Privatiser un moyen, non une fin
Le bras de fer entre ceux qui poussent vers la privatisation des entreprises publiques du secteur concurrentiel et ceux qui s’opposent à cette perspective devient de plus en plus prononcé et plus sérieux. Les premiers soutiennent qu’il faudrait privatiser toutes ces entreprises dudit secteur, les seconds qu’il faudrait les maintenir dans ce statut mais les remettre sur pied. La montée au créneau de la centrale syndicale des travailleurs (Ugtt) laisse penser que la partie pourrait chauffer encore plus ; ce qui aurait pour, entre autres conséquences, de freiner un tant soit peu le règlement du dossier ô combien épineux et brûlant des entreprises publiques.
Un dossier qui n’est pourtant que la partie apparente de l’iceberg du démantèlement planifié de tout ce qui est public et qui a participé à affaiblir considérablement l’Etat, ainsi que notre capital humain (chômage, démotivation, fuite des cerveaux, etc.) et poussé l’économie du pays dans les bras de l’informel, de la contrebande, de la corruption, de l’affairisme, etc. La troisième voie, celle consistant à employer la méthode du « cas par cas », ainsi que des mécanismes pouvant déboucher sur l’initiative privée encadrée et sécurisée (essaimage, par exemple) semble la plus indiquée pour résoudre le problème. Elle reste cependant délaissée pour le moment car le différend entre le gouvernement et l’Ugtt sur ce point bien précis est devenu réel. Le contribuable privé, sous la houlette de la centrale patronale (Utica), s’étant rangé, lui, du côté de ceux qui poussent vers la privatisation de toutes les entreprises privées du secteur concurrentiel, personne ne semble, à notre humble avis, se soucier de l’avis du reste de la population encore moins de celui des générations futures. Le bras de fer cité les a tout simplement marginalisées. Tout porte à croire, pourtant, qu’une bonne partie de notre bon peuple ne connaît rien du dossier en question, sachant aussi que ses représentants ne se sont pas encore manifestés, à ce que nous sachons d’une manière bien visible dans le débat autour de ce problème devenu crucial.
Les dépenses qu’occasionnent les entreprises publiques en difficulté et qui s’élèvent à des centaines de millions de dinars chaque année(le déficit ayant atteint les six milliards de dinars) sont pourtant en train de « détourner » des sommes consistantes, qui auraient pu financer des projets de développement, aussi bien au profit de la population actuelle qu’à celui des générations futures. La situation n’admet plus les discussions byzantines. Il faudrait, donc, trancher et agir sans plus tarder. La méthode du « cas par cas » semble la plus indiquée afin d’éviter d’éventuels abus. Elle doit cependant avoir pour principe directeur la remise sur pied des entreprises qui resteront publiques, en les débarrassant de tout ce qui pourrait entraver leur rentabilisation. Impossible, donc, de rester dans la culture des droits acquis (y compris celui d’exiger l’embauche des enfants au départ à la retraite des parents), du flou, du copinage, du tribalisme (traditionnel et moderne), du régionalisme. La vocation première d’une entreprise étant de créer des richesses et de devenir rentable tout en étant socialement responsable. Le management participatif (décisions, résultats et pourquoi pas capital) devant devenir la règle. Ce qui n’est pas évident car les mentalités sont sclérosées et elles se barricadent derrière une solidarité à sens unique (d’esprit de corps) et non en faveur de la pérennité de l’entreprise, avec pour arrière- plan la fameuse et ô combien pernicieuse formule magique de « l’Etatprovidence ». Quant aux entreprises opérant dans le stratégique, elles doivent subir une véritable restructuration avec une focalisation sur le coeur de métier, ce qui impliquerait l’externalisation des tâches qui ne font pas partie de sa vocation première. Cette dernière opération devant être étudiée et transparente. Elles doivent aussi adopter les méthodes de gestion pour les résultats (celles par objectifs étant devenues obsolètes), car il est inadmissible qu’elles continuent à faire payer à ses clients ses mauvaises performances, y compris le coût de la non-qualité et celui des éventuels dommages qu’elles pourraient leur faire subir. Même le rôle social que ces entreprises sont appelées à jouer doit être repensé dans un sens qui ne lèserait aucune partie. Du côté, d’abord, des produits ou des services offerts aux clients et nécessitant des compensations publiques (l’exemple de l’eau, l’énergie, les abonnements scolaires dans les transports publics, etc.). Ensuite, en ce qui concerne les grèves du personnel desdites entreprises. Il n’est plus question que les clients se voient obligés de subir les conséquences de ces mouvements sociaux. Ou l’on est un Etat ou on ne l’est pas.