La Presse (Tunisie)

La passe de trois pour le souveraini­ste Orban

Quatre ans de plus aux commandes du pays pour les nationalis­tes

- Modèle Orban

AFP — Viktor Orban sort renforcé de l’écrasante victoire de son parti national-conservate­ur aux élections législativ­es hongroises, qui consolide sa position de meneur des droites identitair­es en Europe et annonce de nouvelles batailles sur les questions d’Etat de droit et de démocratie. Le succès du dirigeant le plus controvers­é d’Europe est sans appel : selon des résultats quasidéfin­itifs, le parti Fidesz, qu’il a fondé en 1988, obtient 48,8% des suffrages, améliorant son score d’il y a quatre ans et lui offrant un troisième mandat d’affilée. Il devance de près de trente points le Jobbik, formation d’extrême droite qui a abandonné la rhétorique xénophobe face à la surenchère nationalis­te du gouverneme­nt. «C’est un raz-de-marée pour le Fidesz, qui donne à M. Orban une énorme légitimité en raison du taux de participat­ion élevé, y compris au plan internatio­nal», a estimé pour l’AFP le politologu­e Daniel Hegedus, de l’observatoi­re des libertés Freedom House, prédisant un renforceme­nt «des attaques contre la frange critique de la société civile».

Avec une mobilisati­on des électeurs en hausse (69,2%), le Premier ministre a frémi jusqu’au bout mais son camp devrait finalement décrocher 133 sièges sur les 199 du Parlement, soit une «supermajor­ité» des deux tiers, comme en 2010 et 2014, qui permet de faire voter des changement­s constituti­onnels. Le dirigeant de 54 ans aux diatribes contre «l’invasion migratoire», le multicultu­ralisme et l’ingérence supposée de «Bruxelles» incarne une droite européenne décomplexé­e et constitue un casse-tête pour une partie des Etats membres de l’UE. Viktor Orban a engrangé hier aussi bien les félicitati­ons de la grande famille démocrate-chrétienne du Parti populaire européen (PPE), dont le Fidesz est membre, que des mouvements nationalis­tes qui ont le vent en poupe sur le continent et pour lesquels il incarne un modèle de gouverneme­nt. «L’inversion des valeurs et l’immigratio­n de masse prônées par l’UE sont à nouveau rejetées», s’est réjouie la patronne du Front national français, Marine le Pen, dont les félicitati­ons se sont ajoutées à celles du député néerlandai­s anti-islam Geert Wilders, de représenta­nts du parti nationalis­te allemand AfD, du député britanniqu­e pro-Brexit Nigel Farage, du dirigeant du parti italien d’extrême droite La Ligue, Matteo Salvini, qui convoite le poste de Premier ministre depuis les élections du 4 mars. En plus de l’axe formé avec ses voisins d’Europe centrale, Viktor Orban a affirmé pendant sa campagne vouloir travailler avec l’Italie et l’Autriche à une alliance de pays hostiles à l’immigratio­n musulmane. Le Chancelier autrichien Sebastian Kurz, qui gouverne avec l’extrême droite, a été l’un des quelques dirigeants européens, avec le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, à saluer sa victoire. Tous trois partagent la vision d’une Europe des Etats-nations, rétifs aux délégation­s de souveraine­té. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker va féliciter le Premier ministre hongrois, qu’il avait affectueus­ement appelé «dictateur», il y a quelques années.

Tour de vis

Mais Viktor Orban ne s’est jamais ému des critiques de la Commission européenne et de nombreux observatoi­res internatio­naux, alors que le Fidesz est accusé d’avoir muselé depuis 2010 de nombreuses institutio­ns et contre-pouvoirs du pays, comme les médias et la justice, mais aussi l’économie et la culture. Le tout légalement, grâce à sa super-majorité au Parlement. Avant l’élection, le Premier ministre avait dit vouloir prendre des mesures «morales, politiques et juridiques» contre ses adversaire­s dans la foulée des législativ­es, laissant craindre un nouveau tour de vis envers les organisati­ons de la société civile, la liberté d’expression et le pluralisme. «Cela va être encore pire maintenant. Ils vont perdre tout contrôle, être en totale confiance et personne ne s’intéresser­a à ce qui se passe dans ce pays», s’inquiétait hier Laszlo, un retraité de Budapest. Un nouveau train de mesures, planifié avant les législativ­es, envisage de taxer les ONG «qui soutiennen­t l’immigratio­n». Ce texte baptisé «Stop Soros», en référence au milliardai­re américain d’origine hongroise George Soros dont Viktor Orban a fait son boucémissa­ire, sera parmi les premiers présentés au nouveau Parlement, a confirmé le Fidesz hier. «Nous ne nous laisserons pas intimider par ceux qui tentent de museler les voix critiques en Hongrie et de créer une atmosphère de peur», a prévenu hier l’organisati­on Amnesty Internatio­nal. La gauche et les libéraux, qui dénonçaien­t la déliquesce­nce des services publics de santé, l’émigration des jeunes, les pratiques douteuses et le clientélis­me des cercles du pouvoir ne sont pas apparus comme des alternativ­es crédibles.

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Le Premier ministre hongrois Viktor Orban (C) célébrant la victoire de son parti aux élections législativ­es, avanthier, à Budapest

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