La musique transforme la jeunesse tunisienne
Tunisia 88 (en référence aux 88 touches du clavier d’un piano) repose sur la conviction que la musique cultive le respect pour la différence et qu’elle peut être une fenêtre sur le monde.
Pour fêter le deuxième anniversaire de Tunisia 88, 120 lycéennes et lycéens, membres des clubs de musique de Tunisia 88 de 20 gouvernorats différents sont venus à Tunis pour participer à des formations et à trois événements publics au Centre culturel Mahmoud-Messaâdi et au Théâtre municipal. Concernant trois jours d’événements, Ulrich H. Brunnhuber, stratège en chef du projet Tunisia 88, Saxophoniste et représentant de la Banque européenne d’investissement (BEI), banque de l’Union européenne à Tunis, qui soutient le projet depuis sa naissance, constate : «Tunisia 88, c’est bien plus que jouer des concerts dans des lycées et créer des clubs de musique, c’est la création de toute une communauté de jeunes à travers les réseaux sociaux. Je peux vous dire que tous les membres de Tunisia 88 se connaissent entre eux aujourd’hui. Et là, je parle de centaines ! Donc, nous avons commencé ce projet avec un élément de durabilité. L’élément le plus important est la création d’une vision sur le long terme, pour que les clubs continuent à exister et que les clubs agissent et interagissent. Ils réalisent des actions dans leurs communautés respectives et interagissent avec les autres clubs. C’est fondamental. Particulièrement, lors des événements nationaux où, pour la cinquième fois maintenant, nous amenons les élèves de tout le pays pour quelques jours de formation au leadership, à la créativité, etc., ici à Tunis. Cela va, systématiquement, vers un impact plus durable et plus pérenne où la musique partagée est l‘outil d’inclusion et engendre une véritable transformation» . Après avoir visionné le documentaire diffusé le 22 mars, sur le résumé de la première année du projet et après avoir assisté au concert présenté le 23 mars au Centre culturel Mahmoud-Messaâdi, on peut comprendre pourquoi M. Brunnhuber a dit cela. Le documentaire commence par une intervention du fondateur du projet et pianiste américain, Kimball Gallagher, qui décrit son expérience depuis son premier voyage en Tunisie en 2007. On continue avec le président de l’Association action et développement solidaire, Radhi Meddeb, et la jeune femme de Gafsa qui a créé la structure des clubs, Nesrine Mbarek. Tout au long du documentaire, on voit défiler des images magnifiques des paysages de Tunisie, de la côte de Haouaria, de la table de Jurgurtha, de la mer entre Kerkennah et Sfax, des visages des étudiants pendant les concerts et lors des moments de découverte et de réflexion sur les avantages d’être un membre d’un club. On fait la connaissance de toute l’équipe de Tunisia 88 et on comprend l’essence de ce projet. Le réalisateur Waheb Chargui a dit : «Je crois en une musique, je crois en un cinéma qui ne peuvent être qu’une langue universelle. Tunisia 88 est un documentaire issu d’un mariage d’image et de musique. La beauté de ce film réside dans l’apport de quelque chose de différent». Ce documentaire est accessible librement sur la chaîne Tunisia 88 sur Youtube. Le concert du 23 mars est riche en péripéties : le choeur de Tunisia 88, dirigé par Nour Houda Koubaâ, a chanté Quand on n’a que l’amour en français, White Rainbow en anglais, et Magalinzoula (Togo), une chanson africaine. A la fin du concert, dirigé par Khaled Doudech et Mejdi Daoud, inspecteur de musique et point focal au ministère de l’Education pour Tunisia 88, le choeur a chanté des chansons arabes, Lamouni Illy Gharou Menny, Samra Ya Samra, Kwatani, Hethi Ghoneya Jdida et Ya Bledi chantée par Nour Arjoun et accompagnée par Selim Arjoun au piano. Grâce au soutien de la Bulgarie, assurant actuellement la présidence du conseil de l’Union européenne, les membres de Tunisia 88 ont accueilli cinq musiciens, étudiants bulgares de l’Ecole nationale des arts folkloriques “Phillipe Koutev” de la ville de