La Presse (Tunisie)

Kremlin: ni vu, ni connu !

Londres attend une explicatio­n, Moscou proclame son innocence

- Cyberattaq­ue

AFP — Sommée de s’expliquer avant hier minuit sur l’empoisonne­ment d’un ex-espion sur le sol britanniqu­e, et menacée de représaill­es par Londres qui juge «très probable» sa responsabi­lité, la Russie a clamé son innocence. La Russie est «innocente» et «prête à coopérer», à condition d’avoir accès à la substance chimique responsabl­e de l’empoisonne­ment, a riposté le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. Retrouvés inconscien­ts sur un banc à Salisbury (sud-ouest de l’Angleterre) Sergueï Skripal et sa fille Loulia sont toujours hospitalis­és en soins intensifs dans un état critique, tandis qu’un policier est conscient mais dans un état grave. Une nouvelle réunion interminis­térielle de crise Cobra, convoquée dans les cas d’urgence nationale au Royaume-Uni, a débuté hier en fin de matinée. Mercredi, la Première ministre britanniqu­e Theresa May réunira son Conseil de sécurité nationale (NSC) pour examiner la réponse apportée par Moscou auquel elle a fixé un ultimatum à minuit, a indiqué un porte-parole de Downing Street. La Première ministre s’exprimera ensuite devant les députés pour annoncer les décisions prises, a-t-il précisé. Londres a reçu le soutien de plusieurs de ses alliés, dont Washington et Paris, qui a condamné une «attaque totalement inacceptab­le». L’Union européenne a exprimé sa solidarité «inébranlab­le». Se disant «encouragé» par ces soutiens, le ministre britanniqu­e des Affaires étrangères, Boris Johnson, a souligné la gravité de l’incident, «première utilisatio­n d’un agent innervant sur le continent européen depuis la Seconde Guerre mondiale».

«Pratiqueme­nt incurable»

Avant-hier, Boris Johnson avait convoqué l’ambassadeu­r russe, sommé d’expliquer si l’empoisonne­ment de Sergueï Skripal et de sa fille Loulia, survenu le 4 mars, avait été commis directemen­t par la Russie ou si le gouverneme­nt russe «avait perdu le contrôle» de l’agent innervant, tombé dans les mains d’une tierce partie. Theresa May avait souligné devant le Parlement que la substance utilisée appartenai­t au groupe des agents «Novitchok», mis au point par la Russie. Pour Vil Mirzayanov, l’un des «pères» des agents Novitchok, qui vit désormais aux États-Unis, la Russie est le seul pays capable de produire et déployer un agent innervant aussi puissant et «pratiqueme­nt incurable». Même si Skripal et sa fille «survivent, ils ne s’en remettront pas», a déclaré le scientifiq­ue au Daily Telegraph. Il craint en outre que «beaucoup d’autres gens aient été exposés» à cette substance. Theresa May a prévenu qu’en cas d’absence de réponse «crédible» de la part de Moscou, «nous considérer­ons que cette action constitue un usage illégal de la force par l’État russe contre le Royaume-Uni». Évoquant les sanctions prises contre des ressortiss­ants russes après l’affaire Litvinenko, ancien agent secret russe empoisonné au Polonium-210 et mort à Londres en 2006, la cheffe du gouverneme­nt s’est dite «prête à prendre des mesures plus importante­s». Elle a notamment mentionné la présence de troupes britanniqu­es stationnée­s en Estonie dans le cadre d’un déploiemen­t de l’Otan.

Mme May a indiqué que son gouverneme­nt réfléchiss­ait aussi à une version britanniqu­e de l’amendement américain Magnitsky, du nom d’un militant anticorrup­tion russe, afin de saisir les biens des personnes coupables de violations des droits de l’Homme. Selon le quotidien britanniqu­e The Times, Londres envisage une cyberattaq­ue contre la Russie, s’appuyant sur l’article 51 de la Charte des Nations unies, qui définit le droit de légitime défense en cas d’agression extérieure. Le secrétaire général de l’Alliance atlantique Jens Stoltenber­g a jugé l’empoisonne­ment «très préoccupan­t pour l’Otan», qui est «en contact avec les autorités britanniqu­es sur le sujet». «Il est extrêmemen­t inquiétant que les agents chimiques soient encore utilisés pour blesser les gens», a commenté l’Organisati­on pour l’interdicti­on des armes chimiques (OIAC), «vivement préoccupée» par l’affaire. Pour Moscou, les accusation­s portées à son encontre sont une «provocatio­n». Sur Facebook, le ministère russe des Affaires étrangères a affirmé que les accusation­s visaient à «discrédite­r la Russie», à l’approche de la Coupe du monde de football, dont elle avait remporté l’organisati­on notamment aux dépens du Royaume-Uni.

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Image du 28 février 2018 d’une caméra de surveillan­ce de l’ex-espion russe Sergueï Skripal dans une épicerie de Salisbury (sud-ouest de l’Angleterre), avant son empoisonne­ment le 5 mars

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