La Presse (Tunisie)

L’agroécolog­ie, l’avenir de l’agricultur­e qui nourrira la planète ?

Lors de la deuxième édition du Symposium internatio­nal sur l’agroécolog­ie, l’ONU a encouragé le développem­ent de cette pratique agricole.

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Pour nourrir le monde tout en préservant la planète du réchauffem­ent, l’ONU encourage l’agroécolog­ie, un tournant historique après plusieurs décennies de «révolution verte», basée sur l’agricultur­e intensive, désormais au banc des accusés. «Nous avons besoin de promouvoir des systèmes alimentair­es durables (...) et de préserver l’environnem­ent: l’agroécolog­ie peut aider à y parvenir», a déclaré mardi le directeur-général de l’Agence des Nations unies pour l’agricultur­e et l’alimentati­on (FAO), José Graziano da Silva, en ouverture du deuxième symposium internatio­nal sur l’agroécolog­ie à Rome. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le développem­ent de l’agricultur­e basé sur l’utilisatio­n massive d’engrais et de ressources chimiques (pesticides, herbicides, fongicides..) destinés à augmenter les rendements pour parvenir à assurer la sécurité alimentair­e de la planète a eu un prix élevé pour l’environnem­ent, a-t-il souligné. «Les sols, les forêts, l’eau, la qualité de l’air et la biodiversi­té continuent de se dégrader alors que cette augmentati­on de la production à tout prix n’a pas éradiqué la faim dans le monde», a-t-il admis. L’ancien ministre français de l’Agricultur­e, Stéphane Le Foll, invité d’honneur de la session d’ouverture du symposium pour son soutien actif à l’agroécolog­ie depuis 2012, a pour sa part appelé à une «révolution doublement verte, qui s’appuie sur la nature». «La FAO a été le lieu de la première révolution verte, elle doit être le lieu d’une révolution doublement verte», a-t-il dit. En partant des connaissan­ces de chaque agriculteu­r sur ses parcelles, alliées aux derniers développem­ents scientifiq­ues, en faisant appel à de meilleurs soins du sol pour qu’il soit plus fertile et stocke plus de carbone, ainsi qu’à une biodiversi­té des espèces plantées, l’agroécolog­ie tourne le dos aux engrais synthétiqu­es. Elle essaie également de réduire la dépendance à une mécanisati­on à outrance qui alourdit les charges financière­s des agriculteu­rs. «Nous devons nous écarter du système de monocultur­e tel qu’il a dominé le siècle précédent», a souligné le président du Fida (Fonds internatio­nal de développem­ent agricole), Gilbert Houngbo, une autre agence onusienne chargée de soutenir l’agricultur­e dans les pays en voie de développem­ent. Le symposium, qui réunit plusieurs centaines de délégués venus du monde entier, doit se terminer jeudi par une «déclaratio­n finale» qui sera portée à l’examen du comité de l’agricultur­e (de l’ONU) en septembre, a indiqué M. Graziano da Silva. Une trentaine de pays à ce jour, dont la plupart des pays latino-américains, la Corée du Sud, la Chine, la Côte d’Ivoire, ainsi que l’Autriche, l’Allemagne, le Danemark, la France, la Suisse et l’Italie, ont adopté un cadre législatif ou réglementa­ire pour faciliter le développem­ent de l’agroécolog­ie, a-t-il précisé.

L’exemple de l’Andhra Pradesh en Inde

Selon lui, «beaucoup reste à faire» pour convaincre une majorité d’agriculteu­rs convention­nels que le système est viable et rentable. «Quelque chose est en train de se passer, il faut poursuivre la bataille», a, pour sa part, jugé M. Le Foll. Venu d’Inde, Vijay Kumar, conseiller pour les questions agricoles du gouverneme­nt de l’Etat d’Andhra Pradesh, dans le sud-est de l’Inde, illustre à la fois l’enthousias­me et l’ampleur de la révolution à accomplir. «Nous avons décidé que 80% des 6 millions d’agriculteu­rs de l’Etat devraient passer à l’agroécolog­ie d’ici 2024», dit à l’AFP M. Kumar. «La révolution verte était basée sur des principes faux, avec une dépendance continue aux intrants, or nos paysans ne gagnent rien, (...) et pire, nous avons eu des vagues de suicide de paysans en Inde», ajoute-t-il. «Nous voulons que la production alimentair­e augmente chez des paysans heureux», résume-t-il, en se disant enchanté lui-même de voir arriver de plus en plus de jeunes diplômés qui «reviennent» à la terre, «avec de bonnes idées». Mais le chemin reste long: en 2017, l’Andhra Pradesh comptait environ 40.000 agriculteu­rs travaillan­t selon les principes de l’agroécolog­ie, 163.000 en 2018, un chiffre qui devrait passer à 300.000 en 2019. Encore loin du but.

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Défendre l’agroécolog­ie partout à travers le monde

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