Kotel dans les montagnes bulgares. Un accordéoniste, une chanteuse, un danseur et des musiciens jouant d’instruments traditionnels de Bulgarie, le gadulka et la kaval, ont passé trois jours avec les jeunes de Tunisia 88. Au bout de trois jours de formation, plusieurs membres des clubs de Tunisia 88 ont appris à danser et à chanter en bulgare. Les musiciens de Bulgarie ont rejoint le choeur de Tunisia 88 pour des chansons arabes aussi. Pour l’ambassadeur de Bulgarie, S.E. Slavena Gergova «Tunisia 88 est un projet ambitieux avec une conception impressionnante et fortement positive, concentrée sur la prospérité du pays et en particulier sur la création de nouvelles perspectives pour la jeunesse. La Bulgarie est ravie et très fière d’avoir apporté sa contribution symbolique dans cette belle et noble affaire». De plus, les clubs de musique, lauréats du concours pour la composition des chansons ont eu l’occasion de jouer leurs productions. Avant la performance, Farah Cherni, membre du club du lycée Khemais El Hajri à Jendouba, a pour sa part déclaré : « C’est une chose spéciale, une nouvelle expérience, je suis très heureuse, très fière de mon travail et de mon groupe» . Alhan Baneni, du club du lycée pilote de Kasserine a ajouté : «C’est très excitant. Nous sommes de très bonnes amies. Nous tenons trois réunions par semaine, mais le concours nous a donné l’opportunité de vraiment découvrir nos talents et de créer une nouvelle musique. C’est comme un rêve, nous sommes très heureuses de nous produire devant un public intéressant à Tunis. En plus, nous avons eu cette opportunité de travailler avec un musicien spécial, Selim Arjoun, qui a nous aidé à améliorer notre performance» . Les clubs du lycée Menzel Bourguiba et du lycée El Guettar ont également eu l’occasion de présenter leurs chansons. Tunisia 88 est une initiative, fondée sur les trois valeurs fondamentales de la musique, de l’inclusion et de la possibilité de transformation, à travers la mise en place de clubs de musique dans 3 lycées de cha- cun des 24 gouvernorats du pays, soit 72 clubs au total. Tunisia 88 (en référence aux 88 touches du clavier d’un piano) repose sur la conviction que la musique cultive le respect pour la différence et qu’elle peut être une fenêtre sur le monde. Les clubs sont dirigés par les étudiants élus par leurs pairs et avec le soutien des mentors et de l’administration de Tunisia 88. Cette dernière est accueillie en Tunisie par l’Association action et développement solidaire, fondée et présidée par Radhi Meddeb pour qui « Tunisia 88 est un incubateur de talents qui permet de faire éclore de multiples vocations et de les accompagner sur le chemin de l’épanouissement et de la réalisation. Le chemin parcouru en un an est considérable. Notre ambition est d’aller encore plus loin et de faire que tous les lycéens de la République puissent bénéficier d’un tel programme. C’est ainsi que nous participons à la construction de la Tunisie de demain : épanouie, solidaire et performante» . Au terme de trois jours intensifs, les 120 membres des clubs de Tunisia 88 ont pu assister, au Théâtre municipal, à une représentation de l’Orchestre symphonique de Tunis, dirigé par le maestro Hafedh Makni. Ils ont vu le pianiste Kimball Gallagher jouer le concerto n°2 pour piano de Rachmaninoff, l’un des morceaux les plus connus de l’histoire de la musique classique. Les mélodies mémorables, les sentiments romantiques et la virtuosité du pianiste dans un vrai théâtre étaient une expérience inédite pour la plupart des membres de Tunisia 88. Plusieurs de ces membres ont affirmé que c’était la première fois qu’ils voyaient ce côté de la Tunisie. Un beau théâtre, des auditeurs respectueux, de la musique et des musiciens qui écoutent la musique classique jouée par l’orchestre national. Alhan Baneni, m’a avoué après la spectacle, « normalement je n’aime pas la musique classique, mais aujourd’hui j’ai adoré. Merci pour l’expérience» . ———————— *Pianiste et fondateur du projet Tunisia 88