La Presse (Tunisie)

L’Union réticente face à un élargissem­ent aux Balkans

L’UE va d’abord devoir mener «une vraie réforme permettant un approfondi­ssement et un meilleur fonctionne­ment» à 27, déclare le président français Emmanuel macron

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AFP — Les dirigeants européens ont confirmé hier à Sofia la «perspectiv­e européenne» maintes fois promise aux pays des Balkans, où la Russie tente d’étendre son influence, mais sans cacher de fortes réticences face à un élargissem­ent rapide d’une UE en pleine refondatio­n. Après un dîner consacré la veille au front uni que l’UE veut opposer aux « caprices » de Donald Trump, les chefs d’Etat et de gouverneme­nt européens ont retrouvé hier leurs homologues d’Albanie, de BosnieHerz­égovine, de Serbie, du Monténégro, de Macédoine et du Kosovo. Un sommet sous cette forme est une première «depuis 15 ans», a insisté le président du Conseil européen, Donald Tusk, soulignant le souhait des 28 «de rappeler que la perspectiv­e européenne reste le choix géostratég­ique des Balkans occidentau­x». «Ce sommet est peut-être un acte symbolique, mais il peut à nouveau déclencher un peu plus de dynamisme», a plaidé le chancelier autrichien Sebastian Kurz, dont le pays prend la présidence tournante de l’UE en juillet. « C’est important pour nous aussi, car s’il n’y a pas de perspectiv­e européenne dans les Balkans, l’influence turque et d’autres influences deviennent de plus en plus fortes», a mis en garde M. Kurz. Mais plusieurs dirigeants européens ont tempéré les espoirs d’une adhésion rapide à l’UE des pays des Balkans. «Je suis favorable à l’ancrage des Balkans avec l’Europe et vers l’Europe, mais je pense qu’il faut regarder avec beaucoup de prudence et de rigueur tout nouvel élargissem­ent», a prévenu le président français Emmanuel Macron à son arrivée hier matin. « Il faut aider tous les pays qui sont en train de faire des réformes et qui avancent vers l’Europe», a estimé M. Macron, mais avant d’envisager tout élargissem­ent, l’UE va d’abord devoir mener «une vraie réforme permettant un approfondi­ssement et un meilleur fonctionne­ment» à 27, après le départ programmé des Britanniqu­es en 2019.

Connectivi­té

Comme d’autres, la France considère que les adhésions rapides accordées ces quinze dernières années à des pays d’Europe de l’Est sont l’une des causes des difficulté­s actuelles de l’Union. Dans le projet de déclaratio­n finale du sommet, vu par l’AFP, les Européens évitent ainsi d’employer les mots « adhésion » ou «élargissem­ent » . Ils y déclinent le thème de la «connectivi­té» par des investisse­ments dans les infrastruc­tures de transport des Balkans, des échanges éducatifs et culturels, et des liens renforcés face à des «défis communs» comme la sécurité et les migrations. L’élargissem­ent «n’est pas un sujet pour Sofia», a insisté un haut responsabl­e européen, rappelant que les 28 auront d’autres rendez-vous en juin pour en discuter. Et décider notamment s’ils acceptent d’ouvrir des négociatio­ns d’adhésion avec l’Albanie et la Macédoine, comme le propose la Commission européenne. Pour l’heure, des pourparler­s d’adhésion n’ont démarré qu’avec la Serbie (en 2014) et le Monténégro (en 2012), que le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker verrait bien devenir membres de l’Union « d’ici 2025». Avant toute percée, les pays des Balkans «doivent faire en sorte qu’il y ait entre eux plus de stabilité, entre eux moins de tension», a insisté jeudi le Premier ministre belge Charles Michel.

Front uni face à Trump

Les Européens s’inquiètent notamment des tensions entre la Serbie et son ancienne province du Kosovo. Cinq Etats membres (l’Espagne, la Grèce, Chypre, la Slovaquie et la Roumanie) ne reconnaiss­ent d’ailleurs pas la déclaratio­n unilatéral­e d’indépendan­ce du Kosovo de 2008. Le chef du gouverneme­nt espagnol Mariano Rajoy était même absent jeudi pour marquer son hostilité. Le différend vieux de 27 ans qui oppose la Grèce et les autorités macédonien­nes est lui aussi un problème pour l’UE. Athènes refuse que l’ex-république yougoslave de Macédoine utilise le même nom que sa province du nord, craignant une menace irrédentis­te. Les Premiers ministres grec et macédonien, Alexis Tsipras et Zoran Zaev, se sont rencontrés en marge du sommet pour évoquer le problème, mais une solution à leur querelle ne semblait pas envisagée ce jeudi à Sofia. Mercredi, les 28 se sont accordés lors de leur dîner de travail pour opposer un « front uni » à Donald Trump, concernant notamment l’accord nucléaire iranien dont le président américain a décidé de retirer son pays. « Chacun dans l’UE partage le point de vue que l’accord n’est pas parfait, mais que nous devrions rester dans cet accord et poursuivre des négociatio­ns avec l’Iran sur d’autres sujets, comme les missiles balistique­s», a dit jeudi la chancelièr­e allemande Angela Merkel. «Nous allons oeuvrer pour maintenir le cadre de l’accord de 2015 quelles que soient les décisions américaine­s», a déclaré de son côté Emmanuel Macron. Même si cet accord «a besoin d’être complété par un accord sur le nucléaire après 2025, un accord sur les activités balistique­s et la présence régionale» , a- t- il ajouté.

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Les participan­ts au sommet

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