Est-ce le renouveau des métiers d’art en Tunisie ?
Les métiers d’art, en Tunisie, reprennent du poil de la bête. Les productions artisanales s’activent dans les ateliers, se remettent en valeur dans les boutiques richement achalandées, sont au rendez-vous de la diffusion internationale de vente dans les salons, les clips, la publicité. L’Etat se réorganise dans le chapitre de ces «métiers» — à travers l’Office national de l’artisanat et même des structures privées qui demandent une aide au développement pour leurs infrastructures —, afin qu’ils retrouvent leurs lettres de noblesse. La tapisserie (nous en parlions dernièrement dans notre Chronique du Rêvoir in La Presse Magazine) et les arts du feu (céramique, émail, ferronnerie), la mosaïque, le tissage, le macramé, le mobilier, les produits nattiers, l’argent, l’or, la chéchia, le couffin et que sais-je encore ! On a enfin compris, depuis que la galère tunisienne commence à faire naufrage face à la corruption et aux effets pervers de la mondialisation où tout devient «importable», que la meilleure façon de nous en sortir est un retour à «la civilisation artisanale» tellement niée ou reniée encore par les adeptes (véreux et sans scrupules) d’un «modernisme» étriqué qui ne nous sied pas et qui nuit à notre balance commerciale, mise à l’épreuve depuis sept ans déjà ! Les métiers d’art revisités de la sorte —on les voit, presque quotidiennement, sur nos chaînes satellitaires— étaient des domaines qui demeuraient hier encore, complexes, populeux (bons pour les touristes!) mais qui redeviennent éminemment dynamiques dès qu’on les revisite. D’ailleurs, aujourd’hui, la frontière entre l’art et l’artisanat est tellement fragile du point de vue des qualités plastiques —l’art moderne exploitant celui des métiers sans vergogne, comme il le fait à travers la photographie— que l’on se demande en quoi il peut être majeur, indépendant et, surtout pourquoi si coûteux et non coté sur le marché national ou international! Nous évoquions, à travers l’expression de «Civilisation artisanale», le regretté professeur Salah-Eddine Tlalti qui, dans «La Presse» du 29 novembre 1966, attirait déjà l’attention de nos lecteurs et des responsables d’alors, pour se pencher sérieusement sur ces métiers d’art. Quelques propos que voici : «Tout un art de vivre, une conception de l’existence, une préhension du monde extérieur et intérieur, toutes les nervures et les ramifications de l’humain qu’implique une civilisation (et qui) peuvent se trouver décantés en toute simplicité dans le plus modeste objet artisanal, comme l’arbre dans ses fleurs et la mer dans ses galets, lorsque l’artisanat, comme en Tunisie, plonge ses racines profondes dans un humus millénaire». Et d’ajouter : «Nos réalisations artisanales sont, pour nous, plus qu’un document sur une évolution passée : un fragment vivant d’un mode de vie présent, d’une civilisation qui a formé et qui forme encore un tout cohérent». Et, à ce propos, pourquoi ne pas créer une guilde de ces nouveaux compagnons des métiers d’art qui prolifèrent comme des fleurs de printemps, dans toutes nos régions ? Et une Version-tunisienne (V-T#) comme vitrine à l’étranger. Cela ferait vivre dignement des milliers de familles liées à nos riches artisanats. Comptons sur nous-mêmes pour ne pas tomber dans le panneau de la dépendance…