La Presse (Tunisie)

« Crise à l’IVD : les erreurs sont partagées »

Messaoud Romdhani préside le Forum tunisien pour les droits économique­s et sociaux (Ftdes) : une organisati­on qui, en 2015, a présenté à l’IVD, en partenaria­t avec Avocats sans frontières (ASF), le dossier de Kasserine « région victime ». L’ONG fait égale

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Messaoud Romdhani préside le Forum tunisien pour les droits économique­s et sociaux (Ftdes) : une organisati­on qui, en 2015, a présenté à l’IVD, en partenaria­t avec Avocats sans frontières (ASF), le dossier de Kasserine « région victime ». L’ONG fait également partie de la coalition de la société civile qui s’est opposée à la loi sur la réconcilia­tion administra­tive.

Pensez-vous que la justice transition­nelle soit en péril aujourd’hui, à la suite du vote négatif de l’ARP du 26 mars ?

En effet, le processus est dans l’impasse pour cause de déficit de volonté politique. Les anciens revenant en force au pouvoir, ont jalonné les travaux de l’IVD d’entraves de toutes sortes, du côté des ministères de la Défense, de l’Intérieur, de la présidence du gouverneme­nt... Les portes se sont fermées devant elle. Autour du sujet de la justice transition­nelle, c’est le compromis entre Nida Tounes et Ennahdha qui semble dominer, au détriment du reste et au point de probableme­nt sacrifier prochainem­ent Sihem Ben Sedrine. Mais les responsabi­lités sont partagées. Des fautes impardonna­bles ont également été commises par l’IVD. Dès le départ, la majorité de l’époque a formé une Instance sur des bases partisanes. Dans une première étape, des réparation­s et des compensati­ons financière­s ont primé sur le dévoilemen­t de la vérité. On a pâti dès le début de l’absence de personnes vraiment indépendan­tes au sein de l’IVD. Il fallait choisir une présidence au-dessus des intérêts partisans et de tout soupçon. Malheureus­ement, ce n’est pas le cas. Nous avons vu Mme Sihem Ben Sedrine se rapprocher par le passé des Ligues de protection de la révolution, des milices connues pour leur proximité avec Ennahdha. Elle a par la suite multiplié les couacs et les erreurs, comme lorsqu’elle s’est précipitée munie de camions pour faire déménager les archives de la présidence, ou lorsqu’elle a refusé d’obtempérer aux injonction­s du Tribunal administra­tif. Résultat : aujourd’hui, il n’y a pratiqueme­nt plus d’opinion publique qui soit prête à soutenir l’Instance et sa présidente.

Quels sont les scénarios possibles à votre avis pour sortir de la crise actuelle ?

Trois scénarios sont envisageab­les. Primo, que l’IVD outrepasse la décision de l’ARP une fois son mandat fini le 31 mai prochain et continue à travailler contre la volonté des autorités. Secundo, qu’une interventi­on de force ait lieu pour faire plier l’IVD, dont le fonctionne­ment s’avère « illégal » pour les autorités audelà du 31 mai. Tertio, qu’une autre alternativ­e soit trouvée par Ennahda, Nida et d’autres formations politiques autour de la justice transition­nelle et pour procé- der à un nouveau partage partisan de la commission Vérité. Or, aucun de ces scénarios ne semble approprié pour résoudre les problèmes actuels.

Que peut faire la société civile pour dépasser cette situation de crise ?

Ce processus, auquel nous croyons fermement, ne doit pas s’arrêter. C’est vraiment vital. La Révolution n’aurait point de sens sans une justice transition­nelle, qui soit au-dessus de l’esprit de vindicte mais qui appelle plutôt au pardon. A condition bien sûr que les personnes responsabl­es des cas de torture et de violations des droits de l’homme reconnaiss­ent leurs crimes. L’objectif final étant que ce système ne se renouvelle pas dans le futur. Jusqu’à aujourd’hui, nous n’avons pas au Forum une idée claire concernant l’avenir de l’IVD. C’est pour cette raison que nous avons réuni avant-hier une grande partie de la société civile afin d’entamer un débat franc et transparen­t sur ce sujet, loin des considérat­ions partiales et partisanes.

Propos recueillis par Olfa BELHASSINE

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