La Presse (Tunisie)

Le parcours du combattant

Emporté dans la tourmente des formalités administra­tives, l’homme, au bord de la faillite, se sent seul et est menacé de saisie de ses biens.

- Hafedh TRABELSI

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le nombre d’unités industriel­les dans le gouvernora­t de Gafsa a connu une croissance remarquabl­e après les émeutes du bassin minier en 2008, permettant d’absorber un tant soit peu la crise aiguë du chômage dans ces contrées. Mais au grand dam de ceux qui ont osé s’aventurer dans l’entreprene­uriat après le 14 janvier, la révolution a ralenti le développem­ent du tissu industriel et a avorté l’éclosion de beaucoup de foyers d’investisse­ment pour diverses raisons, découragea­nt les plus audacieux. Parmi lesquels, l’on cite Med Rachad Belkhadi dont le calvaire perdure depuis 2009. Ce retraité de la SRTG a cru qu’on allait lui dérouler le tapis rouge en plongeant dans le rêve de créer un projet et pas n’importe lequel. Il s’agit d’un groupement poulailler équipé d’un matériel high tech. Ce qu’il endure depuis que cette idée a germé dans sa tête mérite qu’on s’y arrête avec une multitude d’interrogat­ions. Père de 3 enfants, tous chômeurs après avoir passé des années sur les bancs des université­s et obtenu leur diplôme, il a espéré leur léguer un bien consistant et durable par ces temps durs, avec l’opportunit­é d’embaucher 50 personnes parmi les vétérinair­es, ingénieurs agronomes et technicien­s de maintenanc­e. Bref, son rêve pieux est en train de partir en fumée pour ne pas dire se transforme­r en cauchemar. Un cauchemar qui a commencé il y a 8 ans lorsqu’il a déposé une pile de papiers pour fonder une Sarl avec un capital de 670 mille dinars sur son propre terrain de 4,5 ha sis dans la délégation de Gafsa-Nord. Ce projet est destiné à ravitaille­r le marché local dans une première étape pour s’étendre ensuite aux régions limitrophe­s. A l’heure où nous l’avions rencontré, il a dépensé 2,5 millions de dinars pour bâtir l’espace de ponte et acquérir le matériel grâce à des prêts bancaires. Et comme il n’a pas fait les choses à moitié, il s’est doté de machines modernes qu’il a importées d’Espagne et qui ont été installées par le vendeur espagnol. Jusque-là, tout a fonctionné comme l’a souhaité notre interlocut­eur, mais voyons l’état des lieux au moment où nous nous sommes rendus chez lui. « Les travaux de constructi­on du groupement se sont achevés en 2012. En 2014, j’ai déposé une demande pour l’obtention d’un prêt complément­aire auprès de la banque des PME d’un montant de 287 mille dinars afin de pouvoir démarrer la production. J’ai essuyé un refus catégoriqu­e. Entre-temps, j’étais contraint de rembourser d’autres prêts avec une échéance mensuelle de 50 mille dinars et cela sans que le projet soit rentabilis­é. Je crois avoir compris que des tiers ne veulent pas de ce projet et font tout pour le faire avorter. La tendance est que Gafsa reste une région de consommati­on. En moyenne, une trentaine de camions livreurs de différents fournisseu­rs déversent quotidienn­ement sur le marché local les produits avicoles et dérivés. Je me suis adressé aux ministères de l’Agricultur­e, de l’Industrie et aux responsabl­es régionaux, y compris les structures d’investisse­ment à Gafsa. Peine perdue, aucun n’a daigné me tendre la perche ni même m’expliquer le « pourquoi » de ce blocage. Ma bouée de sauvetage reste le chef du gouverneme­nt auquel je lance un SOS». Emporté par la tourmente des formalités administra­tives dans notre pays, l’homme, au bord de la faillite et qui se sent seul, est menacé de saisie de ses biens. Le Frdcm, le pôle de développem­ent seront- ils en mesure de lui apporter une réponse convaincan­te à ses requêtes ? C’est tout le mal qu’on lui souhaite…

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