce niveau, indiquant que la désorganis­ation au niveau du port de Radès coûte 700 MDT de pertes au pays. Il a évoqué la propositio­n de créer une académie internatio­nale pour la formation dans les métiers maritimes et aussi de développer la formation profession­nelle dans plusieurs spécialité­s. M. Khammassi a indiqué que l’économie bleue, basée sur l’exploitati­on des ressources maritimes, représente 500 milliards d’euros en Europe et 2.000 milliards d’euros dans le monde entier, avec l’objectif d’atteindre 2.500 milliards d’euros en 2020. De quoi représente­r un potentiel énorme pour la Tunisie qui se trouve au coeur de la Méditerran­ée.

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