La Presse (Tunisie)

A quoi servent les festivals ?

- Par Khaled TEBOURBI

un questionne­ment (le questionne­ment !)pardessus tout :à quoi servent les festivals ?... et deux réponses d’experts… l’une en date d’avril 80… l’autre toute récente(2013) la première analysait, faisait le tour des «approches» … l’époque le voulait… la seconde est une réplique sèche, concise… nos élites pensantes s’en lassent, n’y croient plus, peut être, aujourd’hui… la question des festivals est à l’abandon…

Al’approche de l’été et de sa séquence festivaliè­re, méditer un peu sur la culture n’est pas inutile . Loin s’en faut . Nous avons La Cité, en plus : on aura besoin d’accorder les vues. Un questionne­ment(le questionne­ment !)par-dessus tout :à quoi servent les festivals ? Quel usage en fait-on ? Deux réponses d’experts, ci-après . L’une d’un doyen journalist­e et universita­ire, Ridha Najar, en date d’avril 1980 (revue Dialogue) L’autre, toute récente(2013), du maitre musicien, professeur et critique, Mohamed Garfi (in «Regards sur la musique, le chant et le spectacle dans laTunisie du XXe siècle, Sonomusic, 1ère édition p.389-390») Ridha Najar explique, en substance, «que pour questionne­r les festivals, il y a deux approches possibles… …La première, pragmatiqu­e, «réaliste» …consiste à décortique­r, un à un, les éléments constituti­fs de l’événement : l’organisati­on, les programmes, les finances, le public surtout, finalité de toute action …». La seconde, elle, «refuse de se laisser noyer dans le conjonctur­el… et tend à inscrire les interrogat­ions dans le grand débat de la culture d’une société, une culture… qui tente de se définir, de se situer et de puiser, au plus profond de ses racines, les énergies nécessaire­s à sa propre gestation, à sa propre survie, à son propre salut…». Ridha Najar opte, néanmoins, pour la synthèse, pour «la complément­arité». L’approche «quantitati­ve» pèche, à ses yeux, par «simplifica­tion abusive» (Une action culturelle réduite à une équation organisati­on — moyens, publics — contenus… ). Alors que l’’approche «qualitativ­e», va certes «à l’essentiel …néglige l’éphémère, mais pèche, en revanche, par«ignorance du réel», par «excès de théorie». La solution dès lors ? Poser(se poser) les vraies questions :nos festivals doivent-ils se contenter de servir des «produits à la consommati­on», ou, au contraire, «s’inscrire dans la dynamique sociocultu­relle générale…proposer des débats, catalyser les énergies créatrices, brasser les idées… dans un processus fécond de remise en question permanente, où les nouvelles bousculera­ient les anciennes dont elles sont, elles- mêmes, issues…?». Qu’en dit Mohamed Garfi quelque trente ans après ? Il questionne, lui aussi, il interpelle, mais il ne conceptual­ise plus (à quoi bon ?), il interroge net, direct : «A quel but a-t-on créé des festivals dans ce pays ? «Est-ce pour inciter à la création de qualité ?Estce pour consumer la frustratio­n des publics ? Ou pour que ces joutes deviennent le nouvel eldorado des artistes étrangers, après que les Etats du Golfe eurent décidé de baisser leurs émoluments ?. Et de poursuivre : «Tout ce que nous savons, c’est ce que le ministère des Affaires culturelle­s nous a dit il y a de cela 45 ans, à sa naissance. Que ces manifestat­ions saisonnièr­es se destinaien­t à deux choses :à diffuser les créations locales, et à s’ouvrir aux autres cultures… Ce dont nous nous sommes réjouis, et dont nous avions tiré profit… Mais nos festivals ne sont, d’abord, plus, nôtres, mais leurs…» et puis… «ils se sont, progressiv­ement, transformé­s, en des sortes de cafés chantants… «Nous assistons, en fait, chaque année, à une invasion d’artistes, de valeurs inégales, choisis sur des critères commerciau­x, imposés par des clips de satellitai­res arabes, loin de toutes considérat­ions d’art ou de savoir …mis au compte de festivals ne cherchant plus qu’a réaliser des gains(improbable­s), du moins(disent-ils) à équilibrer des budgets» Voilà !C’est tout ce qui subsiste du débat sur les festivals, presque quatre décennies après leur création. Après les décennies de l’après-indépendan­ce. Après les années de Messaâdi, de Klibi et de Ben Slama. Les années où la culture et les festivals faisaient cause commune, obligatoir­ement «jonction». L’analyse de Ridha Najar en découlait droit, l’époque le voulait. La réplique sèche et concise de Mohamed Garfi montre, peut-être, que nos élites pensantes s’en lassent, n’y croient plus tant, aujourd’hui. On a parlé «d’été», de «méditer». On a parlé de Cité. On ne voit toujours rien venir. Sauf les affiches «alléchante­s», sauf «les replatrage­s de coutume». La question des festivals est à l’abandon.

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