Pernicieuse dilatation du temps • En attendant que Youssef Chahed soit remercié ou maintenu au palais de la Kasbah, le pays s’enlise dans l’attentisme qui est synonyme d’immobilisme et de stagnation pernicieuse
On continue encore à reporter la prise de décisions à des dates que personne ou presque ne semble en mesure de maîtriser.
Hier, on a attendu la réunion des chefs des partis et des organisations nationales signataires du Document de Carthage, sous la présidence du président de la République Béji Caïd Essebsi, en vue d’avaliser «le programme de salut national » élaboré par la commission des experts et décider aussi du sort du gouvernement Youssef Chahed dans le sens de convenir si l’on va procéder à un remaniement profond qui verra la désignation d’une nouvelle équipe ministérielle dirigée par un nouveau chef ou si l’on va opter pour le maintien de Youssef Chahed à condition qu’il s’engage, lui et ses ministres, à ne pas se porter candidats aux élections législatives et à la présidentielle de 2019. Finalement, on a eu droit à une déclaration laconique livrée, hier, par Ridha Chkandali, expert d’Ennahdha, annonçant que le président Béji Caïd Essebsi rencontrera, mardi prochain, les signataires du Document de Carthage. Mais sans préciser quelles décisions ils auront à prendre. En plus clair, mardi prochain, Noureddine Taboubi, Samir Majoul, Rached Ghannouchi, Hafed Caïd Essebsi, Radhia Jerbi, Abdelmajid Ezzar auront peut- être d’autres sujets à discuter autres que ceux de trouver un remplaçant à Youssef Chahed ou d’avaliser une feuille de route « dont les 100 mesures qu’elle comporte commandent un gouvernement d’un mandat de cinq ans et non un gouvernement d’une validité de 20 mois (d’ici les prochaines élections) et avec en prime un chef et des ministres qui ne se porteront pas candidats aux prochaines élections, donc n’ayant aucune obligation de résultat » , estiment certains observateurs parmi ceux qui ont toujours soutenu que Youssef Chahed sera maintenu dans ses fonctions et que ceux qui exigent son départ utilisent, en réalité, un double langage, le premier destiné à l’opinion publique et le second pratiqué dans les hautes sphères du pouvoir se basant sur un nouveau discours répandant l’idée selon laquelle pourquoi changer un gouvernement qui commence à réussir au vu de certains indicateurs économiques qu’on présente comme ayant viré au vert ces dernières semaines, à l’instar du taux de croissance de 2,5% pour le compte du premier trimestre 2018. Et les mêmes défenseurs de cette approche de soutenir qu’il n’est plus question de perdre encore du temps dans la mesure où « la formation d’une nouvelle équipe ministérielle et la recherche d’un nouveau chef de gouvernement qui bénéficiera de l’aval des principales forces politiques du pays demandent beaucoup de temps » . S’agit- i l d ’ une nouvel l e manoeuvre qui a pour but de gagner encore du temps que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier de « pernicieuse opération de dilatation du temps » , mais pour servir les intérêts de quelle partie? La question reste posée sauf que personne n’est en mesure d’y répondre pour le moment. Reste que les blocages actuels ne peuvent pas être ignorés ou minimisés par quiconque et à leur tête les ministres du gouvernement Youssef Chahed qui se trouvent, selon leurs propres témoignages, « dans des situations très délicates, se sentant même incapables d’assumer leurs fonctions au sein de leurs propres ministères, voire de se faire écouter ou respecter par certains de leurs collaborateurs qui se comportent comme s’ils étaient cer tains que les jours de leurs ministres sont comptés » . Idem pour l’action législative où on a le sentiment que certains députés, soutenus ou incités à coup sûr par leurs propres partis, font tout pour bloquer l’adoption de certaines lois dites urgentes comme celle relative à l’élection des membres de la Cour constitutionnelle. ( Nous y reviendrons). Finalement, les Tunisiens ont le sentiment que les manoeuvres, les deals, les transactions ou, disons, les accords à avantages mutuels continuent à prendre le dessus sur l’application de la loi et sur la prise des décisions dites douloureuses qu’on cherche peut- être à reporter aux calendes grecques.