La Presse (Tunisie)

Bagdad lève son blocus aérien

Les aéroports d’Erbil et de Souleimani­yeh, dans le nord du pays, étaient «de nouveau ouverts aux vols internatio­naux », annonce le Premier ministre irakien dans un communiqué

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AFP — Bagdad a levé hier le blocus aérien qu’il imposait depuis près de six mois au Kurdistan irakien en réaction à un référendum d’indépendan­ce jugé «illégal», après avoir obtenu de reprendre le contrôle sécuritair­e des deux aéroports de la région autonome. Le Premier ministre irakien Haider al-Abadi a annoncé dans un communiqué que les aéroports d’Erbil et de Souleimani­yeh, dans le nord du pays, étaient «de nouveau ouverts aux vols internatio­naux». Et ce, «après que les autorités locales du Kurdistan ont accepté que les autorités centrales reprennent le contrôle des deux aéroports», explique-t-il. «La levée du blocus sera mise en applicatio­n durant les prochains jours», a indiqué à l’AFP Saad alHadithi, porte-parole du bureau du Premier ministre Abadi. «Cela dépendra du temps qu’il faudra pour que les employés dépendant du gouverneme­nt central commencent à travailler dans les aéroports», a-t-il ajouté. Ces derniers «seront directemen­t liés au gouverneme­nt central et travailler­ont sous sa surveillan­ce et son patronage», a-t-il encore précisé.

« Sécurité et passeports » confiés à Bagdad

Fin septembre, après la tenue d’un référendum d’indépendan­ce organisé par Erbil, la capitale de la région autonome, contre l’avis de Bagdad, les autorités centrales irakiennes avaient exigé de reprendre la main sur les aéroports et les poste-frontières situés au Kurdistan. Elles avaient également envoyé leurs troupes reprendre des zones disputées entre les Kurdes et Bagdad où les combattant­s kurdes s’étaient déployés au fil des années, notamment à la faveur du chaos créé en 2014 par la percée du groupe jihadiste Etat islamique (EI). Le Kurdistan irakien avait ainsi perdu les précieuses ressources pétrolière­s de la province de Kirkouk (nord). Bagdad réclamait depuis aux autorités du Kurdistan de reprendre la main sur le contrôle des passeports et permis de séjour dans les aéroports ainsi que sur les questions douanières. Erbil avait déjà cédé sur ces points et la présence de membres des forces de sécurité du gouverneme­nt central dans les aéroports du Kurdistan était la dernière pierre d’achoppemen­t, expliquait un responsabl­e à l’AFP fin février, lorsque le blocus avait été prolongé de trois mois. Sous le couvert de l’anonymat, un haut responsabl­e kurde a confirmé à l’AFP que M. Abadi avait rencontré hier une délégation kurde et que les deux parties s’étaient mises d’accord pour que «les domaines de la sécurité et des passeports soient gérés de la même façon que dans les autres aéroports d’Irak», c’est-à-dire, confiés aux autorités centrales. Depuis le début du blocus, tous les vols du Kurdistan vers l’étranger transitent par Bagdad et les étrangers se rendant au Kurdistan doivent solliciter un visa auprès des autorités fédérales,ce qui n’était pas le cas avant.

Bras de fer politique

Bagdad et Erbil s’étaient engagés avec le référendum d’autodéterm­ination tenu le 25 septembre et largement remporté par le «oui» à l’indépendan­ce, dans un bras de fer politique et territoria­l. La dernière étape remonte au 3 mars, lorsque le Parlement irakien a approuvé le budget 2018 en l’absence des députés kurdes qui boycottaie­nt la séance pour protester contre la réduction sérieuse de la part accordée à leur gouverneme­nt autonome. Elle est passée de 17% à 12,6% du budget. Selon l’article 9 de la Constituti­on irakienne, elle est désormais «basée sur la population dans chaque province», alors qu’avant, elle avait été fixée unilatéral­ement par le gouverneme­nt dirigé par l’ex-Premier ministre Nouri al-Maliki afin de s’attirer les bonnes grâces des Kurdes. En outre, la loi budgétaire prévoit que «le gouverneme­nt autonome du Kurdistan doit exporter 250.000 barils par jour des champs pétrolifèr­es se trouvant sur son territoire par le biais de la Somo (l’agence étatique chargée de la commercial­isation du pétrole irakien) et l’argent doit être versé au budget fédéral». «Si le Kurdistan ne le verse pas, le ministère des Finances le retrancher­a du budget qui lui est alloué», est-il ajouté. Le président du Parlement Salim al-Joubouri avait alors indiqué que ce nouveau budget réglait «le contentieu­x des salaires des fonctionna­ires du Kurdistan ainsi que des peshmergas (combattant­s kurdes)». Le gouverneme­nt à Bagdad va dorénavant prendre en charge ces salaires qui n’étaient plus payés depuis des mois par Erbil. Pour le faire, Bagdad a réclamé un audit sur le nombre réel de fonctionna­ires employés au Kurdistan.

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